RENART Jean : sa vie et son oeuvre
Publié le 01/12/2018
Extrait du document
«
merveilleux,
les personnages, les lieux et les exploits
ressortissant au monde arthurien, et cela au profit de
données empruntées à la réalité matérielle (costume,
habitat, alimentation -les repas constituant une part
importante de l'œuvre) ou sociale : son univers comporte
des représentants de la bourgeoisie, peinte sous un jour
favorable; on assiste aux divertissements de la société
mondaine (chasse, tournoi, poésie et chant, musique, jeu
de dés et d'échecs, plaisirs champêtres) et aux fêtes, à
l'occasion de l'accueil d'un haut personnage, d'un
mariage et d'un couronnement, dans un extraordinaire
déploiement de luxe et de beauté; on suit les différentes
étapes du procès fait au sénéchal félon.
A ce réalisme
juridique s'ajoute le réalisme géographique -Guil
latane de Dole se déroule dans la région de Liège et sur
le Rhin -et historique : les protagonistes portent des
noms de la vic courante; les personnages secondaires
sont d'authentiques seigneurs qui ont vécu à la fin du
xne siècle et au début du XIII0 siècle en France et en
Allemagne.
Un détail réaliste fait le charme de maint
passage : un garçon courant avec un lévrier, ou la bulle
impériale, scellée d'or, qui suscite l'admiration de Guil
laume et de ses compagnons, car, inconnue en France,
elle était réservée à l'empereur d'Allemagne et à la sei
gneurie de Venise ...
D'autres scènes sont plus dévelop
pées : le chambellan de l'empereur sort le heaume de son
étui et l'essuie à l'aide d'une serviette; puis le prince
prend l'objet et, le tenant par le nasal, le présente à
Guillaume ébloui: autant de gestes qui n'ont pas
échappé à ce fin observateur qu'était Jean Renart.
S' i 1 reprend un motif stéréotypé comme celui du tour
noi, il le renouvelle en évoquant l'envers du décor : pré
paration matérielle de la joute, retour des chevaliers
contusionnés et salis, problème des rançons (le mot de
prisonniers revient avec insistance).
D'autre part, il tend
à désacraliser héros et héroïnes, qui n'accomplissent pas
d'extraordinaires prouesses et qui, pour une part, appar
tiennent à la petite noblesse; il explore d'autres milieux :
dans l' Escoufle, Guillaume devient serviteur dans un
hôtel de pèlerins, puis fauconnier d'un grand seigneur,
tandis qu' Aélis gagne sa vie comme brodeuse.
Ce réalisme aigu peut se charger d'ironie : les tournois
sont qualifiés de « mal >>, de .
Renart démythifie la chevalerie, quelquefois vantarde,
hypocrite, et même certaines formes de l'amour courtois
qui se confondent avec la galanterie.
Toutefois, c'est
sans méchanceté, l'air amusé, qu'il dévoile les faiblesses
et les ridicule5.
de la société chevaleresque.
La satire
politique, en revanche, est plus acerbe: l'empereur
Conrad, dans Guillaume de Dole, apparaît comme l'anti
thèse de Philippe Auguste, qui avait réintroduit dans son
armée l'arbalète, arme des lâches, qui se méfiait des
grands et recherchait J'amitié de gens de peu, qui impo
sait de lourds impôts à ses sujets.
Toutefois, C•! réalisme reste tributaire de la tradition
courtoise.
Quand Renart décrit la robe de Liénor, dans
Guillaume de Dole, il le fait à la manière de Benoît de
Sainte-Maure dans le Roman de Troie et de Chrétien de
Troyes dans Érec et Énide.
Il prête à ses héros les vertus
qui, selon le code courtois, doivent distinguer le parfait
chevalier.
D'autre part, Guillaume de Dole, qui est la
revanche des chevaliers tournoyeurs, ne nous montre
jamais le héro� dans son ascension, face aux obstacles
qu'il rencontre : c'est plutôt, comme Michel Zink l'a dit,.
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