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Saint-Exupéry, Vol de nuit (Commentaire)

Publié le 17/01/2022

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Le pilote Fabien survole de nuit l'Amérique du Sud. Il s'abandonne, écrit Saint-Exupéry, à «cette profonde méditation du vol, où il savoure une espérance inexplicable«.

Et maintenant, au coeur de la nuit comme un veilleur, il découvre que la nuit montre l'homme : ces appels, ces lumières, cette inquiétude. Cette simple étoile dans l'ombre : l'isolement d'une maison. L'une s'éteint : c'est une maison qui se ferme sur son amour.

Ou sur son ennui. C'est une maison qui cesse de faire son signal au reste du monde. Ils ne savent pas ce qu'ils espèrent, ces paysans accoudés à la table devant leur lampe : ils ne savent pas que leur désir porte si loin, dans la grande nuit qui les enferme. Mais Fabien le découvre quand il vient de mille kilomètres et sent des lames de fond profondes soulever et descendre l'avion qui respire, quand il a traversé dix orages, comme des pays de guerre, et, entre eux, des clairières de lune, et quand il gagne ces lumières, l'une après l'autre, avec le sentiment de vaincre. Ces hommes croient que leur lampe luit pour l'humble table, mais à quatre-vingts kilomètres d'eux, on est déjà touché par l'appel de cette lumière, comme s'ils la balançaient désespérés, d'une île déserte, devant la mer.

Saint-Exupéry, Vol de nuit, Gallimard, 1931.

Saint-Exupéry, homme d'action et pionnier des liaisons entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique du Sud, s'est largement inspiré de son expérience personnelle dans son œuvre littéraire. Dans cette page romanesque parue en 1931, le pilote Fabien, au cours d'un « vol de nuit« au-dessus de l'Amérique, médite sur la terre des hommes vue de haut et en même temps si proche.

On s'attardera d'abord à mettre en évidence les aspects originaux de ce passage narratif. Puis on étudiera comment la mise en oeuvre d'une prose poétique instaure dans l'univers du récit une harmonie totale. Enfin, on verra que ce vol représente un voyage initiatique où le héros accède à une connaissance quasi divine de la Terre et des Hommes.

« Qui se déroule dans un décor original. Où tout est vu par le regard du personnage, un pilote aux commandes de son avion. Inspirée de l'expérience de l'auteur, qui adopte ici la technique du narrateur omniscient. Le personnage, comme l'auteur, est un homme de communication, trait d'union entre les hommes. Nous avons à faire ici à une page narrative, mêlée, comme c'est souvent le cas, de phrases de description.

Pagefacile à aborder mais qui ne manque pas d'originalité. Un décor paradoxal.

C'est «la nuit qui montre l'homme». Le moment : la nuit (3 fois), l'ombre, la lune. Quelques points lumineux : lumière(s) (3 fois), étoile, lampe (2 fois). Un univers vaste et impressionnant, mesuré parle pilote (chiffres), la «grande nuit». Une terre habitée : le mot «homme» est repris par «paysans» et «maison» (3 fois). Ce sont des êtres humbles et simples : figures de style («humble table», «simple étoile»). La nuit et l'éloignement justifient le fait que seuls certains éléments soient décrits, ceux que le personnage perçoit. Fabien, personnage central, est en effet à la fois le regard et la conscience par lesquels tout est appréhendé. — Dès le début, sa présence centrale est posée : «au cœur de la nuit comme un veilleur».

Il est appelé familièrement par son prénom, ou représenté par le pronom «Il» (souvent sujet des verbes). La description suppose d'emblée un regard «en altitude» que le terme «avion» vient préciser. Le monde est «sens dessus dessous» à cause de ce point de vue exceptionnel : haut et bas se mêlent : «cette simple étoile...

: une maison» ; clos et ouvert s'inversent : «la grande nuit qui les enferme» et, au contraire,«L'avion qui respire» ouvre le monde ; les perspectives sont déformées : le continent latino-américain, vu «à quatre-vingts kilomètres» est comme «une île» ; les sons sont absents. Enfin, le style télégraphique évoque soit les messages radio, soit un journal de bord, liés au métier de Fabien,ou encore les associations d'idées de quelqu'un qui laisse errer sa pensée. Remarquons que, si le récit est à la troisième personne, l'auteur y a pourtant investi son expérience du métier depilote. Ce roman est en partie auto biographique, ce qui justifie l'omniscience du narrateur. — Tout ce que le pilote pense et sent nous est révélé : la description est amorcée par le verbe «il découvre», et le récit par «(Fabien le découvre) quand il sent» ; il a le «sentiment de vaincre». Des détails précis traduisent les manies du métier : «à quatre-vingts kilomètres d'eux on est déjà touché». Quelques éléments appartenant au discours se mêlent au récit : «maintenant» ;. »

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