Devoir de Philosophie

SOUPAULT Philippe

Publié le 14/10/2018

Extrait du document

soupault

SOUPAULT Philippe (1897-1990). Dans l'Histoire d’un Blanc (1927), Soupault a brièvement décrit sa famille de grands bourgeois et raconté ce que furent son enfance et son adolescence. Il évoque sa solitude et son ennui, mais aussi ses premières lectures passionnées qui lui servent de refuge, ses vacances à Cabourg, où Proust était son voisin, ses voyages en Allemagne et en Angleterre, les découvertes intellectuelles qui exaltent sa sensibilité : Rimbaud, Rilke, Whitman...

 

Pour lui, comme pour bien d’autres jeunes gens, la guerre fut le révélateur des lâchetés, des égoïsmes ou des hypocrisies dont firent preuve de trop nombreux représentants des milieux qui prétendaient défendre les « valeurs étemelles » de l’Homme et de la Patrie. En tout cas, le désespoir, la révolte qu’elle suscita en lui expliquent sans doute pour une grande partie son désir d’écrire des poèmes et de rencontrer ceux qui incarnaient alors l’avant-garde et l’esprit de non-conformisme. C’est grâce à Apollinaire que ses premiers vers parurent dans Sic en 1917, année où fut également publié son premier recueil, Aquarium, qui révèle déjà ce « sens aigu du moderne » dont Breton parlera plus tard à son propos.

 

Présenté à Breton par l’auteur de Calligrammes, Soupault rencontra ensuite Aragon et Fraenkel, animés du même désir d’en découdre avec l’institution littéraire officielle et ses critères de sélection. Et si, en mars 1919, la revue Littérature qu’ils ont fondée peut encore paraître relativement inoffensive en publiant des auteurs en voie de consécration (Gide, Valéry, Reverdy, Max Jacob, Cendrars, Léon-Paul Fargue, André Salmon, Jean Paulhan), elle ne va pas tarder à révéler ses véritables objectifs en se lançant totalement dans l’aventure dada. Mais si Soupault ne fut pas le moins inventif dès lors qu’il s’agissait de faire scandale, il n’en continua pas moins une œuvre poétique toujours dominée par l’influence de l’« esprit nouveau » tel que l’avait défini Apollinaire. En témoignent des recueils comme Rose des vents (1920) et surtout Westwego (1922), qui fait une place importante au thème du mal de vivre et de l’errance mélancolique si répandu dans la littérature de ces années d’après guerre. D’autre part, le fait qu’il ait été avec Breton l’auteur des Champs magnétiques (1919)

 

et notamment le principal responsable de « la Glace sans tain » — montre bien avec quelle facilité il peut s’affranchir des modes d’expression préétablis. [Voir aussi Écriture automatique].

 

Le surréalisme ne parviendra pas, pourtant, à mobiliser totalement l’énergie de Soupault, qui reste très attaché à son indépendance et qui, de surcroît, aussi compréhensif soit-il à l’égard de ce mouvement, répugne à lui sacrifier un certain nombre de ses amitiés et de ses admirations littéraires. D’ailleurs, les revues dont il assume la direction, tels les Écrits nouveaux et surtout la Revue européenne, ainsi que les nombreuses chroniques qui paraissent sous son nom, sont révélatrices de son éclectisme et de sa curiosité pour des auteurs et des œuvres de tendances et de pays très différents (américains et russes en particulier). En outre, le nombre et la diversité de ses essais (sur Chariot, Apollinaire, Lautréamont, Baudelaire, William Blake, James Joyce, Labiche, Musset...), la multiplicité de ses centres d’intérêt extralittéraires : peinture (le Douanier Rousseau, Lurçat, Uccello), cinéma (il écrivit de nombreuses chroniques critiques et fut l’auteur d’un scénario : le Cœur volé), jazz, chanson, opéra, ses activités de grand reporter ou de conférencier qui l’amènent à parcourir la planète en tous sens, ou de directeur et de producteur d’émissions radiophoniques (à Radio-Tunis; puis en France, avec Jean Chouquet), sont caractéristiques d’une personnalité qui s’épanouit plus dans le mouvement — ses ennemis diront dans l’agitation (cf. Breton, Second Manifeste du surréalisme) —

que dans la méditation et F approfondissement de quelques grands thèmes de réflexion.

 

Ses romans sont, à cet égard, très significatifs. Alacrité, fébrilité, brillant, ouverture d’esprit leur confèrent un charme particulier et semblent les avoir protégés du vieillissement. La plupart d’entre eux mettent en scène des personnages qui acceptent de jouer le jeu social tout en étant conscients de sa futilité et qui finissent par courir le monde pour chercher — en vain — à fuir l’ennui et à se fuir eux-mêmes. Romans de l’insatisfaction, de l’échec comme il s’en écrivit beaucoup à la même époque, et dans lesquels il est facile de reconnaître tel ou tel trait de leur auteur, mais qui échappent à la banalité précisément par leur vivacité et par le sens de l’humour qui s’y manifeste, ainsi que par les grands mouvements de lyrisme poétique dont ils sont parfois parcourus (le Bon Apôtre et A la dérive, 1923; le Voyage d’Horace Pirouette et En joue!, 1925; le Nègre, 1927; les Dernières Nuits de Paris, 1928; les Moribonds, 1934).

 

La satire sociale n’est absente d’aucun de ces romans. Cependant, c’est surtout dans les Frères Durandeau (1924), qui frôla le prix Goncourt, que Soupault décrivit avec le plus d’exactitude les rapports de force et d’intérêt qui divisent et soudent en même temps les différents membres d’une grande famille bourgeoise. Plus tard, avec le Grand Homme (1929), il s’en prit aux méthodes et au comportement impitoyables qui assurèrent la réussite industrielle et sociale de son oncle Louis Renault.

 

Les bouleversements entraînés par la Seconde Guerre mondiale, les réalités dramatiques ou surprenantes avec lesquelles son activité de reporter le mettaient en contact, lui faisant prendre conscience du caractère artificiel et limité de la fiction romanesque, expliquent sans doute en grande partie qu’il ait préféré à celle-ci le récit documentaire, l’essai ou le témoignage autobiographique Cle Temps des assassins, 1945; Profils perdus, 1963; Mémoires de l’oubli, 1981 et 1986).

 

Tous ces écrits ne sauraient cependant faire oublier que Soupault, aussi variées et intéressantes qu’aient pu être ses activités, est toujours resté avant tout un poète, même si son œuvre, dans ce domaine, n’est pas des plus abondantes. En 1926 le recueil intitulé Georgia, épita-phes, chansons, plus tard les Poésies complètes 19171937 (où l’on trouve notamment Chansons; Bulles, billes, boules; Étapes de l’enfer; Sang joie tempête) montrent que, là encore, Soupault peut tantôt jouer sur le registre de la légèreté, de la désinvolture, du modernisme, tantôt, au contraire, sur celui de la gravité et du lyrisme, qu’il s’agisse d’exprimer les tourments ou les joies de l’amour ou bien les secrètes inquiétudes de l’être humain face à la mort et à la vieillesse :

 

L'automne sur le toit fait un bruit de pigeons l'or coule Il est midi

 

Les arbres ont peur

 

La mort vole

 

L'odeur de l'agonie

 

comme une trop lente musique

 

sème des gouttes de sang

 

Une femme dort

 

près d'une fleur gonflée d'eau.

 

Après la guerre, si sa voix se fait plus ample dans les Odes (1946) qu’il dédie aux grandes villes martyres, elle retrouve vite ses accents intimistes dans l’Arme secrète (1946) ou dans Sans phrases (1953), avec de nouveau une prédilection marquée pour l’humour et la fantaisie 0Chansons du jour et de la nuit, 1949).

 

Ce talent protéiforme, s’est également exercé dans le domaine du théâtre avec la même spontanéité, le même goût de l’insolite (Tous ensemble au bout du monde, 1943; la Fille qui faisait des miracles, 1951; le Rossignol de l’empereur, 1957) mais aussi le même sens de la

soupault

« gra ndeu r (le Triomphe de Jeanne , 1956) ou du m ystère (R e11dez -vou s!, 1956) que dan s les autre s formes d'ex­ pression.

En définiti ve, si l'œuvre d e Soupault se ressen t parfoi s de la hâte et de l'imp rovisatio n qu i ont souven t présidé à so n élab oration et si l'on pe u t penser qu'elle aurai t gag né à em prun ter si mu ltanément moins de directio ns, elle reste tr ès représe ntative d e notre époque pa r son dyunmisme, son ouverture, et très attachante p ar so n côté à la fois ch aleureux e t lu cide.

BIBUOORAPHIE Depuis 1981.

les ~ -Lachenal et Riner ont entrepris la réédi­ tion de l'oeuvre de Soupnult (le Grand Homme , 1981; le Voyage d'Horace Pir oue/le, 191!3; Aquarium, Geor g ia.

1984.

etc.) .

A consulter.

- Henri-Jac ques Du puy, Philippe Soupault, Paris, Seghers,« Poètes d 'aujou rd 'hui», 1957; Ac tio11 poétiqu e, n" 76, «Philipp e Soupault».

On lira aussi Vin gt mille et unjoMs, entretiens de Ph.

Soupault avec S.

Fauchereau , Pa ris, Belfond, l 980: Bernard M orlino, Philipp e Soupault, La Manufa cture, l987 ; Serge Fauchereau, Soupault voyageur magnltique, Galerie de la Vill e de M ont reuil, 1989: Jean Scbuste r, le Ramasse­ miefles, suivi de Leflre dif!lrée ct Phi lippe Soupa ult, Pleine Page .

Opales.

199 2.

R.

NAVARR I. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles