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TARTUFFE DE MOLIERE : ACTE IV - Scènes 1 à 4 (commentaire)

Publié le 15/06/2011

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moliere

« À pure politique on me l'imputerait, / Et l'on dirait partout (...) / Que mon coeur l'appréhende et veut le ménager / Pour le pouvoir sous main au silence engager. «

moliere

« 7.

L'enjeu du « mariage forcé » de Mariane avec Tartuffe, traditionnel en comédie, secondaire pour le sens, maiscentral pour l'intrigue, atteint ici son apogée : la menace n'est plus différée, mais immédiatement présente : « Jeporte en ce contrat de quoi.

vous faire rire » (v.

1277).

Cette présence immédiate de la menace décide Elmire àtenter une manoeuvre désespérée : puisqu'elle a échoué dans sa tentative d'infléchir la volonté de Tartuffe, il nereste qu'à agir sur celle d'Orgon.

Puisqu'il s'entête à ne « croire que les apparences (v.

1317), elle lui propose de «voir lui-même Tartuffe soulever son masque (v.

1340-1342, 1346).

Le péril de Mariane rejoint donc ici l'enjeu,toujours fondamental au théâtre mais ici tout à fait essentiel, qui oppose d'un côté le masque (de Tartuffe) etl'aveuglement (d'Orgon, le champion des apparences), de l'autre le dévoilement, qui permettra la péripétiedéterminante de la reconnaissance, (l'anagnôrisis d'Aristote), laquelle mettra fin à la méprise en assurant lanécessaire catharsis. Scène 4 8.

Les motifs d'Elmire diffèrent nettement de ceux qui lui avaient inspiré sa première entrevue avec Tartuffe.

Lasituation s'est aggravée tragiquement.

Orgon a fait à Tartuffe » de son bien donation entière » et brandit lecontrat, assurant qu'il va lui » donner » Mariane » dès ce soir ».

Pendant l'entracte, on a délibéré qu'il fallait unedernière fois s'efforcer de fléchir Tartuffe.

C'est ce qu'a tenté Cléante.

Il vient d'échouer.

Désormais, il faut brûlerses vaisseaux : advienne que pourra ! Elmire va jouer le dernier atout qui reste à la famille.

Nul autre qu'elle ne peutagir.

Seul le désir qu'elle excite chez l'hypocrite a pu jusqu'alors l'induire à soulever le masque et le mettre endifficulté.

Au troisième acte, elle voulait convaincre Tartuffe de renoncer à Mariane par une scène de coquetteriequi donnerait à entendre qu'elle ne serait pas insensible à son désir.

Au quatrième, elle ne songe plus qu'à arracherles écailles des yeux d'Orgon, et veut pour cela « faire tomber le masque à cette âme hypocrite » en lui tendant unpiège (v.

1373-1376).

Aussi prend-elle une résolution d'une hardiesse désespérée : la grande coquette, femmehonnête et mariée, va offrir son corps à l'homme qui la désire et, « par des douceurs », puisqu'elle « y est réduite »,l'exciter à l'adultère, sous les yeux de son mari ! C'est, de loin, la scène la plus osée de tout le théâtre classique.Aussi Molière prend-il soin de dégager la responsabilité de sa brillante Elmire : « les choses », dit-elle à Orgon, »n'iront que jusqu'où vous voudrez.

» (v.

1380). ÉCRITURE Scène 1 9.

Deux heures au plus se sont écoulées pendant l'entracte (v.

1266, » trois heures et demie », le moment desVêpres).

L'ellipse est certes plus importante qu'entre les autres actes.

Mais c'est qu'il a fallu laisser à Orgon letemps de courir chez le notaire pour faire établir le contrat de mariage (v.

1277) et l'acte de donation (v.

1177-1178).

Il eût fallu bien plus de temps dans la réalité.

Molière, conformément aux principes de la dramaturgieclassique, continue donc bien de concentrer l'action dans la durée, et l'accélère progressivement par des ellipsesnarratives. Scène 3 10.

Les cadres dramaturgiques, « céans », le lieu de la scène, qui représente la maison d'Orgon, et le temps de lareprésentation, donc de l'énonciation, sont utilisés comme des enjeux dramaturgiques.

Ces enjeux ou ces menaces,présents dans la situation même d'énonciation, peuvent être de ce fait désignés par des déictiques, dont la valeurpragmatique devient dramaturgique.

En prononçant des mots comme « céans.» ou « je porte en ce contrat de quoivous faire rire », l'énonciateur ne se contente pas de « dire », il « fait ».

Orgon sait que son énonciation même estaction en soi, il le dit : « Et vous savez déjà ce que cela veut dire ». 11.

Cette scène, par le désespoir de Mariane « à genoux », a des accents tragiques : « Mon père, au nom du ciel,qui connaît ma douleur...

» (v.

1279).

La jeune fille va jusqu'à brandir une menace incongrue en comédie : le suicide(v.

1285, 1291).

La scène se déroule sous les yeux d'Elmire.

Elle semble préfigurer les plaintes qui s'échapperont deslèvres d'Iphigénie (v.

1174-1220), en présence de sa mère Clytemnestre.

Comme le fera, l'héroïne de Racine, Maria-ne, suppliant « au nom du Ciel », devient tragique parce qu'elle entre dans les valeurs d'un « père absolu » (v.

589).Elle s'offre au sacrifice en proposant de se retirer en un couvent (v.

1299).

La dévotion aveuglant son père commele souci de sa gloire aveuglera Agamemnon, ce « couvent », remède traditionnel au mariage forcé, prend ici un reliefsingulier.

Comme Iphigénie, Mariane accuse avec modestie la rigueur du destin (v.

1284), et donne à sa plainte desaccents élégiaques (« Et cette vie, hélas! que vous m'avez donnée / Ne me la rendez pas, mon père, infortunée.

»v.

1285-1286).

La scène sortant du ton de la comédie, Molière l'y replonge aussitôt : ce n'est pas le glaive deCalchas que le père-roi brandit sur la tête de sa fille en pleurs, mais un contrat de mariage.

Au moment le pluspathétique, l'auteur prête à Orgon un lazzi aussi bouffon que cruel : « Allons, ferme, mon coeur, point de faiblessehumaine.

» (v.

1293).

Enfin, Elmire la rusée incline bien vite l'action vers un motif traditionnel de la farce, en. »

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