RÉALISME ET ILLUSION
Publié le 28/03/2015
Extrait du document

Maupassant évoque ainsi l'exemple des accidents. Sous prétexte qu'il en arrive sans cesse, vais-je me voir obligé, de temps à autre, de faire tomber une tuile sur la tête de mon personnage principal ou de le faire rouler sous une voiture ?
Il revient ensuite au thème principal de son étude et sur la nécessité de donner forme à la vie :
«La vie encore laisse tout au même plan, précipite les faits ou les traîne indéfiniment. L'art, au contraire, consiste à user de précautions et de préparations, à ménager des transitions savantes et dissimulées, à mettre en pleine lumière, par la seule adresse de la composition, les événements essentiels et à donner à tous les autres le degré de relief qui leur convient, suivant leur importance, pour produire la sensation profonde de la vérité spéciale qu'on veut montrer.
Faire vrai consiste donc à donner l'illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession.
J'en conclus que les Réalistes de talent devraient s'appeler plutôt des Illusionnistes.«
Quelques lignes plus loin, Maupassant ajoute, et nous sommes bien loin de l'artiste dressant un simple procès-ver‑

«
@] .
Réalisme et illusion/ 149
écrire dans une étude sur Je roman parue dans Le Figaro du
7 janvier 1888 :
«J'en conclus que les Réalistes de talent devraient
s'appeler plutôt des Illusionnistes.»
Cette étude sera, par la suite, publiée conjointement avec Je
roman de Maupassant intitulé Pierre et Jean (1888).
On en
parle souvent comme de la
«Préface» de Pierre et Jean,
mais l'expression ne convient pas et Maupassant la récusait.
Cette étude est intitulée
«Le Roman» et porte sur l'art du
romancier en général, sans lien direct avec
l' œuvre qui suit.
.....
Peindre le monde «tel qu'il est».
Mais ce monde «est»
il, d'une façon objective, en dehors des consciences mul
tiples et différentes qui
le perçoivent? La difficulté n'a pas
échappé à Maupassant qui, dans l'étude à laquelle nous
nous référons, écrit :
«Quel enfantillage, d'ailleurs, de croire à la réalité
puisque nous portons chacun la nôtre
dans notre pensée
et dans nos organes.
Nos yeux, nos oreilles, notre odorat,
notre goût différents créent
autant de vérités qu'il y a
d'hommes sur la terre.
Et nos esprits qui reçoivent les
instructions de ces organes, diversement impressionnés,
comprennent, analysent
et jugent, comme si chacun de
nous
appartenait à une autre race.»
Il ne me sera donc possible que de décrire le monde «tel
qu'il est pour moi».
Mais cela étant admis, le romancier
soucieux de peindre le réel se heurte
à une autre difficulté.
On ne peut pas tout dire car, pour évoquer seulement une
seule journée de
l'un des personnages, il faudrait de nom
breux volumes, lesquels eux-mêmes ne suffiraient pas
vraiment.
Un amoncellement de faits, de sensations, d'émo
tions, de pressentiments, de souvenirs, d'idées embryon
naires
ou abouties, d'aspirations plus ou moins confuses ne
font pas une œuvre.
Force est donc pour le romancier d'éla
guer.
Mais cet élagage ne peut se faire au hasard.
Il est obli
gatoirement
«sélectif» en fonction de l'objectif que s'est
fixé !'écrivain.
Il s'agit donc d'un «tri», d'un «choix».
Le
romancier réaliste, quand
il possède le «sens du réel»,.
»
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