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Portraits comparés de Rodolphe Boulanger et de Léon Dupuis (Madame Bovary - Flaubert)

Publié le 17/01/2022

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Les amants d'Emma Bovary lui ressemblent et se ressemblent : ils préfèrent le désir et l'amour qu'ils éprouvent à la personne qui leur en inspire. Ce sont des bourgeois romantiques. Sourdes ou violentes, leurs passions sont provinciales, c'est-à-dire finalement sages et soucieuses de sauvegarder l'environnement social qui les protège d'un héroïsme auquel ils ne prétendent pas sérieusement. Comme Charles, ils ne feront, tour à tour, que renvoyer Emma à sa propre médiocrité, qui n'est jamais que le reflet de la leur, et à son oppressante absence de destin. Nous avons choisi de les suivre au fil de la narration, tels qu'ils apparaissent ou disparaissent du récit.
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« et sa parole toujours prélude aux actes.

Ainsi, lors de la scène des Comices, s'il fait l'éloge de la passion, est-ce pour saisir enfin la main d'Emma.

Premier abandon, symbolique encore.

« Je suis folle de vous entendre », lui dira-t-elle au bord de l'étang où elle sait bien qu'il vient de l'entraîner pour l'étreindre.

Abandon non symbolique, cette fois, et début d'une relation passionnelle au cours de laquelle Rodolphe manque plusieurs fois s'éprendre de cette femme qui ne ressemble décidément pas à toutes celles qu'il a connues. Pourtant, si le caractère romanesque d'Emma le distrait un temps, si sa beauté le retient, s'il est sincèrement troublé par ce mélange en elle d'ingénuité et de lascivité féroce, c'est avec une nonchalance coupable, et qui frise le cynisme, qu'il l'abandonnera après lui avoir promis de l'enlever. Lassitude de l'amant, lâcheté bourgeoise, ou laisser-aller d'un caractère aux contours sans fermeté ? Flaubert netranche pas.

Mais il tentera néanmoins de sauver son personnage.

Lors de sa dernière entrevue avec Emma, s'ilavait eu l'argent qu'elle lui demande, il l'aurait donné.

Et voici peut-être la clef de sa psychologie, car c'est moins sagénérosité qui est en cause que sa richesse.

Rodolphe n'a pas les trois mille francs qui sauveraient Emma, pas plus qu'il n'eut assez d'amour pour lui offrir autre chose que les sensations faciles, mais finalement factices, d'un banaladultère. Léon et Emma, trois ans après Qu'est-il arrivé au timide Léon pendant ces trois années ? Que lui est-il arrivé pour qu'au hasard d'une rencontre authéâtre de Rouen, il se conduise soudain comme un séducteur ? La réponse tient en un mot, un mot magique, « démesuré», « flamboyant » : Paris. Le petit provincial timoré et languissant s'est métamorphosé en dandy parisien.Il a fréquenté des « grisettes » et « sa timidité s'est usée au contact de [ces] compagnies folâtres ».

Sa timidité,certes, mais non son amour pour Emma.

Cette passion inassouvie n'a fait que sommeiller et voilà brusquement qu'ellese réveille, avec une impétuosité qui ne tarde pas à afficher un désir de possession physique, autrefois délayé dansd'innocents marivaudages.

En somme, et chacun à sa manière, Léon et Emma ont fait l'expérience de la sensualité, et lorsqu'ils s'avouent enfin leur amour, ils savent très bien l'un et l'autre où cela les peut mener. Et ce sera l'épisode scandaleux du fiacre caracolant : étonnant exemple d'exportation des audaces parisiennes dans les moeurs de province Puis viendront les rendez-vous du jeudi où, par une sorte de revanche sociologique, la jeune yonvillaise va en remontrer à l'ex-étudiant du Quartier latin.

Les conquêtes faciles de la capitale, si elles ont déniaisé notre jeune homme, ne semblent guère avoir trempé son caractère.

Tout à « l'assouvissance de son désir », Léon délaisse quelque peu son travail, il fait des visites intempestives à Yonville, et de rêveries en serments qu'il ne tiendra pas, s'adonne à toute sorte d'enfantillages, où transparaît encore son manque de maturité. Sait-on jamais où mène la passion ? Pour qui aime le plus : à la folie et au suicide.

Pour qui aime plus raisonnablement, autrement dit moins : à la peur et aux remords.

L'exubérance du tempérament d'Emma va bientôt terroriser Léon — comme elle avait d'ailleurs effrayé Rodolphe.

Le jeune clerc redoute à la fois la virtuosité dévorante de sa maîtresse qui annihile son propre désir, et surtout « l'absorption, chaque jour plus grande, de sa personnalité ».

Il est vrai que, n'en ayant guère, il ne lui est pas loisible de s'en montrer prodigue.

Emma mettra le comble à cette angoisse lorsque, sa ruine consommée, elle luisuggérera de voler dans la caisse de l'étude la somme dont elle a besoin ! Dès lors, toute liaison avec cette femme, dont la « muette volonté lui conseillait un crime », devient impossible. Il ne lui reste plus qu'à l'éconduire sur de vagues promesses qui ne font qu'ajourner un refus définitif, avec toute la lâcheté qu'une pareille attitude exige.

Cette même lâcheté qui caractérise souvent les héros flaubertiens, et. »

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