Devoir de Philosophie

Scène première – Chimène, Elvire - Acte IV - Le Cid (Corneille)

Publié le 11/03/2011

Extrait du document

corneille

Chimène  N’est-ce point un faux bruit ? le sais-tu bien, Elvire ?    Elvire  Vous ne croiriez jamais comme chacun l’admire,  Et porte jusqu’au ciel, d’une commune voix,  De ce jeune héros les glorieux exploits.  Les Maures devant lui n’ont paru qu’à leur honte ;  Leur abord fut bien prompt, leur fuite encor plus prompte ;  Trois heures de combat laissent à nos guerriers  Une victoire entière et deux rois prisonniers.  La valeur de leur chef ne trouvait point d’obstacles.    Chimène  Et la main de Rodrigue a fait tous ces miracles ?    Elvire  De ses nobles efforts ces deux rois sont le prix ;  Sa main les a vaincus, et sa main les a pris.    Chimène  De qui peux-tu savoir ces nouvelles étranges ?    Elvire  Du peuple qui partout fait sonner ses louanges,  Le nomme de sa joie et l’objet et l’auteur,  Son ange tutélaire et son libérateur.    Chimène  Et le roi, de quel œil voit-il tant de vaillance ?    Elvire  Rodrigue n’ose encor paraître en sa présence ;  Mais don Diègue ravi lui présente enchaînés,  Au nom de ce vainqueur, ces captifs couronnés,  Et demande pour grâce à ce généreux prince  Qu’il daigne voir la main qui sauve la province.    Chimène  Mais n’est-il point blessé ?    Elvire  Je n’en ai rien appris.  Vous changez de couleur ! reprenez vos esprits.    Chimène  Reprenons donc aussi ma colère affaiblie :  Pour avoir soin de lui faut-il que je m’oublie ?  On le vante, on le loue, et mon cœur y consent !  Mon honneur est muet, mon devoir impuissant !  Silence, mon amour, laisse agir ma colère :  S’il a vaincu deux rois, il a tué mon père ;  Ces tristes vêtements, où je lis mon malheur  Sont les premiers effets qu’ait produit sa valeur ;  Et quoi qu’on die ailleurs d’un cœur si magnanime,  Ici tous les objets me parlent de son crime.  Vous qui rendez la force à mes ressentiments,  Voiles, crêpes, habits, lugubres ornements,  Pompe que me prescrit sa première victoire,  Contre ma passion soutenez bien ma gloire ;  Et lorsque mon amour prendra trop de pouvoir,  Parlez à mon esprit de mon triste devoir,  Attaquez sans rien craindre une main triomphante.    Elvire  Modérez ces transports, voici venir l’infante.

Cette courte scène grandit encore à nos yeux cette fille héroïque. Devant sa chère confidente elle ne dissimule rien. Comme les questions se pressent sur ses lèvres ! Elle voudrait tout savoir du grand événement qui l'émerveille. Quel orgueil d'amante dans ce vers :    Et la main de Rodrigue a fait tous ces miracles ?    Et quel aveu dans ce cri si tendre :    Mais n'est-il point blessé ?    et dans cette pâleur qui trahit brusquement son inquiétude :    Vous changez de couleur !   

corneille

« Cette courte scène grandit encore à nos yeux cette fille héroïque.

Devant sa chère confidente elle ne dissimule rien.Comme les questions se pressent sur ses lèvres ! Elle voudrait tout savoir du grand événement qui l'émerveille.

Quelorgueil d'amante dans ce vers : Et la main de Rodrigue a fait tous ces miracles ? Et quel aveu dans ce cri si tendre : Mais n'est-il point blessé ? et dans cette pâleur qui trahit brusquement son inquiétude : Vous changez de couleur ! Mais comme d'ordinaire, plus son cœur s'émeut, plus il menace de l'entraîner, plus sa volonté se raidit. Comme Pauline retrouvant Sévère chargé de gloire, alors qu'elle ne peut plus être à lui, elle gémit d'être obligée derenoncer à un amour qui lui ferait tant d'honneur.

Bien plus malheureuse que Pauline, il faut qu'elle poursuive encorecette affreuse vengeance, qui va être bien plus difficile à obtenir, puisque c'est du sauveur du pays qu'elle devramaintenant demander la vie.

Et pour être plus sûre de ne pas faiblir, pour s'exciter, elle s'applique à se représenterl'image de son père mort, à regarder sur elle ces vêtements de deuil ; Voiles, crêpes, habits, lugubres ornements,qui sont là pour lui rappeler sans cesse son malheur et son devoir. Dans la scène qui suit, Chimène affirme avec plus d'insistance encore sa résolution.

Elle y repousse d'abord avecune sorte d'amertume les condoléances que lui apporte l'Infante : Prenez bien plutôt part à la commune joie, Etgoûtez le bonheur que le ciel vous envoie, Madame : autre que moi n'a droit de soupirer.

Le péril dont Rodrigue a sunous retirer, Et le salut public que vous rendent ses armes, A moi seule aujourd'hui souffrent encor les larmes.

Il asauvé la ville, il a servi son roi, Et son bras valeureux n'est funeste qu'à moi. Elle affecte de maudire cette gloire nouvelle qui redouble sa peine : On aigrit ma douleur en l'élevant si haut : Je sens ce que je perds quand je vois ce qu'il vaut. Elle avoue bravement que Rodrigue lui paraît plus que jamais digne d'être aimé ; mais elle est sûre que sa volonté necédera pas : Quoique pour ce vainqueur mon amour s'intéresse, Quoiqu'un peuple l'adore, et qu'un roi le caresse..., J'irai sous mescyprès accabler ses lauriers. Cette seconde scène paraît un peu longue, elle n'était pas indispensable.

Il est visible que Corneille ne l'a introduitelà que pour laisser à Rodrigue le temps de prendre ses dispositions après la victoire, avant de venir se présenterdevant son roi.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles