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VIAN Boris (1920-1959) : sa vie et son oeuvre

Publié le 13/11/2018

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VIAN Boris (1920-1959). Ingénieur, journaliste, chansonnier, dramaturge, romancier, musicien, comédien, etc., nommé Équarrisseur de première classe par le Collège de pataphysique, Boris Vian occupe au Panthéon littéraire une place insolite : peu connu à l’étranger (du fait des difficultés linguistiques suscitées par la traduction de son œuvre), méconnu de son vivant en tant qu’é-crivain, il est, à partir des annés 60, considéré à titre posthume comme le chantre de la jeunesse du Saint-Germain-des-Prés authentique. Désormais édité — et réédité en éditions de poche —, lu et admiré par un public de plus en plus large, il entre — timidement, comme tous les auteurs inclassables et qui dérangent — dans les programmes scolaires, et son œuvre est abondamment disséquée par les exégètes contemporains, comme en témoigne le colloque qui lui a été consacré en 1976 à Cerisy.
 
Son écriture, nourrie de références culturelles, est parfois difficile d’accès. Parmi ses romans, seule P Écume des jours (1947) comporte une structure narrative et un pathétique conformes à l’attente du lecteur. Quant à J’irai cracher sur vos tombes, roman publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, il doit l’essentiel de son succès au scandale qu’il déclencha, lors de sa parution en 1946 [voir Mystification littéraire]. Sans nier la part d’intellectualisme, voire de snobisme et de parisianisme que comporte l’œuvre de Boris Vian, force est de reconnaître que celle-ci, issue d’une imagination canularesque — comme ce fut le cas pour Alfred Jarry —, a su rejoindre, par sa fantaisie destructrice, la sensibilité et les préoccupations d’une jeunesse qu’écœuraient les valeurs établies et les maîtres chargés de les soutenir.
 
Un centralien doué
 
Boris Vian est né à Ville-d’Avray (cf. Vercoquin et le plancton, publié en 1947). Il y vit une enfance heureuse dans la propriété familiale. Puis des revers de fortune contraignent les Vian à vendre leur maison et à habiter des appartements de plus en plus modestes (cf. les Bâtisseurs d’Empire et l’épuisement des « doublezons » dans P Écume des jours). Au lycée Condorcet, à Paris, Boris Vian travaille en même temps la trompette et se passionne pour le jazz (à partir de 1947, il collaborera à la revue Jazz-hot\\ cf. En avant la zizique, publié en 1958). Il entre à l’École centrale en 1939 et devient ingénieur à l’Association française de normalisation en 1943 (la critique de la bureaucratie paperassière et de la normalisation transparaît dans la quasi-totalité de son œuvre). 11 fait la connaissance à Capbrcton de Michelle Léglise, qu’il épousera en 1941, et de Jacques Loustalot («le Major » dans diverses nouvelles et dans Vercoquin). Son père meurt accidentellement en 1944. En 1946, Boris Vian collabore, entre autres, aux Temps modernes («chronique du menteur»). Après le scandale de J'irai cracher sur vos tombes, il publie, sous son nom, l’Écume des jours, puis T Automne à Pékin (1947) influencé par Ionesco et par Queneau, son ami depuis 1945, qu’il rejoindra en 1952 au Collège de pataphysique. Il devient le trompette et l’animateur d’une célèbre boîte de Saint-Germain-des-Prés, le « Tabou ». Et on tuera tous les affreux, qui s’inspire, comme J'irai cracher sur vos tombes, du «roman noir» (hard boiled) américain, est le dernier roman qui paraîtra sous le nom de Vernon Sullivan (1948). Vian divorce en 1952; en 1953, il publie le roman l'Arrache-Cœur, en 1954, il se remarie avec Ursula Kubler. Il rédige la plupart des poèmes qui seront réunis dans Je voudrais pas crever (posth., 1962). Au cours de diverses tournées en province, il chante, notamment « le Déserteur », qui provoque des remous et est interdit; il écrit des comédies musicales, des scénarios et joue quelques rôles dans divers films. Il crée deux opéras : le Chevalier de neige, musique de Georges Delerue, à Nancy, en 1957; Fiesta, musique de Darius Milhaud, à Berlin, en 1959. A la suite d’un œdème pulmonaire, Boris Vian meurt à trente-neuf ans.

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« dernier roman qui paraîtra sous le nom de VERNON SULLI­ VAN (1948)_ Vian divorce en 1952; en 1953, il publie le roman l'Arrache-Cœur; en 1954, il se remarie avec Ursula Kubler_ Il rédige la plupart des poèmes qui seront réunis dans Je voudrais pas crever (posth_, 1962).

Au cours de diverses tournées en province, il chante, notam­ ment « le Déserteur», qui provoque des remous et est interdit; il écrit des comédies musicales, des scénarios et joue quelques rôles dans divers films.

Il crée deux opé­ ras : le Chevalier de neige, musique de Georges Delerue, à Nancy, en 1957; Fiesta, musique de Darius Milhaud, à Berlin, en 1959.

A la suite d'un œdème pulmonaire, Boris Vian meurt à trente-neuf ans.

Un monde inversé L'univers de Boris Vian n'est pas un univers fantasti­ que au sens où l'on entend ce mot dans les récits de science-fiction.

C'est néanmoins un univers surnaturel, dans lequel le lecteur se trouve sans cesse mis en pré­ sence d'êtres .Stranges, d'événements merveilleux et de situations absurdes.

A la suite de Jean Cocteau ou même des premiers dadaïstes, Boris Vian commence par poéti­ ser toute chosf en débarrassant le quotidien de sa gangue de banalité.

A in si Je Major, qui a quitté un instant sa voiture du regard, la retrouvera-t-il en train de «brouter J'herbe au pi�d d'un pommier» ( « les Remparts du Sud>> , dans le Loup-garou, posth., 1964)_ Les moindres gestes (ouvrir une porte, se raser, saluer quelqu'un) deviennent véritablement épiques.

Le décor lui-même participe à cette dérision burlesque : tantôt Boris Vian décrit avec une minutie caricaturale les objets les plus courants, tantôt il invente un paysage purement imagi­ naire, fleuri de et peuplé de «boucs de Sodome » ou de« maliettes >>(l'Arrache-Cœur).

Cet uni­ vers invraisemblable, qui n'est pas dénué d'intentions ironiques, est visiblement une création de langage, et correspond à une poétique.

La parodie de la littérature « sérieuse », et plus particulièrement des romans réalis­ tes, transparaît à chaque page.

Mais Boris Vian ne se contente pas de démythifier l'institution littéraire et de remettre en question les valeurs établies.

Il anime aussi un monde plein de fantaisie et de fraîcheur, plus proche du non-sens d'un Lewis Carroll que de la métaphysique de l'absurde-- produit typiquement français : ainsi les métamorphoses sont-elles fréquentes (le loup en homme, le Loup-garo..t; le psychanalyste en chat, l'Arrache­ Cœur, etc.), et les animaux, comme la souris de l'Écume des jours, jou•!nt un rôle en tout point identique à celui des êtres humains_ L'anthropomorphisme se glisse jus­ que dans les objets, er, dans « l'Oie bleue>> (les Fourmis, 1949), la pédale de l'accélérateur «revint en arrière à regret, car de sa place elle voyait un grand bout de che­ min par le petit trou du plancher >>.

Boris Vian porte donc sur les choses un regard naïf, proche de 1' imagination enfantine, qui fait surgir les aspects surréels du monde et débouche parfois sur une tendance au moralisme («L'amour est aveugle», par exemple, dans le Loup-garou).

Le plaisir des mots Le point de vue généralement pessimiste de Boris Vian est tempéré par une fantaisie verbale qui coupe court à toute prétention didactique.

Boris Vian semble se servir du langage moins pour délivrer un message ou même transmettre une simple information que pour jouer avec les mots- Tantôt il les déforme à la manière de Jarry («- Oh! Oh! persifla Jacquemart.

vous me la baillez belle! -Je ne baille personne, maréchala le ferrant» [l'Arrache-Cœur]).

Tantôt il invente toutes sortes de néologismes (cf.

les descriptions comiques de l'Automne à Pékin, par exemple), qui font songer aux inventaires de Prévert.

Tantôt enfin il utilise, comme Queneau, tou­ tes les ressources des divers niveaux de langue : ainsi, dans l'Écume des jours, le couple Nicolas-Colin repose­ t-i 1 essentiellement sur la tyrannie du langage jusqu'à ce que Colin s'écrie : «Pourquoi, peste diable bouffre, mc parlez-vous toujours perpétuellement à la troisième personne?» Ailleurs, Boris Vian n'hésite pas à utiliser des notations phonétiques qui font songer à l'auteur de Zazie dans le métro : « Ils zondit à la téessef, poursuivit la logeuse, que c'est un aréosol aphrobaisiaque » ( « L'amour est aveugle » ).

Boris Vian se plaît à pasticher les stéréotypes de la fiction réaliste; il s'en prend aussi aux artifices du ton traditionnellement noble et« poétique », soit qu'il intro­ duise un alexandrin inattendu dans la bouche d'un per­ sonnage ( « Faites-vous, Nicolas, du fricandeau ce soir? demanda Colin»), soit qu'il affecte une vulgarité systé­ matique dans le texte de ses poèmes («Je voudrais pas crever», par exemple, dans Cantilènes en gelée, 1950).

Cette désinvolture contraste avec une tendance sponta­ née au lyrisme que l'on perçoit dans le choix de certaines images,: le nénuphar comme métaphore de la maladie dans l'Ecume des jours, l'évocation des effets de l'amour maternel dans l'Arrache-Cœur, la jalousie dans «l'Oie bleue», etc.

Mais l'expression des sentiments est tou­ jours limitée par l'auto-ironie.

Aussi, sur Je plan narratif, Boris Vian refuse-t-il tou­ jours la facilité des conventions romanesques et de l'illu­ sion réaliste.

Tous ses romans sont des pastiches du genre romanesque, directement avec la série « améri­ caine» des Vernon Sullivan, indirectement avec ceux qui, à partir de Vercoquin et le plancton, sont, dans une certaine mesure, des « nouveaux romans» avant la let­ tre : on trouve dans ce livre, après le chapitre rv, le chapitre II ( « C'est seulement le chapitre 11 puisque les aventures du Major ont commencé au chapitre précédent avec l'arrivée de Zizanie»); l'Arrache-Cœur présente une totale liberté à l'égard des repères chronologiques issus d'un calendrier ubuesque («55 janvril », « 67 novrier » ...

); dans l'Automne à Pékin, les« possibles nar­ ratifs» foisonnent à l'état pur(« PASSAGE Il y a lieu de s'arrêter une minute, maintenant, car cela va devenir noué et en chapitres ordinaires [ ..

.

) Une s'appellera Cui­ vre, et J'autre Lavande, et les noms de certajnes vien­ dront après; mais ni dans ce livre ni dans la même histoire»).

Une philosophie? Certains thèmes dominent l'œuvre de Boris Vian : soif de liberté, hypersensibilité à la souffrance, révolte contre le mal, qu'il soit dans la nature, comme la maladie et la mort, ou quïl vienne des hommes, comme la barba­ rie, la cruauté et surtout la guerre.

Mais on ne saurait sans risque de simplification dégager de l'ensemble de ses écrits une vision cohérente du monde et une pensée monolithique.

Certes Boris Vian, qui avait vingt ans en 1940, est-il particulièrement sensible à la violence et à l'atrocité de la guerre, et c'est peut-être là qu'il faut voir la confirmation sinon l'origine du pessimisme que J'on se plaît à lui reconnaître.

Mais si son antibellicisme appa­ raît dans des textes aussi célèbres que « la Java des bom­ bes atomiques » ou «Je Déserteur », il n'y a jamais chez lui -contrairement aux existentialistes, par exemple ­ de prise de position concrète et politique.

Aussi a-t-on pu lui reprocher son désengagement, voire son attitude démobilisatrice.

Son comique est destructeur (notam­ ment dans son théâtre, et plus particulièrement dans la farce explosive l'Équarrissage pour tous, 1949, ou dans la pochade antimilitariste le Goûter des généraux, 1951), son érotisme est provocateur (J'irai cracher sur vos tom­ bes a suscité le scandale), son scepticisme débouche sou-. »

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