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Romans de Zola : La Curée (Chapitre V)

Publié le 15/03/2015

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Selon l'heureuse expression d'Eugène Rougon, Paris se mettait à table et rê­vait gaudriole au dessert. La politique épouvantait, comme une drogue dan­gereuse. Les esprits lassés se tournaient vers les affaires et les plaisirs. Ceux qui possédaient déterraient leur argent, et ceux qui ne possédaient pas cher­chaient dans les coins les trésors oubliés. Il y avait, au fond de la cohue, un frémissement sourd, un bruit naissant de pièces de cent sous, des rires clairs de femmes, des tintements encore affaiblis de vaisselle et de baisers. Dans le grand silence de l'ordre, dans la paix aplatie du nouveau règne, montaient toutes sortes de rumeurs aimables, de promesses dorées et voluptueuses. Il semblait qu'on passât devant une de ces petites maisons dont les rideaux soi­gneusement tirés ne laissent voir que des ombres de femmes, et où l'on en­tend l'or sonner sur le marbre des cheminées. L'Empire allait faire de Paris le mauvais lieu de l'Europe. Il fallait à cette poignée d'aventuriers qui ve­naient de voler un trône un règne d'aventures, d'affaires véreuses, de consciences vendues, de femmes achetées, de soûlerie furieuse et univer­selle. Et, dans la ville où le sang de décembre était à peine lavé, grandissait, timide encore, cette folie de jouissance qui devait jeter la patrie au cabanon des nations pourries et déshonorées.

L'ORGIE IMPÉRIALE Les métaphores de la table

 

Le thème de la curée court de manière implicite sous les métaphores de « la cohue « qui se rue au festin : derrière « les tintements [...] de vaisselle «, « de soû­lerie furieuse et universelle «, rôde l'image de la meute jetée sur sa proie. « Paris se [met] à table «, dans une frénésie de jouissances qui rappelle les fêtes de Com­piègne et le luxe tapageur du Second Empire

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« L E C T U R E S MÉTHODIQUES La France bâillonnée C'est pourquoi désormais « la politique épouvantait comme une drogue dange­ reuse » : tous les calculs, toutes les stratégies partisanes avaient été déjoués par Louis Napoléon et la répression avait montré qu'il était le maître.

Car il avait baptisé son régime dans le sang, obtenant un effet psychologique décisif, la soumission à son autorité : « Dans la ville où le sang de décembre était à peine lavé», on découvrait avec stupeur« le grand silence de l'ordre», une presse muselée, une France bâillonnée, docile « dans la paix aplatie du nouveau règne ».

Un peuple de chiens couchants L'expression, très proche de l'hypallage* (l'adjectif, utilisé de manière origi­ nale, ne concerne pas « la paix» mais ceux qui se soumettent au régime), évoque l'image du chien couchant,« aplati» devant son maître, et dit le mépris du républi­ cain pour un pays qui a ratifié le coup d'État et plébiscité l'Empire à une immense majorité.

Zola articule avec beaucoup d'habileté le mélange de peur et d'attente servile de la récompense qui lie le chien à son maître : du « silence » et de « !'aplatisse­ ment » à la « montée » des « rumeurs aimables » et des « promesses dorées et vo­ luptueuses», la courbe s'inverse,« les affaires et les plaisirs» seront le prix de !'obéissance.

Il -l' ORGIE IMPÉRIALE Les métaphores de la table Le thème de la curée court de manière implicite sous les métaphores de « la cohue» qui se rue au festin: derrière« les tintements[ ...

] de vaisselle», «de soû­ lerie furieuse et universelle», rôde l'image de la meute jetée sur sa proie.« Paris se [met] à table », dans une frénésie de jouissances qui rappelle les fêtes de Com­ piègne et le luxe tapageur du Second Empire La note de l'or et de la chair Le « bruit naissant des pièces de cent sous » rend concrète la course au profit.

Mais l'image de la meute n'est pas loin: tels des chiens creusant frénétiquement la terre pour trouver un os enfoui, les spéculateurs déterrent leur magot pour creu­ ser Paris de tranchées, !'emplir de déblais, rasant maisons et collines, transformant la capitale en un vaste chantier de terrassement où l'on ramasse l'or à la pelle.

Dans ce règne« d'affaires véreuses» liées à l'haussmannisation, tout s'achète, les « consciences vendues », les « femmes achetées ».

Les « aventures » prennent ainsi une tournure galante et la verve du pamphlétaire transforme l'Empire en une vaste maison de prostitution où résonnent des « rires clairs de femmes » et « où l'on entend l'or sonner sur le marbre des cheminées».

« Les Parisiens de la décadence » «L'heureuse expression d'Eugène Rougon», l'image de Paris qui« se met à table et rêve de gaudriole au dessert» résume le sens du texte : la fête impériale est une gigantesque orgie qui fait de Paris, où toutes les nations viennent s'encanailler dans l'étourdissement des expositions universelles, le« mauvais lieu de l'Europe». »

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