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préface de Camus la maison du peuple

Publié le 27/10/2022

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« Albert Camus, préface à la réédition (1953) de Louis Guilloux, La Maison du peuple (1927) En octobre 2019 le Prix Nobel d’économie était attribué à la Française Esther Duflo venant récompenser ses travaux menés sur la pauvreté, en particulier son ouvrage Repenser la pauvreté.

En effet cet ouvrage remet en question les politiques destinées à lutter contre la pauvreté étant donné qu’elles sont menées par des experts qui ne comprennent rien à propos de la situations des personnes les plus précaires, l’ouvrage explique l’hypothèses selon laquelle les luttes contre la précarité ne fonctionnent jamais car les experts ont pris l’habitude de décider à la place des pauvres de ce qui est bon pour eux sans prendre la peine de les consulter, comme s’ils pouvaient deviner ce qu’il faut mettre en place alors qu’ils ne s’y connaissent en rien personnellement à cette situation et qu’ils ne l’ont pas vécu pour savoir ce qui serait utile ou pas à mettre en place.

Cependant, ce livre ne fait que refléter dans la version du 21ème siècle des idées qui ont déjà été prononcées par le passé.

En effet au 20ème siècle, au moment où des nombreux textes universitaires émergent pour défendre la cause des prolétaires et où la cause de la révolution prolétaire est confisquée par des grands bourgeois communistes, des grands écrivains comme Albert camus dénoncent ceci en considérant qu’un bourgeois n’est pas légitime pour parler sur la cause des prolétaires car les intellectuels bourgeois de gauche n’auront jamais la même approche et la même expérience que les fils de prolétaires. Albert Camus, né en 1913 est un hommes de Lettres ayant marqué le XXe siècle qui provenait d’une famille très modeste qui vivait dans les quartiers pauvres d’Algérie, malgré son enfance misérable il parvient à obtenir une bourse d’études, il continue ses études supérieurs et avec les encouragements de son « bon maitre » Jean grenier, il commence sa vocation d’écrivain, il écrira plusieurs œuvres pour promouvoir ses idées humanistes.

En 1948 il écrira la préface de la réédition de l’ouvrage La maison du peuple écrite par son « vieux frère »Louis Guilloux.

Louis Guilloux tout comme Camus était issu d’un milieu populaire et il était comme lui franc-tireur politique après avoir été tenté par le communisme.

En 1927 son ouvrage La maison du peuple est publié, il y fait le récit de la vie de sa famille à Saint Brieuc, à partir de sa vue d'enfant, de l'activité de son père cordonnier qui entreprend de construire une "Maison du Peuple".

Ainsi il peint sans idéaliser la vie d’une famille vivant dans la pauvreté. L’extrait que nous allons analyser provient donc de la mémorable préface écrite par Camus pour cet ouvrage qu’il trouve admirable étant donné qu’il considère que louis Guilloux est légitime à prendre la parole sur le sujet du prolétariat puisqu’il en est issu ce qui lui permet d’écrire en toute vérité avec nul manichéisme.

Il utilise donc sa préface pour défendre son idée selon laquelle les bourgeois de gauche ne seraient pas aptes à émettre un avis sur une cause dont ils ne s’y connaissent pas. Ceci nous mènera à nous demander de quelle manière Camus prétend-t-il que la lutte des intellectuels communistes ouvrant pour la cause prolétaire à travers leurs ouvrages serait inapte et insignifiante face aux travaux menées par des fils de prolétaire. Pour répondre à ceci nous verrons dans un premier temps comment à travers ce texte Camus remet en cause la légitimité de la parole de l’intellectuel bourgeois menant un engagement politique qui ne lui est pas propre puis nous nous intéresserons au fait que selon Camus des origines modestes donnent la légitimité de la parole quand c’est pour émettre des propos sur la situation du prolétariat. I/ La remise en cause de la légitimité de la parole de l’intellectuel communiste menant un engagement politique qui ne lui est pas propre A) Le paradoxe d’une lutte mené par des bourgeois œuvrant pour la cause prolétaire Au cours du 20ème siècle les intellectuels français ont été présents dans toutes les luttes où la pensée et l'écriture pouvaient être utilisées comme des armes. Beaucoup d’intellectuels bourgeois de gauche s’inscrivaient dans le combat qui œuvrait pour la cause prolétaire bien qu’il existait une énorme frontière entre leur milieu social et celui qu’ils prétendaient défendre. C’est le paradoxe de cette lutte que Camus vient soulever lors de cet extrait, il cite d’entrée « Presque tous les écrivains français qui prétendent aujourd’hui parler au nom du prolétariat sont nés de parents aisés ou fortunés ».

C’est une phrase qu’il citait en étant conscient des problèmes et critiques qu’il recevrait en retour étant donné que nombreux étaient les communistes de son époque qui défendaient la cause prolétaire en étant issues de milieux aisées.

Il les connaissait et sans doute les visait.

Parmi eux son ancien ami Jean-Paul Sartre avec qui il s’était éloigner en raison des avis divergents qui existait entre eux après que Camus décide d’abandonner le communisme.

Des nombreuses querelles existent entre les deux écrivains surtout après l’émergence de l’idée de Camus voyant dans la lutte des bourgeois pour la cause prolétaire un grand paradoxe.

Des nombreux échanges entre les deux sont publiés dans la revue politique Les temps modernes où Sartre d’un côté reproche à Camus de remettre en cause ses compétences philosophiques et dit qu’il refuse de faire une distinction entre lui et les opprimés et de l’autre Camus qui lui répond dans une des multiples lettres qu’il lui fait qu’il refuse de se faire dire quoi écrire par des intellectuels qui défendent certaines idées révolutionnaires tout en vivant dans le velours.

Pour lui Sartre a beau, en ces années-là, se situer toujours plus à gauche, il reste un héritier.

Ainsi on comprend que pour Camus la parole émise par ces intellectuels n’est pas légitime et qu’elle relève de quelque chose qui ne serait pas logique selon lui.

A la ligne 3 il cite « Je me borne à signaler au sociologue une anomalie et un objet d’études.

» En effet il ne comprend pas comment un bourgeois pourrait parler légitimement d’une classe sociale qui est à distance de la sienne.

Il ne critique donc pas la classe bourgeoise mais critique le fait que celle-ci parle au nom d’une autre classe qu’elle méconnait et que même si elle chercherait à connaitre des éléments sur celle-ci, ceci ne serait pas suffisant pour lui permettre de réaliser des œuvres entières à son propos comme si elle en était concerné.

C’est pour ces raisons que Camus dit dans la préface « Ce n’est pas une tare, il y a du hasard dans la naissance, et je ne trouve cela ni bien ni mal » En ajoutant quelques lignes plus tard « On peut d’ailleurs essayer d’expliquer ce paradoxe en soutenant, avec un sage de mes amis, que parler de ce qu’on ignore finit par vous l’apprendre.

» C’est cette même idée qu’il reprend plus tard et qui est expliqué par Jean Daniel au journal le monde en 2010.

Daniel dirigeait la revue Caliban en 1947 et s’étant lié d’amitié avec Camus publie un article portant sur la préface.

Suite à ceci Clause Roy, écrivain français bourgeois contacte Daniel en lui disant "Alors il y aura donc une légitimité de la misère ? Il faudrait un examen de passage avant d'en parler ?" Ce à quoi Camus répond "Ne t'en fais pas (...), de toute manière, ils ont partiellement raison.

Les penseurs révolutionnaires sont tous d'origine bourgeoise.

Qu'ils nous enseignent à sortir de la misère d'accord, mais qu'ils écrivent comme s'ils en étaient, jamais ! " B) La critique de propos menés par des intellectuels bourgeois possédant juste un regard extérieur sur le prolétariat sans réelle connaissance de la situation Ainsi Camus continue à affirmer son idée, pour lui l’écart de classe est une grande entrave qui ne leur permet pas de parler de la cause prolétaire.

C’est donc pour cela qu’il émet une critique des propos menés par des intellectuels bourgeois possédant juste un regard extérieur sur la prolétariat sans réelle connaissance de la situation.

Dans la préface il cite « La pauvreté, par exemple, laisse à ceux qui l’ont vécue une intolérance qui supporte mal qu’on parle d’un certain dénuement autrement qu’en connaissance de cause.

».

Ici on peut constater que l’attaque en est délibérément offensive.

Pour Camus les intellectuels communistes n’ont aucune expérience de la condition prolétarienne ce qui leur ferait avoir un regard seulement extérieur qui n’assurerait pas des informations exactes.

Pour lui leur regard sur le prolétariat serait celui d’un ethnologue devant une « tribu » et il justifiera ses propos en utilisant comme exemple des textes universitaires qui parlent des prolétaires comme une “ tribu aux étranges coutumes ”.

Le risque résiderait donc selon lui, dans le fait de sombrer dans la “ flatterie dégoutante ” , de basculer dans le mépris insultant, dans la sublimation imaginaire et de cette façon mener des luttes en s’appuyant sur des stéréotypes.

Ainsi selon Camus des luttes sont menées en étant basées sur des mythes étant donné que ceux qui les mènent ne peuvent pas avoir une approche véridique car ils ne se sont jamais retrouver dans la situation de ceux pour qui ils prétendent combattre.

De plus la manière dont ils écrivent leur ouvrage risque de ne pas être comprise par les principaux concernés, les prolétaires.

Camus vient donc également critique ceci puisque comment mener un combat si on risque de ne même pas être compris par les personnes que l’on prétend défendre ? Ceci peut également créer une frustration par les prolétaires.... »

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