utopie
Publié le 20/10/2012
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Les références ici sont latines et germaniques, mais on ne peut
pas s’empêc\ber de penser, en lisant ces paroles, à une vieille qualité
juive, parfaitement décrite par un terme \bébreu et yiddis\b bien connu : la
chutzpa, c’est-à-dire, en traduction française très approximative, le culot,
l’insolence, le défi.
Le rêve éveillé de l’utopie est au cœur de la réflexion de Bloc\b
depuis ses premiers écrits, L’esprit de l’utopie de 1918 et Thomas Münzer,
théologien de la révolution de 1921.
Une dimension romantique est très
présente dans ces œuvres, à la fois par la critique radicale et impitoyable
de la civilisation industrielle/bourgeoise et par la référence à des tradi-
tions du passé, notamment religieuses.
Sa réflexion puise à des multiples
sources spirituelles, parmi lesquelles le messianisme juif occupe une
place de c\boix.
Dans un c\bapitre intitulé “ Les juifs comme symbole ” de
L’esprit de l’utopie il célèbre la religion juive comme celle qui a la vertu
essentielle d’être “ construite sur le Messie, sur l’appel au Messie ”.
C’est
cette croyance qui fait la continuité \bistorique du “ peuple des Psaumes et
des prop\bètes ” et qui inspire, au début du
xxe siècle “ le réveil de la fierté
d’être juif ”.
Selon Bloc\b, Jésus était un vrai prop\bète juif, mais il n’était
pas le vrai Messie : le “ Messie lointain ”, le Sauveur , le “ dernier C\bristus,
encore inconnu ”, n’est pas encore advenu.
2
L’utopie révolutionnaire c\bez Bloc\b – comme c\bez Walter
Benjamin – est inséparable d’une conception messianique/milléna\vriste
de la temporalité, opposée à tout gradualisme du progrès : écrivant sur
T\bomas Münzer et la guerre des paysans du
xvi e siècle, il observe : “ ce
n’était point pour des temps meilleurs que l’on menait le combat mais
pour la fin de tous les temps… l’irruption du Royaume ”.
Sa démarc\be est
curieusement “ sync\brétique ”, à la fois juive et c\brétienne – comme par
exemple dans cet autre passage du livre sur Münzer, qui compare le Troi-
sième Évangile de Joac\bim de Flore, le millénarisme des paysans ana-
baptistes et le messianisme des kabbalistes de Safed (Tsfat) qui attendent,
au nord du lac de Tibériade “ le vengeur messianique, le destructeur de
cet Empire et de cette Papauté… le restaurateur d’Olam-ha-Tikkun, vé-
ritable Royaume de Dieu… ”.
Il ne s’agit pas seulement d’\bistoire : Bloc\b
croit, en 1921, à l’imminence, en Europe, d’un c\bangement révolution-
naire, qu’il décrit dans un langage juif-messianique comme la Princesse
Sabbat qui apparaît, encore cac\bée derrière une mince muraille craque-
lée, tandis que “ \baut dressée sur les décombres d’une civilisation rui-
née… s’élève l’esprit de l’indéracinable utopie ”.
3
————————2 E.Bloc\b, Geist der Utopie, Munic\b-Leipzig, Duncker & Humblot, 1918, pp.323, 331-332.
(Voir à ce sujet le \vbeau livre d’Arno Münster, Figures de l’utopie chez Ernst Bloch, Paris,
Aubier, 1985)..
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