scène de la communion, La maison tellier
Publié le 29/09/2013
Extrait du document
«
pour dire que les filles de joie sont très pieuses, et affirment que leur première qualité est leur
possibilité d'avoir conscience de leur propre déchéance.
Les larmes qu'elles versent dans
l'église sont celles de la pureté à jamais égarée.
Grâce à la présence des prostituées, les
Hommes présents dans l'église se repentent devant Dieu : "Cela passa comme ces coups de
vent qui courbent les forêts".
Maupassant crée ainsi une opposition entre la fonction de
prostituée en général et leur effet purificateur dans l'église.
A un premier niveau de lecture , nous pouvons croire qu’il s’agit d’une scène morale
représentant un bel élan de foi.
Cependant, le recours constant aux exagérations nous fait
douter de la bienveillance de l’auteur…Cette scène ne peut-elle pas aussi se lire comme une
vaste mascarade, pétrie d’ironie ?
L’ironie peut se lire dès les premières lignes.
Les manifestations de l’émotion de
Rosa sont très disproportionnées.
Maupassant prend soin d’expliciter les souvenirs de la
prostituée dans le rythme ternaire.
« Rosa (…) se rappela sa mère, l’église de son village, sa
première communion ».
(L.1/2) Les symptômes semblent alors exagérés et ce, dès la ligne 5 :
« cou gonflé » « poitrine battante » et sont encore nettement amplifiés par la suite : «
râle », « pour ne pas crier » (L.6/7) Le même décalage se lit entre « des souvenances
lointaines » ( on imagine des souvenirs lointains, confus) Les femmes versent pourtant des
« torrents de larmes » (L.9) Ces attitudes ne sont-elles pas trop exagérées pour être totalement
neutres ?
Maupassant va également jouer sur le motif de la contagion.
Une telle contagion de
larmes est en effet invraisemblable , surtout portée par des hyperboles en relation avec des
cataclysmes : « torrents », « feu » , « coups de vent » (L.
9/17/ 29 et 30).
L’auteur accumule
les hyperboles « tout son banc pleurait » Prise au premier degré , l’expression est assez
comique… L’énumération de la ligne 18/19 montre que tout le monde est pris, même « les
jeunes gars en blouse neuve » ce qui est peu crédible.
Maupassant introduit le surnaturel
quand il décrit l’esprit divin : le vocabulaire est plus fantastique que sacré « quelque chose
de surhumain » « souffle prodigieux » « être invisible » et l’on pense plus à quelque créature
surnaturelle qu’à Dieu…
La cérémonie apparaît à bien des égards comme une scène de folie collective.
Le champ
lexical de la folie ou de la maladie touche tous les personnages : l.29 « une sorte de folie
courut » « une rumeur de foule en délire » Les enfants de chœur sont décrits comme des
êtres envoûtés : ils « n’avaient plus de pensée » , ils sont « jetés » sur les dalles et « grelottent
d’une fièvre divine.
» La dévotion est décrite comme une maladie nerveuse.
Ainsi les fidèles
qui reçoivent l’hostie sont décrits avec le champ lexical de la maladie : « spasmes »
« grimaces nerveuses » « face pâle » , vocabulaire peu adapté surtout pour aborder le
moment le plus sacré de la liturgie : le partage de l’hostie.
La fin du texte est une sorte d’ apothéose où culmine l’ironie… Maupassant dépeint un
paysage d’apocalypse « Cela passa comme ces coups de vent qui courbent les forêts » En
fait, il dépeint la masse des croyants recevant l’hostie…Le curé est décrit comme un
personnage en transe « qui reste debout » ( L.
31) au milieu du déluge…Il imagine un miracle
et en devient réellement comique !
Dans un contexte débordant d’ironie et de sarcasme, nous pouvons même nous demander si le
rythme ternaire pour désigner l’hostie n’est pas foncièrement ironique … » Le vieux curé
(…)offrant(…) l’hostie sacrée, le corps du christ, la rédemption du monde.
L’adjonction
de « corps du christ » après « hostie sacrée » est ironiquement redondant .
Vu que ce monde-
là est « sauvé » par les prostituées, le sens sacré de la rédemption semble également détourné
ici ….
»
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