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REBELL Hugues : sa vie et son oeuvre

Publié le 28/11/2018

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REBELL Hugues, pseudonyme de Georges Grassal (1867-1905). C’est dans le xixc siècle finissant que notre fin de siècle à nous se cherche des ancêtres, parmi ceux qui semblaient condamnés au purgatoire de l’illisibilité ou du mauvais goût. On a donc ressuscité les romans de Rebell, et l’on n'a pas eu tort dans la mesure où ces rééditions font apparaître une écriture inclassable, séduisante et dont l’étrangeté semble irréductible à tout modèle, si ce n’est peut-être à une forme de baroque aussi énigmatique que forcenée.

L'insurgé

 

La vie de Rebell ressemble à celle de ses personnages : elle en a l’intensité et le trajet aventureux. Celui qui se nomme alors Georges Grassal est originaire de Nantes, ce port de corsaires où était déjà né Jules Verne. Il est le fils d’un commerçant aisé, mais refuse bientôt le confort de la province. Une courte carrière locale lui permet de fonder une revue qui dure un an, le Gai Sça-voir (1885-1886), de publier la même année un volume de poésie et un autre de prose avec les Méprisants (1886). Mais, à la mort de son père, il part bientôt conquérir Paris, nanti de beaux espoirs et d’un héritage important. Là, sous un pseudonyme qui est aussi profession de foi : Rebell, il se fait une réputation et se forge une doctrine; il n'hésite pas longtemps devant le symbolisme, qu’il trouve faux, et lui oppose un nietzschéisme héroïque qui est encore une nouveauté dans la France des années 1890. Il défend ses vues païennes et révoltées dans l'Ermitage, au Mercure de France, exalte ces hommes supérieurs qu'il appelait naguère les « méprisants ». Il publie aussi deux livres : l’Union des trois aristocraties (1894), autrement dit celle qui doit réunir les plus riches, les mieux nés et les plus intelligents, et les Chants de la pluie et du soleil (1894), avec une surprenante ode à Bismarck.

 

A cette époque, il est, au physique, une sorte de « Renan poupin », gras et rose, un blond aux yeux bleus avec pourtant un rien d’asiatique : « vous auriez dit une Cambodgienne ou une Mandchoue entre deux âges ». Timide également, mais avec des opinions tranchées, des brutalités et des humeurs. Bref, un personnage attachant par son incapacité à se couler dans un moule, et vomissant toutes les règles. Peu à peu, on le voit dissiper ses biens en voyages ou en bonnes fortunes. Il finira même par connaître la dépression, la maladie, la gêne surtout, qui l’oblige à écrire. C’est alors la série des grands romans avec d’abord la Nichina (1897), qui lui assure une sorte de célébrité littéraire, puis La femme qui a connu F Empereur (\\898), bâti à partir d’événements historiques presque contemporains; la Câlineuse (1899); la reconstitution de l’Italie antique avec la Saison à Baïa (1900); la description des bas-fonds de Naples avec la Camorra (1900); suivent la Brocanteuse d’amours (1901), le beau livre des Nuits chaudes du Cap-Français (1902), dont l’action se situe à Saint-Domingue; le Baiser d’une esclave (1905), Le diable est à table (1905). Mais cette floraison accélérée, à quoi il faut ajouter encore plusieurs textes critiques et un livre posthume en collaboration avec J. de Mitty (Au service de F Empereur, 1907), ne sauve pas Rebell, elle réussit même à l'épuiser. Il meurt seul, encore jeune et misérable, dans la salle des indigents de l'Hôtel-Dieu.

 

Une écriture de l'outrance

 

On ne s’étonnera pas, après une telle biographie, que le trait marquant de l'œuvre de Rebell soit le goût de l’extrême, voire du paroxysme. Cette tension première explique son écriture, où s’affirme la présence d’un individu ou plutôt d'une force, d’une exaltation toujours à la limite entre colère et volupté. Car ces romans d’un timide sont des romans audacieux; la vie

« tées, ils seront plus aptes non seulement à comprendre (comprendre ne suffit pas), mais à sentir et à accepter une loi de la vie ».

Au fond, pour Rebell, l'univers n'est là que pour nous proposer des occasions d'allégresse.

Le corps d'une femme ou d'un garçon, les pastèques d'un éventaire, le nectar tant prisé du frère Arrivabene, le style même, qui doit être savoureux : des jouissances s'offrent, dont la somme produit une sorte de vertige.

Cette Italie de la Nichina est donc faite pour nous convier aux fêtes des Forts et des Frénétiques, de ceux qui vivent « le ventre libre et J'estomac bien-portant ».

C'est celle de Stendhal et de Casanova, celle de la truculence, de l'injure et du baiser : elle s'incarne dans la courtisane.

Un immoraliste? On comprend alors que la Venise de Rebell est d'abord un monde rêvé où la liberté peut se déployer sans médiocrité, que tous les libertinages y deviennent les manifestations d'une force vitale exacerbée et tou­ jours bonne par principe.

Le seul péché serait, en 1' occur­ rence, de ne pas lui céder, elle dont l'aboutissement est, bien entendu, l'écriture, laquelle devient jouissance, de même que la jouissance se métamorphose en art.

Même effet esthétique de 1' exotisme et du scandale dans les Nuits chaudes du Cap-Français, où se révèle une fois de plus la passion de Rebell -et l'analogie avec Stendhal n'est pas fortuite -pour les tonalités noires et rouges, pour Je sang des meurtres et la peau des négresses.

L'au­ teur fin de siècle remonte cent ans en arrière, comme nous Je faisons nous-mêmes en le lisant, et retrouve une époque selon ses goOts, pleine de fureur et de corruption, avec une fascination toujours accrue pour ce que nous appelons le mal et qu'il nommerait peut-être Je beau.

Car les Nuits chaudes, qui exploitent Je registre du malsain et de l'invraisemblable, marquent surtout la volonté de renverser des interdits, voire d'aimer le mons­ trueux.

Dans ce drame « noir » construit pour nous inquiéter, on sent la volonté de saturer le livre de cette haine, de ce « vice naïf» qui se lit dans les yeux de Zinga et qui est comme Je ressort de l'intrigue.

Se crée alors une sorte d'érotisme un peu sadien, en accord avec l'atmosphère orageuse et démoniaque du Cap-Français, et où les éléments les plus contraires se heurtent sans cesse : les positions sociales, les races, la farce et la t ra gédi e, la luxure et l'innocence.

En fait, on tient là ce qui fait en même temps la valeur et les limites de Rebell : un brio certain dans la couleur et dans la description d'une perpétuelle transe amoureuse; un excès indéniable dans le goOt même de l'excessif.

BTBL!OGRAPHTE Des rééditions ont été préfacées par H.

Juin (La femme qui a connu l'Empereur, U.G.E ..

1979; la Camorra, U.G.E., 1979; les Nuits chaudes du Cap-Français, U.G.E., 1978; la Câlineuse, U.G.E., 1978) et par G.

Zwang (la Nichina, Lat tè s, 1980).

Voir aussi : Portraits d'écrivains, Éd.

«A l'écan »(les Introuvables), R eim s, 1977; Chants de la pluie et du soleil, Éd.

d'Aujourd'hui, 1977.

On consultera un article de H.

Mazel dans le Mercure de France du 15 avril 1905; une thèse allemande assez > : J.

BrUckmann, Hugues Rebell, ein Vorkèimpfer des franz.i:isischen Nationalismus (Bonn, 1937); et, par Auriant, le Catalogue de l'exposition Rebe/1 (Nantes, 1967), Nantes, lmpr.

municipale, 1967.. »

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