ROCHEFORT Victor Henri : sa vie et son oeuvre
Publié le 01/12/2018
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ROCHEFORT Victor Henri, marquis de Rochefort-Luçay, dit Henri (1831-1913). Cet étincelant polémiste jette l’effroi dès sa première communion, en déclamant des vers républicains. Sa vie tout entière ne sera que combats et aventures.
« Nègre » d’Eugène de Mirecourt, il ne se montre pas satisfait d’être le vrai auteur de la Marquise de Courcel-les (1858) ni de briller dans le vaudeville ou l’opérette. Il fonde, avec Jules Vallès, la Chronique parisienne, puis devient rédacteur au Charivari. Mais c’est au Figaro qu'éclatent ses talents de libelliste, attirant sur ce paisible journal foudres et saisies. Ses chroniques, regroupées dans les Français de la décadence (1866-1868), ont déjà rendu notoire sa franche hostilité à Napoléon III quand il jette à la face de l’empereur sa première Lanterne (1er juin 1868) et cette boutade légendaire : « La France contient, dit l'Almanach impérial, trente-six millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement ». Dès lors, l’irrévérencieuse feuille doit compter avec la répression : Rochefort est-il en prison à Paris?, de Bruxelles, la Lanterne raille toujours « les bonapartistes, têtus comme la bêtise ». Déporté en Nouvelle-Calédonie après l’échec de la Commune (octobre 1873), Rochefort s’évade (mai 1874), se réfugie en Angleterre, en Belgique, puis en Suisse, où il fait renaître son journal, à Genève. Avant sa déportation, il avait fondé la Marseillaise, après avoir été élu à Paris (novembre 1869), et le Mot d'ordre, au cours de l’« année terrible ». Amnistié en 1880, il lance l'intransigeant, où il soutient des positions radicales et socialistes. A ses moments de loisirs il écrit des romans dans le goût du jour, sans véritable souffle : les Naufrageurs (1881), les Dépravés (1882), le
«
Palefrenier
(1883).
Il est élu député de Paris en octobre
1885.
Bientôt le bouillant républicain d'hier ne reconnaît
pas son rêve dans la Marianne apprêtée par «les Jules »
(Grévy et Ferry); il démissionne de son mandat (février
1886) et colore ses déceptions d'un radicalisme nationa
liste et antiparlementaire.
Embarqué dans 1' aventure
boulangiste, l'ex-fustigeur des Badinguet et autres hom
mes providentiels, qui a suivi Boulanger en Belgique
(avril 1889), est condamné par contumace à la déporta
tion.
Il gagne l'Angleterre et n'en reviendra qu'en 1895,
antidreyfusard véhément, juste assez conséquent pour
refuser de collaborer à l'Action française.
Prince du pamphlet, Henri Rochefort éblouit par le
tranchant de son style, la fulgurance de ses traits, l'agi
lité de son esprit.
Mais ce n'est pas le moindre mérite
d'un tel brio que de ne pas sacrifier la lucidité, la perti
nence, et même la profondeur.
Si Rochefort devient un
familier de Sainte-Pélagie, il le doit autant au vitriol de
ses formules qu'à son aptitude à dévoiler les subterfuges
du régime impérial, capable d'ériger le suffrage univer
sel en instrument de despotisme, de revigorer sa médio
crité foncière à grand renfort de mythes éculés, de remet
tre en jeu ses faillites intérieures dans de troubles et
aventureuses martingales coloniales.
Rochefort manie en maître satire et parodie, portant
le débat politique sur les tréteaux de sa fantaisie et nous
brossant .
Happant la sottise au vol,
l'ironie du polémiste accrédite l'idée que le discours de
la tyrannie, baudruche pleine d'emphase, peut toujours
être pris en défaut : « On annonce que le bourreau de
Paris est très malade.
Lequel?» Mais aussi l'idée qu'un
tel discours ne se déchiffre qu'en démontant un lexique
corrompu et fallacieux, en percevant le pourrissement
des consciences à travers le dévoiement des mots : « Ina
movible signifie qu'un magistrat n'estjamais puni quand
il fait son devoir, mais qu'il peut arriver à tout quand il
ne le fait pas».
A ce titre, Rochefort se plaît à fouailler
ceux qui lui semblent prostituer l'intelligence et l'art au
tyran; Mérimée est ainsi victime d'une exécution capi
tale : « M.
Mérimée, que toute la presse avait enterré ces
jours-ci, est en plei ne convalescence.
Il n'est donc pas
mort, mais il est sénateur, ce qui revient absolument au
même».
Un homme aussi prompt à faire de toute révolte son
système ne peut faire oublier -quelles qu'aient été ses
volte-face -le courage qui l'anime et lui vaut l'amitié
de Victor Hugo, quand il accable de ses sarcasmes l'or
dre du sabre et du goupillon.
Rochefort est d'abord celui
qui refuse de se taire, celui qui sonne infatigablement le
tocsin pour éveiller les consciences.
BIBLIOGRAPHIE L.
Daudet, Flammes, Paris, Grasset, 1930; R.
Manévy, la
Presse française de Renaudot à Rochefort, Pari s , J.
F ore t, 1958.
D.
GTOVACCHINI.
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