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TORTEL Jean (vie et oeuvre)

Publié le 08/11/2018

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TORTEL Jean (1904-1993). Poète, né à Saint-Saturnin-lès-Avignon (Vaucluse). Bien que refusant un « débordement de confidences-confessions, assez encombrant », il accepte de livrer les principaux jalons d’un itinéraire au sein duquel l’espace réel, sans déterminisme abusif, apparaît comme essentiel à une respiration poétique dont l’univers méridional constitue la teneur privilégiée. Ainsi, après une enfance passée à Avignon, il est, de 1926 à 1934, fonctionnaire de l’Enregistrement à Gordes où, avec Cheveux bleus (1931), il fait ses «premières gammes poétiques » — c’est en 1928 que Jean Royère avait publié son premier poème dans la revue le Manuscrit autographe. Après quatre années d’« exil » professionnel à Toul, un poste qui lui est attribué à Marseille lui permet de regagner des climats plus propices. Cette période est marquée par un profond engagement à partir de 1938 dans l’aventure des Cahiers du Sud, fondés par Jean Ballard en 1925, qui éditent en 1942 De mon vivant, et dont Jean Tortel devient, à la Libération, membre du comité de rédaction. Depuis 1964, il vit retiré près d'Avignon. En 1987, il reçoit le Grand Prix national de poésie.
 
Le titre d’un recueil de prose poétique publié en 1982, le Discours des yeux, pourrait constituer l’emblème de cette poésie qui est, consubstantiellement, travail du langage et du regard : « Et qu’avant le verbe il y ait la vue, signifie que dans un espace autonome, les mouvements dérangeants du désir tirent déjà l’objet hors du silence (hors du désert). » Les yeux, en effet, dont d’autres titres
— Naissances de l'objet (1955), Explications ou bien regard (1960), Limites du regard (1971) — soulignent le contour primordial, sont voie d’accès toujours neuve et indéfiniment renouvelée au monde car « la tâche est de voir » et « chaque regard / Est le premier ou reste aveugle » (Des corps attaqués, 1979). Ils mettent à nu et circonscrivent, dans ce « vis-à-vis avec le paysage », un espace dont l’écriture vient prendre acte :
Derrière la vitre
Tout espace est rectangulaire.
[Limites du regard]
Le travail poétique est ici de l’ordre du constat, plutôt que de la description. La nomination — « la parole une autre nudité si pure » —, comme captivée par les choses, restitue au monde sa vérité dépouillée et son évidence pure. Même la mort, envisagée sans détour, ne semble pas devoir troubler cette sérénité d’un espace problématique — car « insituable est le lieu » (cf. Arbitraires espaces, 1987) — mais accepté dans l’énigme toujours relancée des « c’est » et des « ça » :
C'est vert et bleu. Après ma mort
Ce sera vert et bleu.
(Naissances de l'objet)
Les tensions se font discrètes, effacées presque, car le poète « résiste à l'effusion ». Mais son rôle de témoin ne se confond pas avec une absence — un titre tel que Des corps attaqués manifeste cette implication totale et ses risques majeurs —, ni avec une passivité. Ainsi, le «jardin » — mot, thème, image si prégnants dans cette poésie
— n’est pas simplement paysage extérieur, ou bien faudrait-il alors parler d’une page-paysage; « humide et transformé », il est soumis au travail des « saisons » et de la « bêche », et le geste « méthodique » de transmutation poétique se mêle, pour le meilleur et pour le pire, à celui du jardinier opiniâtre :
La bêche méthodique
Tranche, éprouve, fragmente,
Dilate en avançant le sol
Taciturne que l'eau et l'air traverseront
En vue de la métamorphose [...] Un mot, mais un autre à sa place, Jardin rompu, la page déformée Et moi, l'auteur de ce dégât.
(Relations, 1968)
Cette sorte de méticulosité est aussi comme un travail d’amour du monde, et du langage.

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