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Vers de Mathurin Régnier à Monsieur le Marquis de Coeuvres

Publié le 13/02/2012

Extrait du document

Marquis, que dois-je faire, en cette incertitude? (doy-je, ceste)

Dois-je, las de courir, me remettre à l'étude, (doy-je, estude)

Lire Homère, Aristote, et, disciple nouveau,

Glaner ce que les Grecs ont de riche et de beau,

Reste de ces moissons que Ronsard et Desportes

Ont remporté du champ sur leurs épaules fortes, (espaules)

Qu'ils ont comme leur propre en leur grange entassé,

Egalant leurs honneurs aux honneurs du passé? (esgalant)

Ou si, continuant à courtiser mon maître, (maistre)

Je me dois jusqu'au bout d'espérance repaître,. (doy, repaistre)

Courtisan morfondu, frénétique et rêveur, (resveur)

Portrait de la disgrâce et de la défaveur; (disgrace)

Puis, sans avoir du bien, troublé de rêverie, (resverie)

Mourir dessus un coffre en nue hôtellerie, (hostellerie)

En Toscane, en Savoie ou en quelque autre lieu, (Savoye)

Sans pouvoir faire paix ou trêve avecque Dieu? (tresve)

Sans parler je t'entends : il faut suivre l'orage;

Aussi bien on ne peut où choisir avantage.

Nous vivons à tâtons, et dans ce monde ici (tastons, icy)

Souvent avec travail on poursuit du souci : (avecq')

Car les dieux, courroucés contre la race humaine, (courroussez)

Ont mis avec les biens la sueur et la peine, (avecq')

Le monde est un brelan où tout est confondu :

Tel pense avoir gagné qui souvent a perdu, (gaigné)

Ainsi qu'en une blanque où par hasard on tire, (hazard)

Et qui voudrait choisir prendrait souvent le pire. (voudroit, prendroit)

Tout dépend du destin, qui, sans avoir égard, (despend, esgard)

Les faveurs et les biens en ce monde départ, (despart).

François-Annibal d'Estrées, frère de la trop fameuse Gabrielle, duchesse de Beaufort, était du même âge que Mathurin Régnier. Evêque de Noyon à 21 ans (1594), il abandonna son évêché à la mort de son amé, et prit le nom de marquis de Coeuvres. Quand lui furent dédiés ces vers (1603 ou 1604) il exerçait les fonctions de lieutenant général du roi et gouverneur de Laon, résidant le plus souvent à Paris. Il devint, dans la suite, deux fois ambassadeur à Rome (1621 et 1636), maréchal de France en 1636, duc et pair, en 1648, gouverneur de l'Ile de France en 1654. A 93 ans, il se remaria en troisièmes noces et mourut à 97 ans....

« mule par avance : L'homme ici-bas marche a tastons...

« it faut suivre l'orage >.

- Conclusion.

Au lieu de choisir, risquant de prendre le pire, abandonnons-nous a l'aveugle destin. Introduction.

Elle est simple, directe, brusque et temoigne d'une entiere franchise, d'une confiance absolue.

C'est l'ami embarrasse, malchanceux, qui questionne l'ami a .qui tout a reussi.

Cette incertitude est celle dans laquelle it se debat presentement et dont it a déjà sans doute entretenu le marquis. Premiere partie.

Elle est tres interessante, car elle situe Regnier dans notre histoire litteraire, le catalogue parmi les esprits de son temps.

Il se rappelle ce qui se passait cinquante ans plus tot au college Coqueret, comment Pierre de Ronsard qui, lui aussi, avait accompagne dans les tours etrangeres les ambassadeurs francais, se remit a l'etude (v.

2); it se souvient de l'enthousiasme allume dans nixie des jeunes hellenistes par le maitre Dorat.

Il condense en deux noms : Homere et Aristote (v.

3) toute la beaute poetique et toute la sagesse de in Grece, mere des arts et de la philosophie.

Il se demande s'il ne doit pas, disciple nouveau (v.

3) c'est-h-dire venu apres tant d'autres, glazier (v.

4) dans le champ (v.

6) qui porta tant d'opu- lentes moissons (v.

5), puffs entasser les epis ramasses dans sa grange (v.

7) a lui, comme son bien propre, a l'instar de Ronsard et Desportes.

La meta- phore glaner = recueillir les epis oublies sur le sol apres la recolte, se prolonge logiquement et harmonieusement jusqu'a grange. On est d'abord quelque peu surpris de voir Desportes mis sur un .meme pied que Ronsard (v.

5), le pygmee compare au geant, le genie transcendant au talent mediocre.

Tout s'explique, si l'on songe a la parent& de Regnier. Desportes est le frere de sa mere; c'est le grand homme de la famille, «le mieux rente des beaux esprits A.

II doit beaucoup a cet oncle indulgent qui lui pardonne ses frasques, le recommande aux puissants de ce monde, et dont le s potage vaut mieux que les Psaumes >.

L'association des deux noms n'a d'ailleurs rien de surprenant a cette epoque, puisque, soixante- dix ans plus tard, Boileau reconnaitra Desportes et Bertaut pour disciples de Ronsard, « plus retenus » que leur maitre.

Le champ dont park ici le poke, ce sont les genres anciens, rehabilites par du Bellay, dans la Deffence et Illustration de la Langue frangoise et cultives par la Pleiade et les « ronsardisants 1>, en particulier I'ode. Oir ses devanciers ont moissonne, Regnier ne peut guere que glaner.

Veut-il entendre par lit qu'il s'adonnera au seul genre que n'ont point cultive Ronsard, ses compagnons et ses successeurs : la Satire? Certains commen- tateurs l'ont pense, et c'est tres vraisemblable.

La moisson, d'ordinaire, se charge sur des chars ad hoc tires par des chevaux ou des bceufs, tandis que les glanes peuvent, a la rigueur, etre portees sur les epaules.

Cette expression imagee n'a pour but que de mettre en relief la puissance du genie de R.

et de D.

Passe pour le premier! - Propre (v.

7), adjectif substantive, pour propriete, bien personnel, s'em- ploie toujours avec le verbe posseder...

en propre.

L'inversion est large- ment pratiquee par les versificateurs du xvie siècle.

Malherbe protestera, mais sans grand succes.

Entasse se rapporte a reste, au moyen du pronom relatif qui, en tete du vers 7.

Le reve de la Pleiade et des auteurs du xviie siècle c'est d'egaler et, si possible, de surpasser les Anciens en les imitant.

Leurs honneurs (v.

8) equivaut ici a leur gloire, leur renommee, plat& que distinctions venant du pouvoir royal.

La repetition de honneurs est une a tournure poetique une figure de style.

Nous pouvons déjà 'constater, dans cette premiere partie, que Regnier a ete fortement marque par la Renaissance, qu'il admire sincerement l'anti- quite, et ne voit guere d'autre moyen de se distinguer qu'en suivant le meme chemin que son oncle.

11 le dira un peu plus tard a Malherbe : Je vay le grand chemin que mon oncle m'aprit. Nous remarquons aussi la franchise et la nettete de la langue, la regula- rite des alexandrins, l'ampleur de la phrase (la 2' comprend 7 vers) et son agencement logique. mule par avance : L'homme ici-bas marche à tastons...

«il faut suivre l'orage».

- Conclusion.

Au lieu de choisir, risquant de prendre le pire, abandonnons-nous à l'aveugle destin.

* ** Introduction.

Elle est simple, directe, brusque et témoigne d'une entière franchise, d'une confiance absolue.

C'est l'ami embarrassé, malchanceux, qui questionne l'ami à qui tout a réussi.

Cette incertitude est celle dans laquelle il se débat présentement et dont il a déjà sans doute entretenu le marquis.

.

Premiere partie.

Elle est très intéressante, car elle situe Régnier dans notre histoire littéraire, le catalogue parmi les esprits de son temps.

Il se rappelle ce qui se passait cinquante ans plus tôt au collège Coqueret, comment Pierre de Ronsard qui, lui aussi, avait accompagné dans les cours étrangères les ambassadeurs français, se remit à l'étude (v.

2); il se souvient de l'enthousiasme allumé dans l'âme des jeunes hellénistes par le maître Dorat.

Il condense en deux noms : Homère et Aristote (v.

3) toute la beauté poétique et toute la sagesse de la Grèce, mère des arts et de la philosophie.

Il se demande s'il ne doit pas, disciple nouveau (v.

3) c'est-à-dire venu après tant d'autres, glaner (v.

4) dans le champ (v.

6) qui porta tant d'opu­ lentes moissons (v.

5), puis entasser les épis ramassés dans sa grange (v.

7) à lui, comme son bien propre, à l'instar de Ronsard et Desportes.

La méta­ phore glaner = recueillir les épis oubliés sur le sol apres la récolte, se prolonge logiquement et harmonieusement jusqu'à grange.

On est d'abord quelque peu surpris de voir Desportes mis sur un même pied que Ronsard (v.

5), le pygmée comparé au géant, le génie transcendant au talent médiocre.

Tout s'explique, si l'on songe à la parenté de Régnier.

Desportes est le frère de sa mère; c'est le grand homme de la famine, «le mieux renté des beaux esprits ».

Il doit beaucoup à cet oncle indulgent qui lui pardonne ses frasques, le recommande aux puissants de ce monde, et dont le «potage vaut mieux que les Psaumes».

L'association des deux noms n'a d'ailleurs rien de surprenant à cette époque, puisque, soixante­ dix ans plus tard, Boileau reconnaîtra Desportes et Bertaut pour disciples de Ronsard, « plus retenus » que leur maître.

Le champ dont parle ici le poète, ce sont les genres anciens, réhabilités par du Bellay, dans la Deffence et Illustration de la Langue françoise et cultivés par la Pléiade et les « ronsardisants », en particulier l'ode.

Où ses devanciers ont moissonné, Régnier ne peut guère que glaner.

Veut-il entendre par là qu'il s'adonnera au seul genre que n'ont point cultivé Ronsard, ses compagnons et ses successeurs : la Satire? Certains commen­ tateurs l'ont pensé, et c'est très vraisemblable.

La moisson, d'ordinaire, se charge sur des chars ad hoc tirés par des chevaux ou des bœufs, tandis que les glanes peuvent, à la rigueur, être portées sur les épaules.

Cette expressiojl imagée n'a pour but que de mettre en relief la puissance du génie de R.

et de D.

Passe pour le premier! - Propre (v.

7), adjectif substantivé, pour propriété, bien personnel, s'em­ ploie toujours avec le verbe posséder...

en propre.

L'inversion est large­ ment pratiquée par les versificateurs du xv1• siècle.

Malherbe protestera, mais sans grand succès.

Entassé se rapporte à reste, au moyen du pronom relatif qui, en tête du vers 7.

Le rêve de la Pléiade et des auteurs du xvn• siècle c'est d'égaler et, si possible, de surpasser les Anciens en les imitant.

Leurs honneurs (v.

8) équivaut ici à leur gloire, leur renommée, plutôt que distinctions venant du pouvoir royal.

La répétition de honneurs est une « tournure poétique », une figure de style.

Nous pouvons déjà 'constater, dans cette première partie, que Régnier a été fortement mar. »

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