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Selon l’auteur, le journaliste ne peut pas se permettre de tout dire. Qu’en pensez-vous ?

Publié le 11/01/2020

Extrait du document

Résumé (8 points)

Vous résumerez le texte en 190 mots. Une marge de 10 % en plus ou en moins est admise. Vous indiquerez, à la fin de votre résumé, le nombre de mots employés.

Vocabulaire (2 points)

Vous expliquerez le sens, dans le texte, des deux expressions soulignées :

1) le journalisme dit d’«investigation»,

2) la rétention de l’information.

Discussion (10 points)

Selon l’auteur, le journaliste ne peut pas se permettre de tout dire. Qu’en pensez-vous ?

Analyse du sujet

Parties du programme abordées :

- Le xxe siècle.

- Le journalisme.

Analyse du sujet :

Thèmes Le rôle du journaliste dans le monde moderne.

- Ses rapports avec la vérité, sa responsabilité sociale et morale.

Points d'histoire littéraire : Ce sujet, très classique, fut donné de nombreuses fois, sous des formes un peu différentes.

Il faut une solide connaissance de l’actualité récente (guerre d’Algérie, Watergate, etc.).

Les références littéraires (Balzac, Maupassant, etc.) peuvent fructueusement enrichir la discussion.

Conseils pratiques : Pour le résumé, il faut veiller à en conserver la structure, assez nette, ce qui le rend relativement facile ; attention au contresens possible sur le mot « rétention ». Dans la discussion, on évitera le hors-sujet : il n’est pas question de censure (imposée de l’extérieur), mais d'autocensure (que le journaliste s’impose - par lâcheté - ou rigueur morale).

Nature du sujet : Classique

Difficulté du sujet : ♦ ♦

Sujet

Le débat que le journaliste mène avec sa conscience est âpre, et multiple, d’autant plus que son métier est plus flou, et doté de moins de règles, et pourvu d’une déontologie plus flottante que beaucoup d’autres...

Les médecins connaissent certes, et depuis l’évolution des connaissances et des lois, de cruelles incertitudes - dont mille enquêtes, témoignages et débats ne cessent de rendre compte. Les avocats ne sont guère en reste, ni les chercheurs et leurs manipulations biologiques ou leurs armes absolues, ni les utilisateurs militaires de ces engins. Mais enfin, les uns et les autres ont leur serment d’Hippocrate, leur barreau, leurs conventions de Genève. Les journalistes, rien.

Il n’est pas absurde de comparer leur condition à celle d’un missile téléguidé qui ignorerait aussi bien la nature de la mission que l’orientation du pilote et qui serait programmé de telle façon qu’il ne soit pointé ni en direction de la terre, pour éviter les accidents, ni en direction de la mer, pour prévenir la pollution. À partir de ces données, le journaliste est un être libre et responsable, auquel il ne reste qu’à faire pour le mieux en vue d’éclairer ses contemporains sans pour autant faire exploser les mille soleils d’Hiroshima.

En apparence, l’objectif est clair, autant que le serment d’Hippocrate : dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, comme le témoin devant le tribunal. Mais à ce témoin, le président du jury ne demande que la vérité qui lui a été humainement perceptible, celle qu’il a pu appréhender en un certain lieu, à une certaine heure, relativement à certaines personnes. Au journaliste est demandée une vérité plus ample, complexe, démultipliée.

En rentrant de déportation, Léon Blum®, qui avait été longtemps journaliste, déclarait devant ses camarades qu’il savait désormais que la règle d’or de ce métier n’était pas «de ne dire que la vérité, ce qui est simple, mais de dire toute la vérité, ce qui est bien plus difficile». Bien. Mais qu’est-ce que «toute la vérité», dans la mesure d’ailleurs où il est possible de définir «rien que la vérité»? [...]

L’interrogation du journaliste ne porte pas seulement sur la part de vérité qui lui est accessible, mais aussi sur les méthodes pour y parvenir, et sur la divulgation qui peut être faite.

Le journalisme dit d’« investigation» est à l’ordre du jour. Il est entendu aujourd’hui que tous les coups sont permis. Le traitement par deux grands journalistes du Washington Post de l’affaire du Watergate a donné ses lettres de noblesse à un type d’enquête comparable à celle que pratiquent la police et les services spéciaux à l’encontre des terroristes ou des trafiquants de drogue. S’insurger contre ce modèle ou le mettre en question, ne peut être le fait que d’un ancien combattant cacochyme1^), d’un reporter formé par les Petites sœurs des pauvres. L’idée que je me suis faite de ce métier me détourne d’un certain type de procédures, de certaines interpellations déguisées, et je suis de ceux qui pensent que le journalisme obéit à d’autres règles que la police et le contre-espionnage. Peut-être ai-je tort.

Mais c’est la pratique de la rétention de l’information qui défie le plus rudement la conscience de l’informateur professionnel. Pour en avoir usé (et l’avoir reconnu...) à propos des guerres d’Algérie et du Viêt-nam, pour avoir cru pouvoir tracer une frontière entre le communicable et l’indicible, pour m’être érigé en gardien d’ «intérêts supérieurs» à l’information, ceux de causes tenues pour «justes», je me suis attiré de rudes remontrances. Méritées, à coup sûr, surtout si elles émanaient de personnages n’ayant jamais pratiqué, à d’autres usages, de manipulations systématiques, et pudiquement dissimulées.

La loi est claire : «rien que la vérité, toute la vérité», mais il faut la compléter par la devise que le New York Times arbore en manchette : «Ail the news that’s fit to print», toutes les nouvelles dignes d’être imprimées. Ce qui exclut les indignes - c’est-à-dire toute une espèce de journalisme et, dans le plus noble, ce dont la divulgation porte indûment atteinte à la vie ou l’honorabilité de personnes humaines dont l’indignité n’a pas été établie.

Connaissant ces règles, le journaliste constatera que son problème majeur n’a pas trait à l’acquisition mais à la diffusion de sa part de vérité, dans ce rapport à établir entre ce qu’il ingurgite de la meilleure foi du monde, où abondent les scories et les faux-semblants, et ce qu’il régurgite. La frontière, entre les deux, est insaisissable, et mouvante. Le filtre, de ceci à cela, est sa conscience, seule.

Jean Lacoutube, «Le journaliste et sa conscience» dans Le Courrier de l'UNESCO, septembre 1990.

(1) Déontologie: ensemble de règles et de devoirs professionnels du médecin, terme appliqué par extension à d’autres professions.

(2) Serment d’Hippocrate: serment énonçant les principes de la déontologie médicale dont le texte est attribué à Hippocrate, médecin grec (Ve-IVe siècles),

(3) Léon Blum : chef du gouvernement de Front Populaire en 1936, déporté pendant l’occupation allemande.

(4) Cacochyme : littéralement maladif, ici au sens de dépourvu d’énergie.

Résumé

Le métier de journaliste n’est soumis à aucune règle morale précise, ce qui le distingue d’autres professions dont les « risques » sont tempérés par quelques garde-fous.

Ainsi, le journaliste « fonce » sans trop savoir où, avec comme seule limite à sa liberté le devoir d’éviter des catastrophes.

Apparemment son objectif est simple : la Vérité. Mais contrairement à celle qu’exige la Justice, celle du journaliste est infinie. Que peut signifier pour lui « toute la vérité » ?

Il doit en outre se demander comment l’obtenir ; or, on admet désormais que tous les moyens sont bons, y compris les méthodes policières. Ceux qui, comme moi, s’en indignent, sont traités de dinosaures : pourtant, je pense, police et journalisme sont incompatibles.

Mais le plus traumatisant est de savoir s’il faut ou non révéler une information : pour avoir, en certaines occasions graves, refusé de tout dire, je fus fortement critiqué - critiques justifiées au demeurant si elles proviennent de gens irréprochables...

« Session de ;uin 1991 connaissances et des lois, de cruelles incertitudes - dont mille enquêtes, témoignages et débats ne cessent de rendre compte.

Les avocats ne sont guère en reste, ni les chercheurs et leurs manipu­ lations biologiques ou leurs armes absolues, ni les utilisateurs mili­ taires de ces engins.

Mais enfin, les uns et les autres ont leur ser­ ment d'Hippocrate(2), leur barreau, leurs conventions de Genève.

Les journalistes, rien.

Il n'est pas absurde de comparer leur condition à celle d'un mis­ sile téléguidé qui ignorerait aussi bien la nature de la mission que l'orientation du pilote et qui serait programmé de telle façon qu'il ne soit pointé ni en direction de la terre, pour éviter les accidents, ni en direction de la mer, pour prévenir la pollution.

À partir de ces don­ nées, le journaliste est un être libre et responsable, auquel il ne reste qu'à faire pour le nùeux en vue d'éclairer ses contemporains sans pour autant faire exploser les mille soleils d'Hiroshima.

En apparence, l'objectif est clair, autant que le serment d'Hip­ pocrate : dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, comme le témoin devant le tribunal.

Mais à ce témoin, le président du jury ne demande que la vérité qui lui a été humainement perceptible, celle qu'il a pu appréhender en un certain lieu, à une certaine heure, relativement à certaines personnes.

Au journaliste est demandée une vérité plus ample, complexe, démultipliée.

En rentrant de déportation, Léon Blum(3), qui avait été longtemps joumaliste, déclarait devant ses camarades qu'il savait désormais que la règle d'or de ce métier n'était pas "de ne dire que la vétité, ce qui est simple, mais de dire toute la vérité, ce qui est bien plus difficile».

Bien.

Mais qu'est-ce que "toute la vérité», dans la mesure d'ailleurs où il est possible de définir "tien que la vérité"? [...] L'interrogation du journaliste ne porte pas seulement sur la part de vérité qui lui est accessible, mais aussi sur les méthodes pour y parvenir, et sur la divulgation qui peut être faite.

· Le journalisme dit d'«investi~ est à l'ordre du jour.

Il est entendu aujourd'hui que tous les coups sont permis.

Le traitement par deux grands journalistes du lVasbington Post de l'affaire du Watergate a donné ses lettres de noblesse à un type d'enquête comparable à celle que pratiquent la police et les services spé­ ciaux à l'encontre des terroristes ou des trafiquants de drogue.

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