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Qu'est-ce qu'un beau vers ?

Publié le 22/02/2012

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le beau vers doit-il se limiter à délivrer une image au travers des mots et par l'imagination ? Doit-il se limiter à nourrir, à converser avec l'imagination, son sens confiné dans un dialogue ? L'imagination ne peut-elle pas mener à un mode d'appréhension des choses cependant différent de la science ?  On peut en effet considérer que le vers renvoie à une réalité supérieure, à une idée métaphysique, à l'Etre non pas par le biais du système ou du concept à la manière de la science ou de la philosophie mais de façon plus immédiate, plus personnelle. C'est ce dont prend conscience Descartes dans Cogitationes Privatae lorsqu'il dit : « On pourrait se demander pourquoi de profondes pensées se trouvent dans les écrits des poètes plus que dans ceux des philosophes… il y a en nous des semences de science… que les philosophes tirent par le raisonnement, tandis que, par l'imagination, les poètes les font mieux jaillir et briller. » Ainsi, le beau vers donne à voir l'Etre, l'absolu, l'Idée.

« comme le discours conventionnel, sur des règles de métriques classiques que sur des jeux d'harmonie entre fond etforme.

Il ne s'agit plus véritablement de règles.

Il s'agit davantage d' un jeu respectif entre les propriétés purementsensibles des mots visant à produire une harmonie, une combinaison de mots harmonieuse à l'oreille et à la vue.

Maisd'un jeu « sérieux », non de hasard, au sens où le beau vers opère une combinaison de mots suivant des loisinternes de sonorité et de rythme, lesquelles entrent en résonance avec l'aspect sémantique du langage.

Forme etsens s'articulent, se désarticulent l'un par rapport l'autre, le vers unifie ce que le lecteur se représente mentalementet ce qu'il lit concrètement dans son heurt avec l'aspect purement sensible des mots comme dans ces deux vers deMarbeuf : « Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage, Et la mer est amère et l'amour est amer, … » Le langage est fluide, le vers est lancé et se déroule grâce au « Et » disposé anaphoriquement, il joue sur lessimilitudes phoniques, évite la lourdeur possible de l'alexandrin et de ses accents fixes ici respectés, par lacontinuité du rythme et des sonorités qui, elles-mêmes imitent l'objet décrit, la fluidité de la mer, la parfaitecorrespondance de l'amour et de la mer, une adhérence sans « accroc ».

Le lecteur est en quelque sorte bercé parces sonorités sensuelles, bercé par l'assonance ouverte, suspensive en –ère qui contrebalance l'assonance en –ouplus lourde et posée, bercé par la fin de vers ouverte, suspendue qui facilite le retour au vers suivant.

Justementcette facilité de retour au vers suivant, et le retour incessant des mêmes sonorités –et l'amour, -et l'amer rappelle le mouvement d'éternel retour des vagues sur elles-mêmes.

Ainsi selon les termes de Valéry, le beau vers « exploiteles propriétés sensibles » du langage, pour renforcer le sens, l'image.

Celle-ci est souvent émotionnellementévocatrice, forte, la mer dénote une certaine mélancolie corroborée par le goût amer, et par les implicationsmultiples de l'amour (bonheur, souffrance…), souvent s'agit-il d'une image majestueuse, d'une beauté lente à lamanière de Baudelaire qui forme bien cette totalité brillante, ce bel objet rayonnant : « Que j'aime voir, chère indolente, De ton corps si beau, Comme une étoffe vacillante Miroiter la peau » Les fleurs du mal, Le serpent qui danse Le beau vers se situe donc dans un échange productif avec l'imagination, un échange sans cesse renouvelé, undialogue.

En premier lieu, l'imbrication entre signifiant et signifié permet à l'imagination des « retouches » sur le vers,sur l'image et la sensation délivrée.

Le vers, comme le dit Genette, s'emploie à rendre la nécessité aux mots, à leurforme, à corriger l'arbitraire des mots.

Le vers « rémunère » les défauts du langage selon les termes de Mallarmé,c'est à dire en quelque sorte que ce défaut du langage, a priori nommé comme tel, est en fait une richessepotentielle pour le poète.

Dans le vers, ce « syntagme poétique », la combinaison et le choix des mots jouent enfaveur d'une interaction positive entre sens et forme : pour corriger le défaut d'un mot, défaut qui consiste à n'avoiraucun rapport à la chose désignée, le vers peut l'entourer d'autres mots qui, par leur propriétés sensibles,appuieront le sens qu'on veut donner au mot défectueux.

Ainsi ce premier vers de Promenade sentimentale de Verlaine : « Le couchant dardait ses rayons suprêmes ». »

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