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TREMBLAY Michel (vie et oeuvre)

Publié le 08/11/2018

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TREMBLAY Michel (né en 1942). Écrivain canadien d’expression française. Michel Tremblay, à dix-sept ans, écrit une pièce en un acte, le Train, qui sera primée au concours des Jeunes auteurs de Radio-Canada en 1964. La carrière du dramaturge ne commencera vraiment qu’en 1968, avec la création des Belles-Sœurs, pièce écrite trois ans plus tôt.

 

Le succès de cette pièce est d’abord lié à un certain effet de scandale, Tremblay utilisant une langue populaire proche du jouai montréalais bien identifié par les linguistes mais qu'on jugeait inconvenant sur scène. Scandale d’une peinture réaliste de la société québécoise, dont les valeurs les plus sacrées — l’amour, la famille, la religion — sont systématiquement avilies, ramenées aux manifestations d'une sexualité réprimée, impuissante ou bestiale. Œuvre choc, dont on ne tarda pas à reconnaître qu’elle était une nécessaire révélation (et dénonciation) du réel social, en même temps qu’une pièce novatrice par l’ingénieuse utilisation des chœurs et des monologues, par l’étonnante efficacité d’un langage direct jusqu’à la vulgarité, mais chargé d'une profonde sympathie pour ces personnages démunis. Cette pièce marque un tournant majeur dans l'histoire du théâtre québécois.

 

Le cycle amorcé par les Belles-Sœurs comprendra onze pièces, et se terminera, en 1977, avec une pièce à deux personnages opposés et complémentaires. Damnée Manon, sacrée Sandra : par cette étrange rencontre, d’un travesti dont l’amant est un jeune dieu et d’une dévote dont les élans mystiques témoignent d’un érotisme inavoué, le dramaturge a « voulu prouver que la religion et le sexe proviennent d’un même besoin d’absolu ». A la vérité, cette préoccupation traverse le cycle tout entier, mettant l’accent tantôt sur les divers travestissements d’une morale vécue sur le mode du refoulement tragique ou de la transgression — celle des homosexuels, dans Hosanna, la Duchesse de Langeais (1970) ou Damnée Manon, sacrée Sandra —, tantôt sur des atavismes étouffants où les valeurs morales conduisent à une aliénation suicidaire. A toi pour toujours, ta Marie-Lou (1971), « cantate cheap » à quatre voix astucieusement construite sur une confrontation, au-delà de la mort, entre les parents et leurs deux filles, représente un sommet tragique. Dans cet univers où les tentatives de libération semblent vouées à l’échec, certains personnages incarnent tout de même un espoir. Ainsi Carmen, qui, dans A toi pour toujours, ta Marie-Lou, affirme avec force sa détermination de « s’en sortir » : on la retrouvera dans Sainte Carmen de la Main (1976) — cette Main (street) où elle sera tuée pour avoir tenté de « sauver » les prostituées et les travestis. Mais c’est avec Bonjour, là, bonjour! (1974) que Tremblay a sans doute poussé le plus loin ce thème de la libération, en montrant un amour incestueux entre frère et sœur, s’opposant à l’hypocrisie familiale et sociale. Cet amour est aussi lié à une quête du père par le fils : latente dans cette œuvre largement dominée par les femmes — « il n’y a pas d’hommes au Québec », répète volontiers Tremblay —, cette quête semble profondément liée à l’image d’une famille québé coise désintégrée, en quelque sorte remplacée par une grande famille de marginaux.

 

Dominant la scène québécoise depuis 1968, les pièces de Tremblay ont été représentées au cours de plusieurs tournées dans les pays francophones depuis 1973 (les Belles-Sœurs, jouées à l'Espace Cardin de Paris, furent acclamées comme la meilleure pièce étrangère de l’année). Traduites en anglais pour la plupart, elles ont été jouées dans plusieurs villes canadiennes et américaines.

 

Dramaturge prolifique (l'impromptu d'Outremont, 1980; les Anciennes Odeurs, 1981; Alhertine en cinq temps, 1984; le Gars du Québec, 1985; Du vrai monde, 1987), Michel Tremblay poursuit en même temps une carrière de romancier. Contes pour buveurs attardés (1966) et la Cité dans l'œuf, roman fantastique paru en 1969, n’ont guère connu de succès. Avec C't'à ton tour, Laura Cadieux (1973), on retrouve pour la première fois dans l’univers romanesque des personnages qui ressemblent à ceux que nous a présentés la scène. Ces ressemblances s’accentuent avec le « Cycle du Plateau Mont-Royal » qu’inaugurait, en 1979, La grosse femme d'à côté est enceinte, suivie, en 1980, de Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges. Ces deux romans, qui ont connu un grand succès, comptent parmi les plus marquants des dernières années. Deux autres écrits, la Duchesse et le Roturier (1982), des Nouvelles d'Edouard (1984), complètent une fresque sociale datée de 1942 (année de la naissance de l'auteur), dont l'action se situe dans ce quartier de l’Est montréalais d’où sont issus et où vivent les personnages qui peuplent le théâtre de Tremblay. [Voir aussi Québec (littérature du — et de l’Acadie)].

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