ROUBAUD (Jacques)

ROUBAUD (Jacques), poète français (Caluire-et-Cuire, Rhône, 1932). Mathématicien, tôt attiré par la littérature (Voyage du soir, 1947-1952), il place sa manière d'être au monde sous le signe, emprunté à la théorie des ensembles, de la relation d'appartenance, G (1967). L'écriture est avant tout, pour lui, une combinatoire, techniquement réfléchie dans son étude sur la métrique et la versification {la Vieillesse d'Alexandre,

1978) comme dans son action au sein de l'Oulipo ou avec le groupe Alamo. Mais c'est aussi une pratique vécue sous un angle original que théorise son Autobiographie, chapitre dix (1977) : partant de la constatation de l'absence de sources livresques pour raconter sa vie, Roubaud tisse la trame de son existence avec les mots des autres ; sa vie s'écrit à travers les poètes qui l'ont charmée, influencée, déterminée. Mais, ce faisant, Roubaud réécrit Cendrars, Apollinaire, Tzara, Reverdy, Breton, en un jeu de condensations, de croisements, d'anamorphoses. Cette même fascination pour une écriture « extérieure » se marque dans ses adaptations de la légende de Graal (Graal Théâtre, 1977 ; Joseph d'Arimathie, 1981 ; le Roi Arthur, 1983 , avec F. Delay), sa redécouverte du bestiaire médiéval (les Animaux de tout le monde, 1983), ses traductions des troubadours et de Lewis Carroll. Elle se manifeste surtout dans les « emprunts » qu'il fait à la littérature japonaise, où le sentiment des choses s'associe à une composition rigoureusement architecturée : Mono no aware (1970) fait subir à 143 haiku, renga et choka de la plus ancienne tradition nippone une transformation à vue qui les amène à l'état de poèmes français ; Trente et Un au cube (1974), inspiré des tanka, rassemble 31 poèmes de 31 vers de 31 pieds sur 3 thèmes : l'amour, la mort, la nature de l'esprit. La poésie de Roubaud hésite ainsi entre la reconquête de l'identité et l'universalité d'un art impersonnel, entre la forme et la formule (Dors, précédé de Dire la poésie, 1982), comme ses excursions romanesques entre rêve et réalité (la Belle Hortense, 1985).