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"SOLEILS COUCHANTS" DE VICTOR HUGO (COMMENTAIRE COMPOSE DU POEME )

Publié le 17/01/2022

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hugo

Soleils couchants

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées;  Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;  Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;  Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit ! Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule  Sur la face des mers, sur la face des monts,  Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule  Comme un hymne confus des morts que nous aimons. Et la face des eaux, et le front des montagnes,  Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts  S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes  Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.  Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête, Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,  Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,  Sans que rien manque au monde immense et radieux !

Victor HUGO, Les Feuilles d'automne.

 

Ce poème est le dernier d'un groupe de six pièces publiées, sous le titre général de « Soleils couchants «, dans les Feuilles d 'Automne.

Ce recueil paraît en 1831. Victor Hugo a alors vingt-neuf ans ; il est au sommet de la gloire. Les Orientales ont connu le succès, son roman Notre-Dame de Paris a été salué comme un chef-d'œuvre et surtout sa pièce Hernani, aux représentations tumultueuses, a fait de lui le chef de file reconnu des auteurs romantiques.

Mais cet homme adulé est un homme blessé. Il a découvert depuis peu la liaison de sa femme Adèle et de son plus cher ami, Sainte-Beuve. Cette trahison a fortement touché Hugo, qui trouvait dans sa vie familiale un réconfort et une paix essentiels à son équilibre. Quelque chose en lui s'est cassé, comme le montre la préface des Feuilles d'Automne, dans laquelle il annonce « un regard mélancolique et résigné, jeté çà et là sur ce qui est, surtout sur ce qui a été. « Issu de la même inspiration triste et résignée, le recueil suivant sera intitulé Les Chants du Crépuscule.

André Maurois, biographe compréhensif de Victor Hugo, écrit à propos des Feuilles d'Automne les lignes suivantes : « Sentir comme tout le monde et exprimer mieux que tout le monde, voilà ce que voulait maintenant Hugo. Il y réussissait. On trouvait, dans Les Feuilles d'Automne, les plus beaux poèmes qui eussent été écrits sur les enfants, sur la charité, sur la famille. [...] La mélancolie résignée dont est imprégnée tout le recueil surprit et toucha les lecteurs de 1831. [...] Eh ! quoi ? pense-t-on. Il n'a pas trente ans et ses rêveries sont funèbres? « Un jugement qui, on va le voir, prend tout son sens avec ces « Soleils couchants «.

 

hugo

« condition humaine. On notera de prime abord le ton ample et solennel, produit par l'emploi de phrases longues qu'entrecoupent defréquentes pauses (énumérations dans la première strophe, répétitions et parallélismes dans les deux suivantes...).Ces répétitions et ces parallélismes, accentués par la reprise à la troisième strophe des termes de la seconde(«face», « monts », «fleuves »...) font ainsi sentir la gravité un peu lasse de la méditation, et la régularité des jours qui se succèdent tandis que le temps s'enfuit. Le mouvement de la pensée Dans un premier temps, correspondant au premier vers, Victor Hugo nous livre un simple constat, une observationassez imprécise : le soleil vient de se coucher.

Pas de description fouillée ; seule l'expression « dans les nuées » vient caractériser ce coucher de soleil en nous laissant imaginer un ciel nuageux. Avec les trois vers suivants, le poète nous fait passer graduellement de l'état du soleil à une méditation sur la fuitedes jours. Les « nuées » évoquées au premier vers mènent la pensée du narrateur vers l'orage qu'elles semblent annoncer pour le lendemain (vers 2).

Cette idée de lendemain se prolonge par l'évocation de la journée et de la soirée à venir, puisdes jours qui les suivront, pour se clore par la métaphore du vers 4 : «pas du temps qui s'enfuit».

Les jours et les nuits sont autant de pas rythmant la marche du temps qui s'échappe...

Le mot « s'enfuit » introduit une idée de fugacité, comme si le temps allait trop vite.

C'est donc vers la brièveté de la vie que la réflexion — ou plutôt larêverie — s'oriente. Ce qui nous place dans le registre de la rêverie, c'est le verbe «viendra » au second vers.

Ce verbe est au singulier ; il a donc normalement pour sujet le seul mot «orage ».

Or, toute une énumération vient s'ajouter à cet « orage ». On a donc l'impression que les mots qui composent cette énumération (« soir», «nuit », « aube », «nuits », «jours ») n'étaient pas prévus par le poète lorsqu'il a commencé sa phrase ; que la pensée dérive et suit son chemin d'elle- même... Le vers 5 résume sur le mode affirmatif l'évocation de la première strophe.

Mais il introduit également le secondmouvement du poème.

La rêverie sur la fuite du temps se précise, faisant intervenir la nature (vers 6-7).

A cetteévocation de la nature se mêle le souvenir des « morts que nous aimons » (vers 8).

Il y a donc, dans cette seconde strophe, l'amorce d'une antithèse entre les conditions inégales de la nature et de l'homme devant le tempsqui passe. Cette antithèse se manifeste dans la troisième strophe.

Victor Hugo semble s'y consacrer à une description de lanature (les eaux, les montagnes, les bois...).

Mais en fait, il oppose par des termes bien choisis l'avenir de la natureet celui des êtres humains. Les expressions «Ridés et non vieillis » (vers 10) et «S'iront rajeunissant » (vers 11) insistent sur la permanence et l'éternelle jeunesse de la nature.

Les adverbes « toujours » (vers 10) et «sans cesse » (vers 12), de façon plus discrète, viennent renforcer cette idée.

Mais en même temps, ces termes suggèrent une comparaison entre natureet homme.

En particulier, la formule « Ridés et non vieillis » est en elle-même comparative : l'homme vieillit, les montagnes se rident... La dernière strophe exprime complètement l'antithèse et fournit, en quelque sorte, la morale de la méditation.L'abrupt « Mais moi » qui ouvre le vers 13 marque une rupture, une opposition entre tout ce qui précède et ce qui va suivre.

Il semble presque que le poète cède à l'amertume, voire à un mouvement d'humeur. C'est que la comparaison, implicite dans la troisième strophe, est maintenant clairement énoncée.

Face à cettenature sur laquelle le temps semble n'avoir aucune prise, Hugo ressent douloureusement sa condition mortelle,transitoire...

« Je passe », constate-t-il au vers 14, avec peut-être une impression d'injustice que semble traduire l'antithèse « refroidi/joyeux ». Enfin les vers 15 et 16 introduisent deux idées nouvelles, qui complètent la méditation et la rendent plus amèreencore. La première de ces idées est exprimée par la fin du vers 15, avec la formule « au milieu de la fête ».

Il s'agit bien sûr d'une métaphore : le poète compare le monde à un endroit joyeux, qu'il lui faudra quitter contre son gré.

Imageclassique, mais qui accentue le sentiment d'injustice esquissé aux vers précédents.

Il faudra partir avant la fin : ilfaudra partir alors que les autres continueront à s'amuser... La seconde idée se manifeste par les mots « Sans que rien manque au monde ».

A l'échelle du monde, de la nature, un homme de plus ou de moins n'a certes pas beaucoup d'importance...

Mais Hugo, passablement orgueilleux, avaitune assez haute opinion de sa mission de poète et de son rôle social.

L'affirmation que sa disparition ne privera pasle monde nous apparaît alors comme l'expression d'un moment de découragement, de désillusion. Ainsi, au long de ces quelques vers, nous suivons la pente de la rêverie hugolienne.

Parti d'une contemplationvespérale, le poète en arrive à une réflexion douloureuse sur sa situation de mortel et (peut-être) d'artiste voué à. »

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