ROUMAIN Jacques

ROUMAIN Jacques (1907-1944). En Haïti, 1934 fut à plus d’un titre une année décisive : fin de l’occupation par les marines américains, fondation du parti communiste d’Haïti, mais aussi répression et notamment arrestation, condamnation puis exil de Jacques Roumain. Issu d'une vieille famille bourgeoise, métis, il a d’abord joui des privilèges de sa classe : études classiques à Port-au-Prince, puis en Suisse, en Belgique. En 1927, il rentre à Haïti où de jeunes intellectuels dénoncent l’occupation étrangère, la trahison des gouvernants : leur libération sera d’abord culturelle. De là, la Revue indigène à laquelle Roumain collabora par des nouvelles, des poèmes et des traductions. Il aurait pu, comme d'autres membres de la bourgeoisie haïtienne, choisir d’ignorer la réalité du racisme et de l’exploitation : au lieu de cela, celui qui en 1939 revendiquera hautement son « ancêtre esclave » va manifester son militantisme par des écrits polémiques. Président de la Ligue de la jeunesse patriotique haïtienne, arrêté par deux fois en 1929, accusé devenu accusateur, il sera matraqué en plein prétoire. Prison en 1932, cour martiale en 1934. Puis exil en Europe — l’Europe du fascisme, mais aussi du Front populaire et de la guerre d’Espagne. Enrichi de ses expériences politiques, culturelles, ayant étudié l’ethnologie avec Paul Rivet, il fonda à son retour en Haïti, en 1941, l’institut d’ethnologie, qui, annexé plus tard par François Duvalier, « ne fera plus de scientifiques mais des mystiques mystificateurs » (R. Dorsinville). Sa mort prématurée, après sa nomination comme chargé d’affaires à Mexico, « sorte de bannissement honoraire » (Mercer Cook), a été attribuée par certains au traitement brutal qui lui a été infligé par la police en prison.

1934 a marqué dans son œuvre romanesque comme dans sa vie un point de rupture. Avant cette date, la révolte de Roumain, influencée par les surréalistes français, est celle de l’intellectuel petit-bourgeois qui veut briser un carcan culturel étouffant. En Haïti, « l’horizon politique et social est bouché » (R. Gaillard). Roumain écrit des récits aux accents autobiographiques et tchékhoviens, où s’expriment l’amertume, le sentiment d’impuissance,