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ROSNY J.H. : sa vie et son oeuvre

Publié le 28/11/2018

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ROSNY J.H., pseudonyme commun de Joseph Henri Boex dit Rosny Aîné (1856-1940) et de son frère Séraphin Justin Boex dit Rosny Jeune ( 1859-1948). Longtemps confiné dans un rôle de romancier pour enfants, « J.H. Rosny » a été récemment redécouvert par le biais de la littérature de science-fiction, dont il est apparu comme l’un des précurseurs. Mais plus d’une « lecture » semble aujourd’hui possible dans cet univers qui mêle romans naturalistes et récits d’aventures, descriptions réalistes de début (ou de fin) de siècle et légendes préhistoriques. En outre, la façon dont J.H. Rosny adapte la structure de ses romans à son propos ne peut laisser indifférent un lecteur moderne habitué, depuis Proust ou le « nouveau roman », à voir s’exprimer dans les problèmes de technique littéraire les préoccupations essentielles d’un auteur.

 

Un univers littéraire complexe

 

Il faut d’abord préciser que le nom de « Rosny » recouvre en fait deux personnalités, puisqu’il est le pseudonyme commun des deux frères Boex, tous deux nés à Bruxelles, Joseph Henri, dit Rosny Aîné, et Séraphin Justin, dit Rosny Jeune. L’aîné débuta dans la littérature en publiant en 1886 sa première œuvre, Nell Horn. Son succès l’incita à faire appel à la collaboration de son frère, alors employé dans l’administration, et c’est ensemble, sous le pseudonyme de J.H. Rosny, qu’ils écrivirent de nombreux ouvrages d’inspiration très diverse : les Xipéhuz (1887), Vamireh (1892), le Cataclysme (1896), etc. D'abord liés au groupe des naturalistes, à Alphonse Daudet et aux frères Goncourt en particulier, ils rompirent un moment avec Emile Zola et, en 1887, publièrent le fameux «Manifeste des Cinq» contre ce dernier [voir Naturalisme]. Rosny Aîné regrettera cependant cette « action basse »; par la suite il présida, à partir de 1896, le groupe qui devait devenir en 1903 l’académie Goncourt.

 

Les deux frères se séparèrent en 1908, et l’on put rapidement constater que, malgré son talent, le plus jeune n’égalait pas l’aîné, qui publia seul une centaine d’ouvrages. Cette œuvre considérable se signale par son extrême variété. Les romans sociaux comme Marthe Baraquin (1909), la Vague rouge (1910) sont nettement marqués par l’influence d’Émile Zola; mais Rosny Aîné s’essaya aussi au genre fantastique avec notamment la Jeune Vampire (1920). Pourtant le domaine où il a le plus témoigné de son originalité demeure indiscutablement celui des romans d’aventures, dont l’action se situe à l’époque préhistorique, notamment la Guerre du feu (1911), adaptée au cinéma en 1981, et des récits qui, par leur thématique, préfigurent nos actuels romans de science-fiction : la Mort de la Terre (1910), les Navigateurs de l'infini (1925).

Pourvu d’un savoir quasi encyclopédique, Rosny Aîné publia en outre, sous le pseudonyme de J.H. Boex-Borel, des essais de critique et de philosophie : le Pluraliste, essai sur la discontinuité et l'hétérogénéité des phénomènes (1919) et les Sciences et le pluralisme (1930).

 

Son frère a lui aussi abordé tous les genres, et en particulier le roman réaliste — son œuvre la plus connue semblant être Sépulcres blanchis (1913); et il a tenté de donner une synthèse à sa pensée dans le Destin de Marin Lafaille (1945). Comme Joseph Henri, il fit partie de l’académie Goncourt.

 

Un écrivain aux carrefours de son siècle

 

Né au siècle du triomphe de l’industrie, J.H. Rosny a indéniablement inscrit en lui le goût du rationalisme scientifique, issu des grandes pensées de l’époque. Familier des théories de Darwin, Rosny Aîné est convaincu du caractère évolutif des espèces vivantes, comme en témoignent ses « romans préhistoriques ». Il a confiance dans les possibilités de l’homme, dont il se refuse d’ailleurs à expliquer l’existence par une référence quelconque à un ordre divin. Au reste, il n’existe pas, dans son univers romanesque, de fossé entre l’homme et les autres espèces vivantes — animaux ou plantes; l’homme n’a pas de statut privilégié dans un monde qu’il se crée par sa propre intelligence; ainsi assiste-t-on, dans la Guerre du feu, aux lents progrès du jeune Naoh dans la connaissance de son milieu naturel — récit qui prend la forme d’un véritable roman initiatique : le héros ne pourra obtenir sa récompense (en l’occurrence, la main de la fille du chef) que s’il sort vainqueur de l’épreuve qui le rendra digne de succéder à son « beau-père ».

« batifs, des aventuriers qui réagissent souvent par instinct à l'instar de Naoh, l'homme préhistorique.

Tels sont François Rougemont, le syndicaliste de la Vague rouge.

ou encore Alglave, l'explorateur du Trésor dans la brousse.

Ainsi, lorsqu'on le voit se montrer à la fois matéria­ liste en philosophie.

disciple de Zola et des naturalistes en littérature, partisan des idéaux socialistes de Jean Jau­ rès en matière de politique, J.H.

Rosny paraît solidement ancré dans le> tendances profondes de sa génération.

Néanmoins ce n'est pas là que réside son seul mérite, et l'œuvre dépasse largement les bornes étroites de la chronologie, surtout grâce à la richesse des mythes et des fantasmes qui traduisent la vision du monde de l'auteur.

Une esthétique de la forme et de la dualité Un des asp(:cts les plus importants de la création chez Rosny, c'est l' o nomas tique : on s'en rend compte en étudiant les noms qui désignent les peuples ou les per­ sonnages dans ses romans : Wah, Oulhame, Kzamms (la Guerre du feu) pour les premiers; Tang, Manô (la Mort de la terre), Awah, Touanhô.

Wanawanoûm (le Trésor dans la neige 1 pour les seconds.

Tous ressemblent.

en fait.

à des anagrammes et comportent des suites de pho­ nèmes difficilement prononçables, ou des consonnes peu usitées dans notre langue.

On peut, certes.

y voir une volonté de dépayser le lecteur, mais ici l'étrangeté est inscrite dans la forme même du mot, qui devient à elle seule signifiante.

indépendamment de tout référent : le mot devient une« matière >> avant d'avoir une significa­ tion codée; Rosny élabore ainsi une véritable poétique du Nom.

Dans un autre registre, l'un des thèmes favoris des romans signés Rosny est le dédoublement de la person­ nalité : thème emprunté au fantastique, mais qui acquiert, chez Rosny, 1� dimension du mythe: dans la Jeune Vam­ pire.

notamm•!nt, on voit une jeune femme se révéler successivemeut, sous une même enveloppe corporelle.

en deux personnalité distinctes: la jeune fille caractéris­ tique de la société victorienne, après une mort clinique, a laissé son corps habité par un vampire qui aspire le sang des membres de «sa famille>>.

D'autres créatures de Rosny, tels les Moëdingen d'Un autre monde ( 1898), ont une vision double du monde : elles perçoivent non seulement le monde « normal>>, mais aussi un autre uni­ vers, composé principalement de formes aériennes.

variées, invisibles aux autres humains.

Ces formes sont souvent des créatures transparentes, nuides, parcourues de lig'les géométriques, et dans les­ quelles la structure de I'Etre prime sa matière même.

« Les traits constituent, en somme, le principal de leur être », déclare l'écrivain à propos des Moëdingen.

Dans le monde de Rosny, les êtres dont la forme est l'essentiel occupent une place prédominante: souvent le pouvoir leur appartien :, et on peut les classer en deux catégories.

Certains sont rattachés au monde aérien, comme les Moëdingen ou les Variants, êtres qui revêtent « une série de formes sans cesse changeantes >>, série qui se déroule « dans un ordre presque constant », les formes « revenant sur elles-mêmes et formant ainsi des individualités cycli­ ques » (le Monde des Variants); les Martiens eux-mêmes ont une « forme rythmique comparable à celle des plus beaux vases hellènes>> (les Navigateurs de l'infini).

D'autres appMtiennent à 1' élément terrestre, et leur forme devient alors franchement géométrique : rectangle de l' Aigue dans le Cataclysme.

forme hélicoïdale des ferromagnétaux dans la Mort de la Terre; cônes, strates ou cylindres dans les Xipéhuz; sur Mars, les Terriens trouvent des structures singulières, les unes en zigzag, les autres en spirales, qu'ils qualifieront de « zoomor­ phes».

lis perçoivent aussi des réseaux de phosphores- cences aenennes formant des colonnes lumineuses, qu'ils nomment par la suite > ont une valeur positive : elles sont sources de beauté, de tendresse, d'aspiration à l'idéal, ce qui est particulièrement net dans le Monde des Variants.

On peut donc dire que le rôle que Rosny attribue aux éléments traditionnels contribue à donner à son œuvre une dimension cosmique.

Une philosophie de la création La tâche du scientifique, du philosophe, de l'homme tout court, devient dès cet instant aisée à définir; il s'agit de découvrir les structures du monde.

comme en témoi­ gne un curieux >.

Il faut noter ici que la pensée de Rosny- et en cela il se rapproche de Nietzsche -doit beaucoup à la philosophie présocra­ tique.

et en particulier à Anaxagore de Clazomènes; chez ce dernier on trouve aussi ce concept de 1 'esprit organisa­ teur (le Noûs), nécessaire pour rendre compte de la créa­ tion, et animé lui aussi d'un mouvement giratoire.

La science permet!ra ainsi à l'homme de se surpasser et d'accéder à l'Ete rn ité (Rosny parle des « lents cher­ cheurs qui tressent l'Intimité avec l'Infini>> ).

Enfin, ce n'est qu'en prenant conscience de l'existence du «Cos­ mos >>- au sen.

grec du monde organisé, s'opposant au Chaos -que l'homme accédera véritablement au secret de la vie : Luc, le savant de la Légende sceptique, finit aussi par une dissolution dans la création; son être dégé­ nère au-delà de l'enfance, retourne à l'état fœtal et retrouve même les générations dont il naquit :. »

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