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utopie

Publié le 20/10/2012

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Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap utopie et romantisme révolutionnaire chez ernst bloch michael löwy J'ai eu la chance de connaître Ernst Bloch personnellement. Notre rencontre a eu lieu en 1974, dans son appartement à Tübingen, situé non loin de l'école (le Stift) où - comme il aimait souvent le rappeler dans ses écrits - en 1789, les jeunes Hegel, Schelling et Hölderlin ont planté un arbre de la liberté pour fêter la Révolution française. Il était déjà agé de 89 ans, pratiquement aveugle, mais d'une impressionnante lucidité. Parmi ses remarques, lors de notre entretien, il y en a une qui m'a beaucoup frappé et qui résume la fidélité obstinée de toute une vie à l'idée de l'utopie : " Le monde tel qu'il existe n'est pas vrai. Il existe un deuxième concept de vérité, qui n'est pas positiviste, qui n'est pas fondé sur une constatation de la facticité (...) ; mais qui est plutôt chargé de valeur (Wertgelanden), comme par exemple dans le concept ' un vrai ami ', ou dans l'expression de Juvenal Tempestas poetica - c'est-à-dire une tempête telle qu'elle se trouve dans le livre, une tempête poétique, telle que la réalité ne la connaît jamais, une tempête menée jusqu'au bout, une tempête radicale. Donc une vraie tempête, dans ce cas par rapport à l'esthétique, à la poésie ; dans l'expression ' un véritable ami ', par rapport à la sphère morale. Et si cela ne correspond pas aux faits - et pour nous marxistes, les faits ne sont que des moments réifiés d'un procès, et rien de plus - dans ce cas-là, tant pis pour les faits (um so schlimmer für die Tatsachen), comme le disait le vieux Hegel ".1 ---------------- 1 J'ai publié cet entretien en annexe de mon livre Pour une sociologie des intellectuels révolutionnaires. L'évolution politique de Lukacs 1909-1929, Paris, Presses Universitaires de France, 1976, p. 294. [ 81 ] Les références ici sont latines et germaniques, mais on ne peut pas s'empêcher de penser, en lisant ces paroles, à une vieille qualité juive, parfaitement décrite par un terme hébreu et yiddish bien connu : la chutzpa, c'est-à-dire, en traduction française très approximative, le culot, l'insolence, le défi. Le rêve éveillé de l'utopie est au coeur de la réflexion de Bloch depuis ses premiers écrits, L'esprit de l'utopie de 1918 et Thomas Münzer, théologien de la révolution de 1921. Une dimension romantique est très présente dans ces oeuvres, à la fois par la critique radicale et impitoyable de la civilisation industrielle/bourgeoise et par la référence à des traditions du passé, notamment r eligieuses. Sa réflexion puise à des multiples sources spirituelles, parmi lesquelles le messianisme juif occupe une place de choix. Dans un chapitre intitulé " Les juifs comme symbole " de L'esprit de l'utopie il célèbre la religion juive comme celle qui a la vertu essentielle d'être " construite sur le Messie, sur l'appel au Messie ". C'est cette croyance qui fait la continuité historique du " peuple des Psaumes et des prophètes " et qui inspire, au début du xxe siècle " le réveil de la fierté d'être juif ". Selon Bloch, Jésus était un vrai prophète juif, mais il n'était pas le vrai Messie : le " Messie lointain ", le Sauveur , le " dernier Christus, encore inconnu ", n'est pas encore advenu.2 L'utopie révolutionnaire chez Bloch - comme chez Walter Benjamin - est inséparable d'une conception messianique/millénariste de la temporalité, opposée à tout gradualisme du progrès : écrivant sur Thomas Münzer et la guerre des paysans du xvie siècle, il observe : " ce n'était point pour des temps meilleurs que l'on menait le combat mais pour la fin de tous les temps... l'irruption du Royaume ". Sa démarche est curieusement " synchrétique ", à la fois juive et chrétienne - comme par exemple dans cet autre passage du livre sur Münzer, qui compare le Troisième Évangile de Joachim de Flore, le millénarisme desError: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar bloc...

« [ 82 ] Les références ici sont latines et germaniques, mais on ne peut pas s’empêc\ber de penser, en lisant ces paroles, à une vieille qualité juive, parfaitement décrite par un terme \bébreu et yiddis\b bien connu : la chutzpa, c’est-à-dire, en traduction française très approximative, le culot, l’insolence, le défi. Le rêve éveillé de l’utopie est au cœur de la réflexion de Bloc\b depuis ses premiers écrits, L’esprit de l’utopie de 1918 et Thomas Münzer, théologien de la révolution de 1921.

Une dimension romantique est très présente dans ces œuvres, à la fois par la critique radicale et impitoyable de la civilisation industrielle/bourgeoise et par la référence à des tradi- tions du passé, notamment religieuses.

Sa réflexion puise à des multiples sources spirituelles, parmi lesquelles le messianisme juif occupe une place de c\boix.

Dans un c\bapitre intitulé “ Les juifs comme symbole ” de L’esprit de l’utopie il célèbre la religion juive comme celle qui a la vertu essentielle d’être “ construite sur le Messie, sur l’appel au Messie ”.

C’est cette croyance qui fait la continuité \bistorique du “ peuple des Psaumes et des prop\bètes ” et qui inspire, au début du xxe siècle “ le réveil de la fierté d’être juif ”.

Selon Bloc\b, Jésus était un vrai prop\bète juif, mais il n’était pas le vrai Messie : le “ Messie lointain ”, le Sauveur , le “ dernier C\bristus, encore inconnu ”, n’est pas encore advenu. 2 L’utopie révolutionnaire c\bez Bloc\b – comme c\bez Walter Benjamin – est inséparable d’une conception messianique/milléna\vriste de la temporalité, opposée à tout gradualisme du progrès : écrivant sur T\bomas Münzer et la guerre des paysans du xvi e siècle, il observe : “ ce n’était point pour des temps meilleurs que l’on menait le combat mais pour la fin de tous les temps… l’irruption du Royaume ”.

Sa démarc\be est curieusement “ sync\brétique ”, à la fois juive et c\brétienne – comme par exemple dans cet autre passage du livre sur Münzer, qui compare le Troi- sième Évangile de Joac\bim de Flore, le millénarisme des paysans ana- baptistes et le messianisme des kabbalistes de Safed (Tsfat) qui attendent, au nord du lac de Tibériade “ le vengeur messianique, le destructeur de cet Empire et de cette Papauté… le restaurateur d’Olam-ha-Tikkun, vé- ritable Royaume de Dieu… ”.

Il ne s’agit pas seulement d’\bistoire : Bloc\b croit, en 1921, à l’imminence, en Europe, d’un c\bangement révolution- naire, qu’il décrit dans un langage juif-messianique comme la Princesse Sabbat qui apparaît, encore cac\bée derrière une mince muraille craque- lée, tandis que “ \baut dressée sur les décombres d’une civilisation rui- née… s’élève l’esprit de l’indéracinable utopie ”. 3 ————————2 E.Bloc\b, Geist der Utopie, Munic\b-Leipzig, Duncker & Humblot, 1918, pp.323, 331-332.

(Voir à ce sujet le \vbeau livre d’Arno Münster, Figures de l’utopie chez Ernst Bloch, Paris, Aubier, 1985).. »

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