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SUISSE. Littérature d'expression française

Publié le 14/10/2018

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L’œuvre poétique d’Oton de Granson (1340-1397) s’insère dans la ligne du lyrisme courtois tel qu’il apparaît encore au XIVe siècle. Considérée en général comme peu originale, cette œuvre s’efface un peu devant le personnage, dont la vie brillante et la fin tragique intéressent plus du point de vue de l’histoire que le talent d’amateur. Seigneur du pays de Vaud, il se couvrit de gloire dans des campagnes au service de l’Angleterre et joua un rôle important à la cour de Savoie. Ses poèmes, dédiés à une dame inaccessible, consistent en ballades et en complaintes d’amour.

 

Un duel, qui devait le laver de l’accusation d’une complicité dans une affaire d’empoisonnement, lui coûta la vie à Bourg-en-Bresse. Il incarnait pour ses contemporains l’idéal du guerrier amoureux, ce qui lui valut une réputation étendue dans le monde des lettres du Moyen Âge : cas unique pour un poète du pays romand.

 

Dès la fin du XVe siècle, le pays de Vaud eut son romancier en la personne de Jean Bagnyon, bachelier ès lois, notaire et syndic de Lausanne, auteur de Fierabras-le-Géant. De nombreuses éditions de cet ouvrage furent faites pendant cinquante ans et plus, à Genève (1478), à Lyon et à Paris sous divers titres. Il s’agit d’un récit en prose s’inspirant notamment des chansons de geste pour retracer la vie de Charlemagne et des premiers rois de France. Son but était d’exalter la foi chrétienne dans la personne et dans l’œuvre du grand empereur.

 

Le Congié pris du siècle séculier est l’œuvre de Jacques Bugnin, clerc de la cathédrale de Lausanne, qui l’écrivit à l’occasion de son entrée dans l’ordre de Cîteaux. Il y dit au monde son fait et réunit ses préceptes moraux en dix-neuf séries de distiques disposés par ordre alphabétique de A à V. Publié à Lyon (1503), ce poème semble avoir eu de nombreux lecteurs, puisqu’on en trouve plusieurs éditions ultérieures et qu’il est mentionné par la Bibliotheca cisterciensis.

 

Ces œuvres, aussi modestes soient-elles, semblent prouver par le nombre d’éditions réalisées qu’il y avait, au pays de Vaud, une vie intellectuelle. Cette vie fut animée vers le milieu du xve siècle, lors des divers séjours qu’il fit à Lausanne, par Martin Le Franc, auteur du Champion des dames, poète français devenu prévôt du chapitre de Lausanne. C’est à Lausanne qu’il composa son Estrif de Fortune et de Vertu.

 

Les monuments dramatiques du XVe siècle que l’on possède encore sont d’une poésie assez informe. Dans un Mystère de la Nativité, qui fut joué dans l’église collégiale de Neuchâtel, on remarque de la part de l’auteur, dont le nom ne nous est pas parvenu, un certain effort pour varier de son mieux les caractères de ses personnages.

 

Dans le pays de Vaud, aucune des œuvres représentées n’a été conservée : il n’en reste que quelques titres comme la Dispute de l’Ame et du Corps (1427), un Mystère de la Passion (1453), l’Histoire de sainte Suzanne ou le Mystère de l’état du monde, représenté en l’honneur du retour à Lausanne de l’évêque Georges Saluces en 1461.

 

Il semble que le Mystère de saint Bernard de Menthon ait été lui aussi composé en pays romand; probablement par un moine du Grand-Saint-Bernard, car certains vers font appel à la générosité du public en faveur de l’hospice. La langue dont s’est servi l’auteur est celle — littéraire toutefois — de la Savoie, du Valais et de la vallée d’Aoste. Plusieurs détails et aspects de coutumes décrites dans cette œuvre se rattachent directement à cette région. Ce mystère fut vraisemblablement représenté au couvent du Grand-Saint-Bernard, lors de la fête

du patron de la montagne, fête placée le 15 juin, pour la réouverture du col, après la fonte des dernières neiges.

 

Pièces de circonstance, les mystères n’étaient pas représentés à la seule occasion des grandes fêtes religieuses. L’arrivée d’un grand personnage pouvait également donner lieu à une représentation. C’est ainsi que l’on joua en l’honneur de Béatrice du Portugal, épouse du duc de Savoie, reçue par les Genevois le 4 août 1523 dans leur ville, un mystère qui avait pour sujet sainte Hélène et son fils l’empereur Constantin.

 

Dans les soties se reflète toute l’actualité contemporaine, dûment commentée. Parmi le petit nombre de celles qui ont été conservées, on en possède deux, représentées à Genève respectivement en 1523 et en 1524, dans lesquelles il est fait allusion aux malheurs de Genève, à la dureté de son évêque, du duc de Savoie, aux abus et aux misères qui frappaient la population. Les dispositions politiques qui mèneront Genève, deux ans plus tard, à la combourgeoisie suisse affleurent déjà dans ces textes, reflets d’une attitude mentale.

SUISSE. Littérature d'expression française. La Suisse s’étant constituée à partir des cantons, États souverains ayant chacun son histoire et son développement culturel distincts, la littérature suisse d’expression française est issue de ces creusets individuels. Les époques historiques, les situations personnelles des écrivains ont influé sur la relation de l’œuvre et de l’auteur avec cette délimitation géographique précise que représente le terroir : sa région, son canton, sa patrie; son inspiration thématique et linguistique; un intérêt centré sur le hic et nunc cantonal et suisse. Mais le retour sur soi-même, la recherche d’une identité intellectuelle et créatrice suscitent aussi parfois une mise à distance, et le besoin d’une

expérience internationale — Paris devenant alors un lieu de création privilégié.

 

La Suisse présente ainsi des aspects très différents de sa littérature d’expression française (appelée aussi littérature romande ou de Suisse romande) qui, selon son canton d’origine, se distingue par ses formes littéraires et sa pensée.

Fribourg, qui, avant la Révolution déjà, faisait partie de l’ancienne Confédération, a apporté aux lettres romandes sa contribution originale, éminemment marquée du sceau d’une pensée catholique et conservatrice. Le Valais, dont les paysages pittoresques inspirèrent non seulement les auteurs valaisans, mais aussi le Genevois

Jean Frédéric Ostervald (1663-1747), pasteur à Neuchâtel, Werenfels à Bâle, François Turrettini (1671-1737) à Genève cherchèrent tous trois à libérer une Église prisonnière de l’étroitesse de son dogme, Ostervald en insistant pour que soit rendue aux œuvres leur place légitime dans la vie chrétienne et Turrettini en préconisant de remplacer le christianisme tout intellectuel par la vie morale, les formules par la piété.

 

Firmin Abauzit (1679-1767), originaire d’Uzès et réfugié à Genève dès 1689, fit preuve d’un esprit d’indépendance très poussé en matière de théologie. Ses Remarques sur le Nouveau Testament, qui évoquent la manière de Pierre Bayle, reflètent un profond scepticisme, et on a pu les qualifier de « démolition en règle des Evangiles, des miracles, de la morale du Christ, le tout revêtu de cette forme, indirecte, maligne et cauteleuse, familière aux écrivains d’alors » (Ph. Godet). La réputation considérable qu’Abauzit s’acquit à son époque est due surtout à son érudition, qui s’exprimait dans son immense correspondance avec des savants de tous pays, et à sa conversation richement instructive. Soit par modestie, soit par mesure de prudence, Abauzit ne publia presque rien, malgré l’étendue de ses connaissances et la diversité des domaines auxquels s’appliquait son activité intellectuelle. Rousseau lui adresse un hommage dans la Nouvelle Héloïse, et c’est un ami commun, Moultou, qui se chargera, après la mort du philosophe, de publier ses Œuvres en 1770 et d’en donner une édition plus complète en 1773.

 

On doit une contribution essentielle en matière de réflexion morale sur la conception de la vie et sur la culture européenne à Béat Louis de Murait (1665-1749). Il fut le premier Bernois lettré à choisir le français comme langue littéraire. Une sincérité courageuse caractérise les écrits de cet esprit indépendant et sérieux. Spectateur, à Berne, des méfaits du luxe et de l’adoption de modes étrangères, puis exilé à Colombier, près de Neuchâtel, il rédigea des Lettres sur les Anglais et les Français et sur les voyages (1725), dans lesquelles il cherche à détourner ses concitoyens de leurs folies imitatives en prenant parti pour l’Angleterre contre la prédominance culturelle française. Il est le premier écrivain, avant Voltaire, à avoir établi un parallèle entre les deux nations et donné la préférence aux Anglais, à leur bon sens, à leur amour de la liberté, tout eh reconnaissant les qualités humaines et sociales des Français.

 

Autour de Voltaire

 

L’éclosion de talents divers et multiples ne devait pas tarder. Voltaire, hôte de la Suisse, participa à son évolution littéraire, Rousseau, Mme de Staël et bon nombre d’autres Suisses acquirent une renommée européenne. Jamais la Suisse ne fut plus cosmopolite.

 

Une élite genevoise entourait Voltaire dans sa propriété des « Délices ». Jacob Vernet, l’un des rédacteurs de la Bibliothèque italique, auteur d’un grand ouvrage sur la Vérité de la religion chrétienne, pasteur, travailla avec d’autres collègues à revoir la traduction de la Bible. Estimé par Voltaire, nommé professeur de belles-lettres à Genève en 1739, c’est à lui que Montesquieu confia quelques années plus tard le manuscrit de YEsprit des lois pour le faire imprimer à Genève. Vernet cessa de voir Voltaire du jour où il se vit contraint de réfuter le chapitre « De Genève et de Calvin » de Y Essai sur les mœurs.

 

Parmi les amis de Voltaire figuraient les éditeurs Gabriel et Philibert Cramer, le médecin Théodore Tron-

chin, Charlotte Pictet — devenue l’épouse de Samuel de Constant (1729-1800), auteur de romans dont le Mari sentimental (1786) —, le pasteur Jacob Vernes (1728-1791), qui devait publier un Choix littéraire en vingt-quatre volumes, des Lettres sur le christianisme de Jean-Jacques Rousseau et un roman intitulé Confidences philosophiques.

 

En 1755, Voltaire tenta d’introduire le théâtre aux « Délices », et, en compagnie de l’acteur Lekain, il émut ses hôtes par la lecture de Zaïre. A Lausanne, où il avait trouvé une société aimable, prête à l’accueillir, il fit jouer sa pièce par ses nouveaux hôtes, dans le petit théâtre de Mon Repos. La visite de D’Alembert aux « Délices », en 1756, fut grosse de conséquences : s’étant renseigné sur les institutions de la République et sur l’état d’esprit du clergé, il rédigea l’article consacré à Genève qui parut à la fin de l’année suivante dans le septième tome de l'Encyclopédie. Jacob Vernet y répondit par ses Lettres critiques d’un voyageur anglais. Deux ans plus tard, Voltaire s’installait à Ferney, où il réalisa son rêve de faire donner la comédie aux Genevois et de la leur faire jouer, ce qui lui avait été interdit aux « Délices ».

 

Genève et Rousseau

 

Genève, la ville natale de Jean-Jacques Rousseau, a laissé une empreinte indélébile dans l’œuvre de l’écrivain, qui, à plusieurs reprises, participa de près à l’histoire intellectuelle et contemporaine de la cité. Sous cet angle, le Contrat social, que Rousseau publie en 1762, se présente comme la théorie idéalisée du gouvernement de sa patrie, de la souveraineté du peuple et du principe d’égalité.

 

La Lettre sur les spectacles, écrite en réponse à l’article Genève de l'Encyclopédie, trouve sa place dans les œuvres les plus « genevoises » de Rousseau, qui s’était créé par l’imagination un peuple bien différent de la réalité, une république aux mœurs austères qu’il fallait à tout prix préserver du contact néfaste de la civilisation contemporaine.

 

Mais l’œuvre de Rousseau n’en fut pas pour autant bien reçue, dans son ensemble, par les Genevois. La Lettre à d’Alembert avait parfaitement su traduire le sentiment général sur le théâtre; en revanche, le Consistoire jugea nuisible la Nouvelle Héloïse et la fit interdire par le Conseil. Le Contrat social comme l'Emile furent brûlés en place publique. L’auteur devait être arrêté pour avoir à répondre de ses ouvrages. Mais ses partisans — car il en avait à Genève — ne furent pas d’accord. On se mit à discuter politique et à critiquer la Constitution de l’État. Le gouvernement dut défendre ses positions, ce qu’il fit en la personne de Jean Robert Tronchin (1710-1793), procureur général, membre du Grand Conseil de Genève, qui écrivait avec une élégance alors peu commune en Suisse. Tronchin rédigea à cet effet ses Lettres de la campagne contenant une apologie de la Constitution genevoise et un remarquable exposé des principes constitutionnels. Rousseau, réfugié au Val Travers (Jura neuchâtelois), y répondit par les Lettres écrites de la montagne (1764), en y accentuant les idées du « Vicaire savoyard » (de l'Emile) sur la morale et la révélation. Il y entrait dans le vif du débat politique, ce qui n’apaisa pas les esprits.

 

C’est peut-être pour avoir résumé en lui et dans son œuvre la civilisation protestante de Genève que Rousseau exerça sur son temps une action si profonde. Il a su, le premier dans la littérature française, mettre en valeur les traditions de la vie religieuse, politique et morale de la ville de Calvin. Sur un autre plan, ses descriptions de sites alpestres dans la Nouvelle Héloïse, du lac de Bienne dans les Rêveries du promeneur solitaire feront découvrir à un large public l’originalité et les beautés du paysage suisse.

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« Jean-Jacques Rousseau et le Vaudois Charles Ferdinand Ramuz, défend également, mais différemment, les valeurs traditionnelles et catholiques.

Longtemps alliée de la Confédération, Genève voit se refléter son esprit indépendant et son caractère urbain dans une production littéraire marquée très tôt par le protestantisme.

Celui-ci exerça également son influence sur les écrivains du pays de Vaud et de la principauté de Neuchâtel.

Avant de devenir un canton suisse, le pays de Vaud et le Jura étaient sujets de Berne, qui, d'expression alémanique, ne leur imposa pas sa langue : au contraire, les patriciens bernois s'exprimaient volontiers en français; au xviiie siècle, des écrivains comme Béat Louis de Murait, Char­ les Victor de Bonstetten ou même Julie Bondeli (auteur d'une importante correspondance, et dont le salon fut, pendant plusieurs années, le centre d'une active vie litté­ raire provinciale) s'appliquèrent à enrichir le patrimoine intellectuel et littéraire de la Suisse romande et des let­ tres françaises.

Langue et création Les relations qui s'établissent entre 1' écrivain et sa langue ont toujours été privilégiées et particulières.

Il y a, d'une part, l'aspect de la création personnelle d'une langue littéraire; de l'autre, les liens profonds qui unis­ sent une langue à la tradition et à la vie d'un pays, d'une région, d'une vallée, d'un village, lesquels jouent souvent un rôle important dans l'œuvre d'un auteur.

L'écrivain, en mêlant sa vie et sa création à celle d'une communauté, quelquefois malgré lui, s'inspire- de près ou de loin - de celle-ci.

En ce qui concerne les écrivains de Suisse romande, la France n'a cessé d'exercer son influence, leur offrant un modèle linguistique, littéraire et culturel.

Les patois romands n'ont pas résisté plus longtemps que ceux des provinces françaises de la périphérie au français «littéraire ».

L'adoption du français comme lan­ gue juridique et administrative à la place du latin se situe au xvme siècle.

Il remplaça le patois local vers 1750 dans la ville de Genève, vers 1800 à Lausanne et à Neuchâtel.

A la campagne, le patois resta vivant, même dans l'instruction publique, jusqu'au début du xrxe siècle.

Il continue à être pratiqué - réappris quelquefois - aujourd'hui, à la faveur d'un renouveau d'intérêt de la part d'un public sensibilisé aux richesses créatrices et traditionnelles de la culture locale du pays romand.

La plupart de ces patois sont d'origine franco-provençale (à l'exception de celui d'une partie du Jura, lequel se ratta­ che à la langue d'oïl), ce qui donne à certains poètes et écrivains un sentiment d'appartenance élargi à une région rhodanienne allant des Alpes à la Méditerranée.

La langue du terroir offre donc souvent un apport non négligeable à la création littéraire et à l'expression orale, laquelle conserve un rythme et un choix de vocabulaire différant de l'usage français.

C'est par le truchement des réfugiés protestants que la France influença de manière décisive la Suisse romande en ce qui concerne la langue, la littérature, la pensée, l'économie et la morale.

La révocation de l'édit de Nantes, en 1685, porta l'immigration française à son point culminant.

La population de Genève, cité-refuge par excellence, la bourgeoisie et l'aristocratie du pays de Vaud et de Neuchâtel subirent, à la suite de l'arrivée massive puis de l'établissement des réfugiés, une modifi­ cation sensible, une évolution profonde.

Ces huguenots, venus de France sur les traces des réformateurs, préparè­ rent le terrain où devait germer une littérature romande dont les accents moraux, de Rousseau et de Mme de Staël jusqu'au xxe siècle, accusent un ton qui n'appartient qu'à elle.

Il existait d'autres échanges, commerciaux et, surtout, militaires, entre la France et la Suisse.

Dès 1480, les rois de France eurent à leur solde des régiments suisses, dont le pays romand fournissait les hommes et les officiers.

L'influence de la France royale et catholique corrigea ainsi, à certains égards, celle, prépondérante, du calvi­ nisme.

On y découvrait une image plus attrayante et plus humaine des formes sociales et de la culture que celle que diffusaient par ailleurs les victimes du despotisme et de l'intolérance monarchique.

Comme tous les contem­ porains de Louis XIV et de Louis XV, les Romands eurent leur part de l'architecture, des lettres et de la culture françaises.

Les liens avec la France n'ont jamais été rompus.

Dans des époques récentes, les échanges interuniversitai­ res et culturels se sont poursuivis : Sainte-Beuve a été professeur à l'université de Lausanne, Albert Thibaudet à ÇJenève, Masson à Fribourg.

Des Suisses tels qu'Edouard Rod, qui fut, à Paris, un critique littéraire réputé, ou le romancier Georges Piroué, à la tête d'une maison d'édition française, en offrent des exemples.

Cette tradition littéraire et linguistique commune n'as­ sure donc pas seulement une union étroite entre la France et la Suisse romande; elle consolide aussi celle des can­ tons et des régions francophones de la Suisse.

La situation de l'écrivain romand, devenue presque traditionnelle dans ses relations avec la France, est ambi­ valente.

Elle se définit par son appartenance et sa partici­ pation à une grande tradition littéraire de l'Occident, qu'il contribue à continuer et à enrichir.

Elle se définit aussi par sa « différence » : son indépendance politique et son attachement à une région et à son histoire.

L'auteur et son public Le pays romand est petit et morcelé.

Sa population (à peu près un million d'habitants) n'est pas assez nom­ breuse pour former un public littéraire qui apporte à un écrivain un soutien efficace.

C'est à Genève et à Lau­ sanne seulement que l'on peut trouver aujourd'hui une vie littéraire.

Traditionnellement, le public littéraire est formé de lecteurs qui se définissent par leur nombre limité et une formation universitaire bourgeoise et libé­ rale.

Nouvellement est venue s'y ajouter une jeunesse universitaire, quelquefois contestataire, marxiste pour une part, s'intéressant à la littérature avant tout en tant que critique sociale.

A cette inexistence d'un vaste public littéraire il faut ajouter, dans la plupart des cas, un morcellement dû à l'ambition des cantons à vouloir constituer, chacun pour soi, un centre spirituel - d'où une division encore accrue de la littérature suisse romande.

C'est un phéno­ mène très apparent au xrxe siècle, où l'on assiste à un accroissement rapide du nombre des ouvrages, mais non de celui des lecteurs.

Ce qui apparaît également, si l'on compare ces auteurs avec leurs prédécesseurs du XVIIIe siècle, c'est souvent un repli sur soi-même, sa culture, ses problèmes, dont la conséquence est que les auteurs restent inconnus au-delà des frontières linguistiques et politiques de leur pays.

Ainsi la solitude de l'écrivain, la distance entre l'au­ teur et son public, les difficultés de tout ordre qui en découlent (entre autres, celles de l'édition) poussent sou­ vent l'artiste soit à se refermer sur lui-même en recherchant l'intériorité, soit à fuir son pays.

Cette attitude n'est heureusement pas adoptée et par­ tagée par tous, mais elle constitue l'un des aspects typi­ ques de la vie intellectuelle en Suisse romande.

Les débuts : le Moyen Âge Il n'y a guère, avant la Réforme, d'œuvres importan­ tes à signaler dans la région qui formera plus tard la. »

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