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Solitude de Maurice Fombeure, Greniers des saisons

Publié le 29/03/2011

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Je marche sans arrêt Dans cette énorme ville Où gronde le murmure Immense de la mer, Où l'on perçoit à peine Le signe d'une étoile, Le galop d'un cheval Dans la rue, le matin, L'agile des oiseaux Sur les arbres de neige, Le cri vert des bateaux Dans les vagues de marbre. Je marche sans arrêt, Perclus de solitude, Dans ces déserts mortels Tout luisants de regards. J'entends autour de moi Des plaintes étouffées, Des soupirs de bonheur Fragiles roses mortes. Heureusement ma lampe, Phare de mes automnes Brille là-bas au loin Dans le fond de mon cœur Et m'attire, invincible, Tout gluant de ténèbres. Je monte un escalier Dans cette énorme ville Où gronde le murmure Immense du malheur; O chat, lampe, famille, Bonne humaine chaleur, Sauvez-moi tous les soirs Du naufrage intérieur, De l'éternel naufrage! Maurice Fombeure, Greniers des saisons. SUJET Dans un commentaire composé, vous étudierez comment Fauteur suggère des états d'esprit, des sentiments, des réflexions, que vous préciserez. Vous pouvez aussi orienter autrement votre recherche personnelle. PLAN DÉTAILLÉ

Introduction ■ Fombeure s'inscrit dans la lignée des poètes qui, aux alentours de 1940-1945 (10 ans avant, 15 ans après, environ), demeurent attachés à une certaine tradition et cherchent les accomplissements de leur création. ■ Il a reçu, à ses débuts, les encouragements d'un Cocteau, d'un Max Jacob, d'un Valéry, d'un Léon-Paul Fargue.

« Or la cité engloutit de ses replis humains le « cri vert des bateaux » et « les vagues de marbre » (originalité desassociations); elle ne les laisse qu'à peine parvenir près de ceux qui ont gardé leur fraîcheur originelle.

[Remarquer ànouveau le jeu des images qui montrent que chez lui le langage est création constante.

] Mais cette solitude dont il est « perclus » comme les vieux des villages le sont de « rhumatismes », car elle alourditet rend gourd, n'est-ce pas aussi celle que peut ressentir le poète et qui paralyse l'inspiration ? Car cet hommegénéreux, vivant, Rabelaisien (dès qu'il fut nommé professeur à Paris, il eut sa table au Lipp et y tint non cénacle,mais camaraderie poétique), peut souffrir, mais avec retenue, avec stoïcisme ; de plus il a un intense besoin deprésences, d'amitiés. D'ordinaire, Fombeure a su trouver un monde qui se suffit à lui-même, univers terrestre et univers poétique, mais ilpeut être sensible au sentiment d'abandon éprouvé par tous les poètes de sa génération, dont une descaractéristiques est une audience passionnée certes, mais restreinte. Une vision qui pourrait être qualifiée d'infernale, si ce n'était le détachement humoristique habituel à Fombeure —mais en tout cas digne de Breughel (un peintre qu'il chérit), tant il est pris dans un réseau d'humains, de figures, quile regardent sans le voir; c'est ce qui rend l'expression « Dans ces déserts mortels Tout luisants de regards » (encore un bel alexandrin!) entachée d'une inquiétude presque tragique et terrifiée assezrare chez Fombeure.

On la retrouve d'ailleurs expliquée dans le leitmotiv à peine modifié mais de façon significative :a Dans cette énorme ville Où gronde le murmure Immense du malheur.

» Mais ne se hâte-t-il pas d'ordinaire de « rire de tout avant d'être obligé d'en pleurer », comme Figaro ? Ce poètequi étincelle si souvent de mots amusants ou insolites, de jongleries et de cocasseries (1), n'est-ce pas parfois unepudeur venant à son secours qui se manifeste chez lui ainsi ?, quand il se sent cerné par les autres et leurs vies(malheur ou bonheur, qu'importe...) : « plaintes étouffées », « soupirs de bonheur », tout ce qui passera et dont ilne demeurera que de « Fragiles roses mortes » ? 2 e Thème : Le Bonheur de se réfugier dans la douceur protectrice de la vie familiale. Ce sentiment du désert de la grande cité, poétiquement ou socialement vécu, n'est pas seulement présenté pourlui-même, mais pour mieux chanter en contraste la paix et le bonheur du foyer qui l'attend. En effet Fombeure, étudiant ès-lettres, ayant fait la connaissance d'une étudiante ès-lettres; poétesse aussi àses heures, l'épousera, une fois passés ses concours (École Normale Supérieure de Saint-Cloud).

Il aura un petitgarçon, « Jacque-ton » (diminutif médiéval de Jacques : Fombeure goûte beaucoup vieilles comptines et ritournellesdu Moyen Age), un chat — nommé Papillon! — et, une fois mutés à Paris, mari et femme s'établiront dans le quartierSaint-Sulpice où il aura vite de véritables habitudes provinciales. C'est ce havre d'amour, de calme, de chaleur humaine, de tendresse, qu'il voit au bout de sa course.

« Je marchesans arrêt », répète-t-il; de plus c'est le 1er vers du poème, et ceci montre la hâte, le mouvement tendu vers le «Foyer ». Car sa conception du « Foyer » et de la « Femme » est très haute, très pure.

Un foyer, il en a déjà eu un trèséquilibré et patriarcal entre ses grands-parents et son père, figure de Jupiter paysan, « grand forestier »,prud'homme, « digne jusqu'à la noblesse dans son costume noir de villageois », qui régnait sur le hameau de la Rue(2 feux), où naquit Fombeure, et que son fils appelait le Caïd. La Femme, il l'aime et la respecte avec tout l'amour d'un amoureux et tout l'amour d'un enfant privé de sa mèredès sa naissance (elle était morte en couches). Sa femme Carmen, connue comme poétesse sous le nom de Carmen Oriol, très belle et réservée, forme avec lui uncouple parfait.

« Vous donnez, Maurice et vous — écrit le poète et ami de Fombeure, Pierre Menauteau —, l'imaged'un bonheur à la fois fervent et équilibré » : « Issue des flammes de la mer O ma grande femme de nacre, Ma Vénus, le voici ton sacre.

» (Le Sacre de Vénusdans Une forêt de charme.) Il lui consacre maint poème et il faudrait entre autres pouvoir citer intégralement le beau texte du recueil Pendantque vous dormez, intitulé Ma Femme, « ...

cet être aux mains de douceur Épouse, amante, femme et sœur » (vers qui est une véritable transpositiond'Homère : L'Iliade : Adieux d'Hector à Andromaque). Quand il est « tout gluant de ténèbres », ténèbres inquiétantes de la nuit, repoussantes de la ville, angoissantesde cette solitude qui cause doute et vous remet vous-même en question, il voit « heureusement » ce qui esttraditionnellement le « signe » du foyer : la « lampe », valeur de lumière et point unique, détaché, qui est un but.. »

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