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Relations amoureuses (corpus corrigé)

Publié le 07/09/2018

Extrait du document

Albertine est la compagne du narrateur qui, par jalousie, la surveille constamment.

D'Albertine, en revanche, je n'avais plus rien à apprendre. Chaque jour, elle me semblait moins jolie. Seul le désir qu'elle excitait chez les autres, quand l'apprenant, je recommençais à souffrir et voulais la leur disputer, la hissait à mes yeux sur un haut pavois1• Elle était capable de me causer de 5 la souffrance, nullement de la joie. Par la souffrance seule, subsistait mon ennuyeux attachement. Dès qu'elle disparaissait, et avec elle le besoin de l'apaiser, requérant toute mon attention comme une distraction atroce, je sentais le néant qu'elle était pour moi, que je devais être pour elle. J'étais malheureux que cet état durât et, par moments, je souhaitais d'apprendre

Jo quelque chose d'épouvantable qu'elle aurait fait, et qui eût été capable, jusqu'à ce que je fusse guéri, de nous brouiller, ce qui nous permettrait de nous réconcilier, de refaire différente et plus souple la chaîne qui nous liait. En attendant, je chargeais mille circonstances, mille plaisirs, de lui procurer auprès de moi l'illusion de ce bonheur que je ne me sentais pas

15 capable de lui donner. J'aurais voulu, dès ma guérison, partir pour Venise ; mais comment le faire, si j'épousais Albertine, moi, si jaloux d'elle que, même à Paris, dès que je me décidais à bouger c'était pour sortir avec elle ? Même quand je restais à la maison tout l'après-midi, ma pensée la suivait dans sa promenade, décrivait un horizon lointain, bleuâtre, engendrait

 

20 autour du centre que j'étais une zone mobile d'incertitude et de vague.

Eh oui, ne fréquentant plus personne et ne pouvant plus commenter

25 des amis, agréable occupation des sociaux, ni parler d'une activité quel­conque, puisque ignominieusement chassé5 comme avait dit la Forbes6, il fallait tout de même nourrir la conversation puisqu'on était des mam­mifères amoureux à langage articulé. Alors voilà, on commentait des dîneurs inconnus, on tâchait de deviner leur profession, leur caractère,

3o leurs sentiments réciproques. Tristes passe-temps des solitaires, espions et psychologues malgré eux.

Et quand on avait f ni l' exégèse7 de ces inconnus désirables, inac­cessibles et méprisés, il fallait trouver autre chose. Alors on discutait de la robe achetée ou des personnages des romans qu'elle lui lisait le soir.

35 S'apercevait-elle de leur tragédie ? Non, elle était une femme bien, ferme en son propos d'amour.

Mais aujourd'hui, pas le courage de la bourrer de substituts. Tant pis, pas de Cannes, lui faire le coup de la migraine et aller remuer en paix ses orteils chez lui jusqu'à l'heure du dîner. Non, impossible de la laisser se

1o morfondre toute seule dans sa chambre. Mais que lui dire tout à l'heure lorsqu'elle rappliquerait noblement, aimante et parfumée, si pleine de bonne volonté ? Rien à lui dire. Oh, être un facteur et lui raconter sa tournée ! Oh, être un gendarme et lui raconter un passage à tabac ! Voilà qui était du vivant, du vrai, du solide. Ou encore la voir s'animer parce

45 qu'on était invités ce soir par un sous-brigadier ou un sur-facteur. Oh, si la tendresse pouvait suffre à contenter une femme ! Mais non, il avait été engagé pour de la passion. Lui faire des enfants pour lui donner un but en dehors de lui, et un passe-temps aussi ? Mais non, les enfants supposaient mariage et le mariage supposait vie dans le social. Or, il était un banni,


 

 

> QUESTION                                                 [4 pts]

Quelle vision de la relation amoureuse chacun de ces textes propose-t-il ?

> TRAVAIL D'ÉCRITURE                                 [16 pts]

1 - Commentaire

Vous ferez le commentaire du texte de Balzac (texte 1).

Il - Dissertation

Dans quelle mesure le personnage de roman donne-t-il au lecteur un accès privilégié à la connaissance du cœur humain ?

Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté en vous appuyant sur les textes qui vous sont proposés, ceux que vous avez étudiés en classe et vos lectures personnelles.

Ill - Écrit d'invention

Tandis que Sola! songe à Ariane (texte 3), celle-ci réfléchit de son cote à leur relation amoureuse. En vous inspirant des éléments fournis par le texte, vous imaginerez ses pensées. Vous conserverez la troisième personne du singulier.


> CORPUS

1.  H. DE BALZAC, La Duchesse de Langeais, chapitre II, 1834.

2.  M. PRousr, La Prisonnière, 1923.

 

3.  A. COHEN, Belle du Seigneur, 1968.

« Mon triveau pâlit, voulut s'élancer ; la duchesse sonna, sa femme de chambre parut, et cette femme lui dit en souriant avec une grâce moqueuse : -A yez la bonté de revenir quand je serai visible3 • 20 Armand de Montriveau sentit alors la dureté de cette femme froide et tranchante autant que l'acier , elle était écrasante de mépris.

En un moment, elle avait brisé des liens qui n'étaient forts que pour son amant.

La duchesse avait lu sur le front d'Armand les exigences secrètes de cette visite, et avait jugé que l'instant était venu de faire sentir à ce soldat 2 5 imp érial que les duchesses pouvaient bien se prêter à l'amo ur, mais ne s'y donnaient pas, et que leur conquête était plus difficile à fa ire que ne l'avait été celle de l'Europe.

-M adame, dit Armand, je n'ai pas le temps d' attendre.

Je suis, vous l'a vez dit vous-même, un enfant gâté.

Quand je voudrai sérieusement ce 3o dont nous parlions tout à l'heure, je l'aurai.

-V ous l'aurez ? dit-elle d'un air de hauteur auquel se mêla quelque surpnse.

-Je l'aurai.

-Ah ! vous me feriez bien plaisir de le vouloir.

Pour la curiosité du fait, 35 je serais charmée de savoir comment vous vous y prendriez ...

-J e suis enchanté, répondit Montriveau en riant de façon à eff rayer la duchesse, de mettre un intérêt dans votre existence.

Me permettrez-vous de venir vous chercher pour aller au bal ce soir ? -J e vous rends mille grâces, monsieur de Marsay vous a prévenu\ j'ai 4o promis.

Mon triveau salua gravement et se retira.

- Ronquerolles5 a donc raison, pensa-t-il, nous allons jouer maintenant une partie d'échecs.

1.

Boudoir : petit salon élégant de dame.

2.

Montriveau a fait irruption, sans se faire annon cer, dans la chambre à coucher de la duchesse.

3.

Quand je serai visible : quand je vous y autoriserai.

4.

Vo us a prévenu :m'a déjà proposé de venir me chercher.

5.

Le marquis de Ronquerolles est un. »

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