Portraits, parures et billets doux

« E X P 0 S É S F C H E S La lettre a donc chez Beaumarchais de multiples fonctions, qu'elle serve d'appât ou de révélateur, qu'elle suscite la passion ou la révolte.

Ainsi, Rosine s'indigne de voir Bartholo ouvrir son courrier (II, 15) et le prend à son propre piège dans une scène où éclate l'absence de scrupules du vieux barbon, qui profite d'un malaise de la jeune fille pour lire avidement la lettre qu'elle dissimulait.

Un enjeu capital La circulation de ces objets d'écriture est au centre d'une stratégie qui se moque des obstacles, défie l'ordre établi et insuffle à ces comédies un rythme endiablé.

Pour remettre à Rosine un billet au nez et à la barbe de Bartholo, Almaviva déguisé en soldat met en scène la reconstitution parodique d'une bataille (Barbier, Il, 14), manifestant ainsi clairement de quelle lutte la lettre est l'enjeu .

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Ill -LES OBJETS DU DÉSIR Talisman amoureux La force qui mène les personnages de Marivaux et de Beaumarchais est celle du désir.

Certains objets ont pour fonction de le dévoiler.

Le« ruban de nuit» de la Comtesse dont s'empare Chérubin (Mariage, I, 7) est pour le jeune page un talisman amoureux, puisqu'il a touché les cheveux de sa «belle marraine», que cette dévotion sensuelle trouble, bien qu'elle ne se l'avoue pas à elle-même, et qui, ayant récupéré le fameux ruban, le garde précieusement «dans son sein» jusqu'à la fin de la pièce où il deviendra la jarretière de la mariée.

Si le ruban révèle ici la nostalgie d'une femme frustrée et malheureuse, ailleurs certains objets« parlent» au nom des personnages, et plus clairement qu'eux par­ fois.

C'est le cas du portrait, dans Les Fausses Confidences de Marivaux.

Portraits indiscrets Au centre de cette pièce (et très exactement aux scènes 6 à 9 du second acte qui en compte dix-sept) le portrait d' Araminte joue un rôle essentiel.

Ce portrait est double, puisqu'il s'agit à la fois de celui qui est enfermé dans une boîte et dont les traits ne doivent être révélés qu'à celle qu'il représente, et d'un grand portrait de la maîtresse de maison, suspendu dans la chambre de son intendant et qu'il est ques­ tion d'en enlever.

Que le serviteur ait eu l'audace de faire peindre celle qu'il aime en secret, ou qu'il se perde, avec délices, dans la contemplation du tableau qui orne son appartement, tout cela révèle bien sûr sa passion inavouée.

Mais qu'à son tour Araminte feigne de ne pas comprendre qui a commandé la miniature, ou permettre que son image continue à égayer la chambre de son intendant, voilà qui met à nu un sentiment socialement inavouable, par portraits interposés.

Un jeu ambigu D'autres objets jouent de multiples façons avec le désir.

La« toque virginale, ornée de plumes et de rubans blancs » que Figaro, la Comtesse et « beaucoup de valets » contraignent le Comte à donner à Suzanne (Mariage, I, 10), en guise de « symbole de la pureté de [ses] intentions » est un démenti ironique au désir à peine voilé du seigneur de rétablir son droit de cuissage.

· Quant au Prince de La Double Inconstance de Marivaux, il prend Silvia la pay­ sanne au piège des somptueux habits qu'il lui offre et grâce auxquels il éveille en elle le secret désir d'être « la plus belle » (Il, 3 et Il, 6).

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