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SUARÈS André

Publié le 14/10/2018

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SUARÈS André (1868-1948). Celui qui fut considéré un moment comme l’égal de Valéry, de Claudel et de Gide semble aujourd’hui sortir d’un long oubli; on en était presque venu à considérer ce contemplateur des génies, cet orgueilleux condottiere, comme un polygraphe ou un styliste. Notre temps, sevré d’héroïsme et de modèles, apprécie mieux, désormais, des voyages entrepris parmi les plus hauts paysages spirituels, et des accents qui révèlent une constante volonté de grandeur.
 
L'homme de lettres
 
La vie d’André Suarès est presque tout entière dans ses livres et ses innombrables articles : on a même l’impression qu’elle y trouve un but, une sorte de salut, en s’y recueillant par l’intermédiaire des milliers de pages des carnets et cahiers encore inédits, témoins immédiats des émotions journalières. Né à Marseille (la .même année que Claudel et Jammes, un an avant Gide), il.entre à l’École normale supérieure en 1886, mais échoue à l’agrégation. En 1888, à Marseille, au cours d’une nuit mystique, sa voie lui est révélée: l’art, au prix de la vie elle-même. Il commence alors de publier poèmes et portraits, atteint la notoriété au début du siècle avec Images de la grandeur (1901), le Livre de Vémeraude (1902), sur l’âme de la Bretagne éternelle, collabore à toutes les revues importantes, devient l’ami de Valéry, de Claudel et de Romain Rolland. La mort de son frère lui inspire un cri de douleur (Sur la mort de mon frère, 1904) et assombrit encore la sensibilité orgueilleuse, l’ombrageuse solitude que reflètent ses essais et recueils poétiques de l’avant-guerre : Voici Vhomme (1905), le Bouclier du zodiaque (1908), Sur la vie (1909). Un séjour en Italie nous vaut Vers Venise (1911), première partie du Voyage du condottiere (1911-1932). Les ouvrages de critique, de réflexion, de confidence lyrique se succèdent alors avec régularité; mentionnons quelques jalons : Trois Hommes (Pascal, Ibsen, Dostoïevski) [1913]; Remarques (1917-1918), méditations esthétiques; Debussy (1927); Puissances de Pascal (1927); Goethe, le grand Européen (1932); Trois Grands Vivants (Cervantès, Tolstoï, Baudelaire) [1937]. Israélite, adversaire du nazisme, Suarès doit mener une existence précaire et clandestine pendant la guerre; il meurt en laissant une masse d’inédits qui paraissent peu à peu (Hélène chez Archimède, 1949; Présentation de la France, 1950...).

« grandes œuvres : ce lles des peintr es (Véronèse, Rem­ b randt.

..

), des m usiciens (Wag ner, Deb ussy ...

), et surtout des écrivains (Cervant ès, Pasc al , Chateaubriand, Goethe, Bau del aire, Nietzsche , Do sto lev ski, T ols toï ...

); Sai nte­ Beuve, invente ur e n Fran ce du «po r tra it litté rai re», en avait fait une enve lopp ant e caresse, une sédu isan te qu ê te élégiaque, destinée s à capt.er 1 'int imité et l'ipséité du mod èle: à cette attitude an ci ll air e de l'âme seco nd e s'o ppose l'ab rupt e a gressivité de Su arès, qui em brasse ct déc hire, aime et hait à la fois.

Ainsi sur Goethe : Que d'efforts dans toute cett e facilltél Que de lou rde com· plaisance à soi-mêmel Et parfois de do ctoral e nia i serie dans ce rire béat! Un ce rta in acce nt L 'obsess ion du néant cerne la pens ée de Suarès : les poèmes recueilli s dans le B ouclier du.

zodiaque chantent un désir éperdu d'amour cosm iq u e: « Je consumerai la matière dans l'ardeur d'une prés ence immort elle.

Aux ce ndre s de l'athanor et d e raffreu se é pai sseur , je cherc herai le grain d'un e éte rnelle certitude ».

Mais à c es é lans - qui rappellent, sur un m ode tragique , ceux des Nourritu res ter res tres de Gi de - ne répo nde nt qu e la mort et le deuil de toute joie : «Je me coucha is s ur le na n c de l a terre , je la bai sais [ ...

).

Et voici qu 'au réveil rna femme sent ténébreu sement la mort ».

Ce nihili sme n'épargne ni les religions co nstit uée s, ni les illusions politiques, ni l'évent ail des p oses littéra ire s (la sentimen ­ talité romantique, le verba li s m e sy mboli s te ...

); il débou ­ ch e su r ce co nstat: « Je d o ute passionném e nt , c' est m a na lUre; et j'a i la passion de vi v re.

Quelle co ntradi ction! >) La communion avec ceux qui ex hau sse nt la vie à u ne plei ne et universell e signification; l'écri ture d'un é lan vers J'Être, d'un salut par l'art, voilà qui sert à Suarè s d e foi et de religion : en ce cu lte du surh o mme, de la forme belle imposée à la troub le obscuri té de l'existe nce, se retrouvent bie n des th èm es et des acce nts ni etzschéen s, tra nsfi gurés par une my sti que de l'intuition et d e l'émo­ tion q ui emprunte beau coup à Ber gso n (Valeurs , 1936).

L 'effo rt pour éch app er à l'inanité d'un mo i rédui t à la p ure indivi dualit é ne va pas sans une gra ndiloq uence véhémente, une fébrilité he urt ée, qui lassent, e t laisse nt u n e impressio n d 'artifice: la lito te gi dienne , la majesté fluvia le de Claudel , le calme océa nique de Saint- Jo hn Pe rse nous ont hab itué s, au sortir du symb olisme, à u n style plu s discret, mo ins enti ché d'eff ets paro xy s ti ques e t d 'épanchemen t s he urt és.

Mai s e n ces vol umes brû lants, voués au déchiffrement du gé nie, à la méditatio n sur l e monde et sur l'art , au voyage intérieu r , c t r iches en ima­ ges justes, en ap ho ri s me s brilla n ts, reten tissen t d es acco rds anachroni ques et tout à fai t si n guliers dan s la littérature du x-xe siècle : a d miration é p erdue des in ter­ cesse urs , amour charnel de la beauté, héroïsme égotis te d'u n d éfi j eté a u x com promiss io ns et aux dém issions modernes .

BIBLIOGRAPHIE Œuvres .

-La plup art des œuvre s de Suar ès furent éditée s chez Émi le-Paul, Gallimard et Gras~et.

Restent disponibl es aujou r­ d.hui : H élè ne chez Archim èd e, Pari s, Gallimard, 1949; Mar sih o (Paris, 1933), Paris, Laffitte Reprints , 1977; Minos et Pasiphaé.

Paris, la Table rond e, 1950; Trois Hom m es (P ascal, Ib sen, D os· tor evs ki), Paris , Gallimard.

1976; Voici l'homme, Paris , Albin Mi chel, 1948 ; Caprices, lettres modernes, 1977; /~Voyage du condouiere, Paris, Granit, 1985; Musiciens (1931), ibid ..

1986; Âmes et Visages, G allimard, 1990 et 1991; Vues sur l'Euro pe, Grnss et, 1991.

En o utre ont été publiées des correspondances : Correspondance S uar ès-Cla udel, publiée par R obert Mallet, Pari s.

Galli mard , 1951; Ce tte éîme arden te [ ..

.

], c ho ix de le ttres de Suarès à R om ain Rolland, publié par Pierre Slprio t, Paris, Albin Michel , 1 954; Correspondan ce Su arils-P ég u y, publi ée p:lr Alfr ed 2388 Saffre y, Paris, Albin Michel , 1961: Corres pondarr ce Gide ­ Sua rès, publiée par Sidney D.

Braun , Paris, Gallimard, 196 3.

Étud es.- Marcel Dictschy.

le Cas Andri S uarès, Neuchâtel, la Bacon n iè re , 1967: Yves-Alain Favre, Raver ie et grandeur dans la poésie de SIUl rès, P aris, Mino re).

1973; id ., la Recherche de la grandeu r dans l'œuv re de Suaris, Pari s, Klincksie ck , 1978; Robert Parienté, Andd Suar ~s l'insurgé.

éd.

F .

Bour in, 1990.

Trois numéros de la Revue des le u res modernes (P aris, Minard) sont consacrés à Suarès : en 1973, An dré Suarè s et le symbolisme (n° 346 -35 0), en 1977, Suar~s et l'Allemagne ( n ° 484-490) , et en 1983, l'Univers mythique d' l111dré Suar ès (n° 682-687), t extes réunis et présentés par Yves-Alain Favre.

V oir, à la fm d u second de ces volumes (p .

191 -199) , une bib li ographie portant sur les années 1968-1975.

Voir auss i les revues lmerfé rences, 14,juill.· déc.1981,etSud, Xll .4 3,l982.. »

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