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VAUTHIER Jean : sa vie et son oeuvre

Publié le 11/11/2018

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VAUTHIER Jean (1910-1992). Lors de la reprise de Capitaine Bada (1952) par Marcel Maréchal en 1966 et de celle du Personnage combattant (1955) par Jean-Louis Barrault en 1971, on put s’apercevoir que les pièces de Jean Vauthier avaient traversé sans dommage les quinze années qui les séparaient de leurs dates de création respectives, conservant intactes l’originalité et la force qui avaient alors assuré leur succès.

 

L'œuvre ne retient pas grand-chose de la trame de l’existence quotidienne vécue par l'auteur. Tout au plus relèvera-t-on que le scénario du film les Abysses (1963), inspiré de l'histoire des sœurs Papin, situe l'action dans la région bordelaise, où Jean Vauthier, né à Liège, en Belgique, a vécu à partir de 1921. En outre, le personnage de Simon, le producteur de radio dans le Rêveur ( 1960), témoigne peut-être du souvenir de personnes rencontrées lorsque Vauthier fut maquettiste à l'Agence Havas, puis rédacteur et dessinateur au journal Sud-Ouest. Enfin, ce n'est sans doute pas un hasard si cet homme, obligé après la mort de son père en 1944 de subvenir aux besoins de sa famille, avec la lourde charge, notamment morale, d’un frère aîné devenu paralytique à la suite d'un accident, met fréquemment en scène des créateurs empêchés de réaliser leurs projets. Bada est étouffé par la tendresse d’Alice; le « personnage combattant » ne parvient pas à retrouver l’inspiration de sa jeunesse; Georges, le « rêveur », se heurte à l’incompréhension et à l’absence de scrupules du couple formé par Simon et Laurette; Marc, dans les Prodiges (1958), n’a pas d'ambition littéraire, mais, à cause, entre autres, de sa vieille nourrice Berthe, il ne peut vivre avec Gilly la belle histoire d’amour à laquelle il aspire.

Jean Vauthier est un auteur dramatique qui n’accepte pas les privilèges — à son avis exorbitants — que se sont octroyés les metteurs en scène au cours du XXe siècle. Hanté par la crainte que ceux-ci interprètent à leur guise les textes qu’il écrit, il multiplie les indications scéniques extrêmement précises et même les commentaires, scène après scène, avant de lutter pied à pied pendant les répétitions. Selon lui, « le travail de l’auteur, dans les nouvelles orientations du théâtre, ne s’arrête qu’après la bonne interprétation de son œuvre; il n'existe presque pas jusque-là ».

 

Sa prétention n’est pas excessive, dans la mesure où, un peu à la manière d’Antonin Artaud, il compose patiemment un texte théâtral qui veut être total, c’est-à-dire qui intègre, à côté des paroles, les cris, les sons et les gestes, l’ensemble constituant une véritable partition, que l’acteur interprétera avec autant — mais pas plus — de liberté que le musicien jouant une œuvre musicale.

« historique de Marlowe.

En revanche, de la Médée ( 1967) de Sénèque, de Roméo et Juliette ( 1971) ou du Roi Le ar (1984) de Shakespeare, et d'Arden de Faversham il pro­ pose des versions qui sont fidèles aux originaux tout en faisant preuve d'une originale qualité d'écriture.

Qu'ils soient empruntés à d'autres ou inventés, les héros de Jean Vauthier sont toujours héroïques, car ils manifestent une volonté de dépassement.

René Dupont, dit «Bada», est un martyr de l'idéal, avec ses dix-huit mille pages à écrire.

Raymond Ducousso, alias « le per­ sonnage combattant », ne se satisfait pas des succès faci­ les remportés par ses derniers romans.

Georges -le « rêveur >> - ne veut pas oublier le rêve intense et magnifique qu'il a fait.

Ces chercheurs de sublime évo­ luent dans un monde qui leur est hostile, mais qui n'a rien de particulièrement contemporain.

S'ils appartien­ nent à notre époque, c'est surtout parce que leurs tentati­ ves ne se donnent libre cours qu'à travers la parole et à travers un discours mimé qui est déjà du théâtre.

Bada n'hésite pas, trois heures durant, à user du calembour comme de la métaphore lyrique, poussant à bout la logi­ que du personnage de théâtre, qui n'existe que pour autant qu'il parle.

Moins comique, le romancier duPer­ sonnage combattant tente d'utiliser la magie des mots pour appeler les objets à son secours, et il ne comprend la vanité de son désir de retour en arrière qu'après l'in­ tervention brutale d'un mystérieux garçon d'étage, venu interrompre son long soliloque.

Georges, dans le Rêveur, n'est pas seulement un poète attaché à un songe, c'est aussi un remarquable comédien et un metteur en scène qui s'efforce de diriger Simon et Laurette.

Le théâtre dans le théâtre apparaît d'ailleurs explicitement avec le Sang (1970), puisque Vendice, le héros de la Tragédie du vengeur de Cyril Tourneur, devient Angelo, un acteur et un régisseur aussi mégalomape que Bada, et avec Ton nom dans le feu des nuées, Elisabeth (1976), où une actrice nous est présentée incarnant, devant une équipe de la télévision, le fantôme de 1' épouse meurtrière créée par l'auteur anonyme d'Arden de Faversham.

La parole et le théâtre sortent grandis de cette incarna­ tion en des personnages qui en font un usage immodéré et dont l'auteur sait souligner les innombrables faibles­ ses.

Leur toute-puissance est en effet complète : non seu­ lement ils auront permis à ces êtres d'exister pendant quelques heures, mais encore ils leur auront fourni l'oc­ casion- si rare par ailleurs, selon Jean Vauthier -de se montrer intransigeants.

Rendus complémentaires par un patient travail, ils ont permis à l'auteur d'atteindre son objectif: « ne pas faire une œuvre de bibliothèque hors du sang battant ».

BIBLIOGRAPHIE Robert Abirached, Jean Va uth ier, Paris, Seghers, «Théâtre de tous les temps>>, 1973; Geneviève Serreau, «Jean Vau th ier >>, dans Histoire du nouveau théâtre, Paris, N.R.F., «Idées>>, 19 66 , p.

138-142; Cahiers Renaud-Barrault, n° 76 (consacré à Jean V au th ie r) , 2• trimestre 1971.. »

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