Romain GARY, La Promesse de l'aube

Je n'avais plus de quoi payer mon loyer et je passais des journées sans manger (...)    Une soirée particulièrement sombre me revient à l'esprit chaque fois que je pense à cette période de ma vie. Je n'avais rien mangé depuis la veille. J'allais souvent rendre visite à un de mes camarades, qui habitait avec ses parents aux environs du métro Lecourbe, et j'avais remarqué qu'en calculant bien mon arrivée, on me demandait presque toujours de rester dîner.    Le ventre creux, je décidai de leur faire une petite visite de courtoisie. Je pris même un de mes manuscrits avec moi1, pour en faire la lecture à M. et Mme Bondy, me sentant très bien disposé à leur égard. J'avais une dent énorme2 et je calculai soigneusement mon temps pour arriver au potage. Je commençai à sentir le fumet délicieux de ce potage aux pommes de terre et aux poireaux dès la place de la Contrescarpe, alors que quarante-cinq minutes de marche me séparaient encore de la rue Lecourbe — je n'avais pas de quoi m'offrir le métro. (...) J'étais à peu près sûr qu'il y aurait aussi du salami hongrois et du gâteau au chocolat, il y en avait toujours. Je crois que je ne me suis jamais rendu à un rendez-vous d'amour avec, dans mon cœur, une plus merveilleuse anticipation.    Lorsque j'arrivai enfin à destination, débordant d'amitié, personne ne répondit à mon coup de sonnette : mes amis étaient sortis.    Romain GARY, La Promesse de l'aube.    1. Le narrateur est un jeune romancier qui ne parvient pas à faire éditer ses œuvres.    2. Familièrement : J'avais très faim.    sujets au choix    1) Imaginez un autre dénouement : les amis de l'auteur répondent à son coup de sonnette; poursuivez le récit.    2) Comme l'auteur, vous avez, dans une situation difficile, espéré une aide et vous avez été déçu. Racontez l'anecdote en insistant sur l'analyse de vos sentiments et de votre comportement.    3) Quelles réflexions vous suggère le fait que le narrateur accepte une situation matérielle difficile pour réaliser sa vocation?