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VIAU Théophile de, dit aussi Théophile : sa vie et son oeuvre

Publié le 13/11/2018

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VIAU Théophile de, dit aussi Théophile (1590-1626). Les biographes de Théophile de Viau hésitent souvent entre le pathétique et la remontrance. Le triste sort du poète emprisonné sous l’inculpation d'avoir publié des poésies hardies et licencieuses apitoie certains. D’autres, au contraire, estiment qu’il s’agit là d’une sorte de punition méritée pour un écrivain aux mœurs douteuses, habitué des cabarets, qui aurait dû s’occuper à faire d’autres vers au lieu de succomber à une vie facile. Au-delà des enluminures ou des silences pudiques, la vie de Théophile retient l’attention en raison de la soif de liberté qu’elle révèle, du refus de supporter la contrainte et de l’esprit de révolte qu’elle dénote.

 

Le poète emprisonné

 

Théophile est né près d'Agen, dans une famille noble engagée dans le protestantisme. On a dit, mais sans preuves certaines, qu’il aurait été poète à gages d’une troupe de comédiens. On a dit aussi qu’il aurait eu des relations homosexuelles, et cela semble probable, qu’en 1615 il aurait vécu une folle équipée dans les Provinces-Unies avec le jeune Guez de Balzac. Par la suite, on le trouve au service du comte de Candale, et il participe avec celui-ci à la guerre civile en épousant la cause des protestants. Pardonné une première fois, il mène à la Cour la vie brillante d’un jeune homme à la mode. A nouveau exilé en 1619, il revient en 1620, et il se bat cette fois dans l’armée royale. L’année suivante, sans doute celle où l’on joue pour la première fois Pyrame et Thisbé à la Cour, il lutte contre les protestants; il se convertit au catholicisme en 1622. Ces curieuses oscillations entre les poussées de révolte et la soumission au pouvoir, entre le protestantisme et le catholicisme (mais que signifient pour lui ces soudaines conversions?) s’achèvent en 1623 avec une requête du parlement. Théophile est accusé d’avoir participé à un ouvrage collectif de poèmes licencieux, le Parnasse satyrique. Il aurait écrit un poème dans lequel il se plaignait d’avoir contracté une maladie vénérienne, et qu’il terminait en faisant serment de s’adonner désormais à la sodomie (punie de mort à l’époque).

 

Même s’il ne s’agit que d’un prétexte, la justice poursuit son office, relancée par la vindicte des jésuites, qui règlent des comptes, à cette occasion, avec les libertins, suspects à la fois d’athéisme et d’insoumission à la monarchie [voir Libertins]. Théophile a pris peur et s’est enfui; on le rattrape, et on l’emprisonne au Châtelet dans la cellule de Ravaillac. Il attend de 1623 à 1625 l'instruction de son procès, tandis que l’on examine son œuvre pour y déceler les preuves de sa révolte contre l'ordre moral. Théophile est alors un écrivain célèbre, et son procès fait du bruit. Cinquante-cinq opuscules se prononcent pour ou contre lui, montrant à l’évidence que le véritable sujet du débat dépasse la personne du poète. Celui-ci est finalement condamné, en 1625, à être banni de Paris, et, après divers séjours dans des demeures amies, brisé par son emprisonnement, il meurt l’année suivante dans la capitale, où il a enfin pu revenir.

 

La quête d'une écriture personnelle

 

Théophile de Viau, poète, eut un immense succès auprès de sa génération. Au cours du xvnc siècle parurent quatre-vingt-treize éditions de ses poésies, contre seize de Malherbe. Pour la postérité, la perspective a été longtemps inversée, et elle le demeure peut-être encore. L’image d’un Théophile poète « baroque » et « libertin » n’est sans dou:e pas étrangère au long enfouissement de son œuvre, alors que celle d'un Malherbe rigoureux et ordonné continue à s’imposer au tournant de deux siècles.

 

L’ombre de Malherbe planait sans doute sur la poésie du jeune Théophile, qui évolue beaucoup entre 1610 et 1625. Dans « Elégie à une Dame » qui ouvre ses Œuvres poétiques, Théophile se réfère au maître avec fermeté, si bien qu’on interprète parfois ces vers comme le signe d'un respect convenu ou ironique :

 

Malherbe a très bien fait, mais il a fait pour luy, Mille petits voleurs l'escorchent tout en vie : Quant à moy, ces larcins ne me font point d'envie, J'approuve que chacun escrive à sa façon, J'ayme sa renommée et non pas sa leçon.

 

En fait, cet hommage en forme de déclaration d’indépendance résume une des volontés de Théophile : écrire une œuvre originale, personnelle, jamais éloignée de l'inspiration sincère et spontanée. Il est « pour » Malherbe, sans doute, car il reconnaît son apport dans le domaine de la précision du langage, de la « technique ». Comme Malherbe, il est du côté des « Modernes », et il comprend très tôt, comme il va jusqu'à dire dès 1618, la nécessité de se dégager de la « sotte Antiquité ». Mais il n'entend être à la traîne de quiconque, pas plus de Malherbe que de Mathurin Régnier. Il s’agit pour lui d’échapper aux vers de circonstance, de laisser paraître, à travers les déclarations d’amour aux Philis et autres Cloris, des sentiments vraiment éprouvés. Comme plusieurs de ses contemporains ou de ses prédécesseurs auxquels on reconnaît une sensibilité baroque, Théophile revendique son originalité et ce que nous appellerions aujourd’hui sa « différence » :

 

Or, bien que la façon de mes nouveaux escrits

 

Différé du travail des plus fameux esprits,

 

Et qu'ils ne suivent point la trace accoustumée Par où nos escrivains cherchent la renommée : J'ose pourtant prétendre à quelque peu de bruict, Et croy que mon espoir ne sera point sans fruict.

 

Il défend même une sorte de désordre, une « confusion » qui lui semble liée au plaisir de l’écriture :

 

Je ne veux poinct unir le fil de mon subject, Diversement je laisse et reprends mon object, Mon âme imaginant n'a point la patience, De bien polir les vers et ranger la science : La reigle me déplaist, j'escris confusément. Jamais un oon esprit ne faict rien qu'aisément.

Cette libre inspiration, on la retrouve dans l’absence de classement des poèmes rassemblés dans ses Œuvres. Des textes de Théophile circulaient dès 1610 ou 1611. On en retrouvait dans des recueils collectifs. Certains étaient signés, d’autres étaient anonymes ou faussement attribués. Quand, en 1621, les Œuvres paraissent enfin — chez Pierre Billaine —, avec en première partie le Traicté de /’immortalité de l’âme, on n’y trouve aucune tentative d’organisation par formes, pas non plus d’ordre chronologique certain. Même les « Odes » au roi et à Luynes ne figurent pas en tête du recueil de vers, comme le voudraient la tradition et la convenance. Il est vrai, dit-on, que l’auteur était alors absent de Paris. Quoi qu’il en soit, odes et sonnets côtoient les longs poèmes en alexandrins que l’auteur appelle « satires » ou « élégies », accompagnés de quelques épigrammes et de vers de ballet. Un semblant d’organisation ne se fait sentir que dans la seconde édition (1622).

 

Dans la première moitié de sa carrière, Théophile a pris plaisir à une contemplation passionnée de la nature; il a composé toutes sortes de vers chantant l’amour, qu’on aurait tort d’appeler de la « petite poésie » :

 

Je veux faire des vers qui ne soient pas contraincts, Promener mon esprit par de petits desseins [...] Employer toute une heure à me mirer dans l'eau, Ouyr comme en songeant la course d'un ruisseau, Escrire dans les bois, m'interrompre, me taire, Composer un quatrain sans songer à le faire.

 

Il entend mêler la vie et la poésie, comme dans cette épigramme de 1615 où Candale et les siens s’étaient joints aux protestants révoltés qui assiégèrent en vain Mirande :

 

Grâce à ce comte libéral

 

Et à la guerre de Mirande :

 

Je suis poète et caporal,

 

Ô dieux que ma fortune est grande!

 

Bien entendu, il ne dédaigne pas non plus l’inspiration sensuelle :

 

Je baigneray mes mains folastres Dans les ondes de tes cheveux, Et ta beauté prendra les vœux De mes œillades idolâtres.

 

La coupure entre ces diverses formes et une inspiration plus « élevée » n’est sans doute pas nette. C’est cependant plutôt dans la seconde partie de sa carrière que Théophile vise un plus vaste dessein dans des textes à l’inspiration philosophique :

 

Il faudroit inventer quelque nouveau langage, Prendre un esprit nouveau, penser et dire mieux Que n'ont jamais pensé les hommes et les dieux.

 

Dans les satires et les élégies, il développe plus librement son individualisme sceptique, médite sur le tragique de la condition humaine, exprime un pessimisme qui n’est pas sans rappeler celui de Montaigne. Il y retrouve le thème baroque d’une nature humaine abandonnée à tous les vents; l’homme n’est rien dans un univers incertain où il est mené par ses passions et ses vanités. Même l’amour est une servitude douloureuse :

 

Toy que les élémens ont faict d'air et de bouë, Ordinaire subject où le malheur se jouë [...] Pour ne la point flatter d'une divine essence, Voy la condition de ta sale naissance,

 

Que tiré tout sanglant de ton premier séjour, Tu vois en gémissant la lumière du jour.

 

Ces textes graves peuvent s’expliquer par l’exil du poète ou ses difficultés personnelles. Plus profondément, ils correspondent à une vision du monde, celle des libertins et de certains poètes baroques qui revendiquent une philosophie du refus et du non-conformisme. Théophile dresse volontiers l’image d’un univers désertique, d’un monde contre nature où rien ne semble plus jamais être

« règlent des comptes, à cene occasion, avec les libertins, suspects à la fois d'athéisme et d'insoumission à la monarchie l voir LIBERTINS).

Théophile a pris peur et s'est enfui; on le rattrape, et on l'emprisonne au Châtelet dans la cellule de Ravaillac.

Il attend de 1623 à 1625 1 'instruc­ tion de son procès, tandis que l'on examine son œuvre pour y déceler les preuves de sa révolte contre l'ordre moral.

Théophile est alors un écrivain célèbre, et son procès fait du bruit.

Cinquante-cinq opuscules se pronon­ cent pour ou contre lui, montrant à l'évidence que Je véritable sujet du débat dépasse la personne du poète.

Celui-ci est finalement condamné, en 1625, à être banni de Paris, et, après divers séjours dans des demeures amies, brisé par son emprisonnement, il meurt l'année suivante dans la capitale, où il a enfin pu revenir.

La quête d'une écriture personnelle Théophile de Viau, poète, eut un immense succès auprès de sa génération.

Au cours du xvn< siècle parurent quatre-vingt-treize éditions de ses poésies, contre seize de Malherbe.

Pour la postérité, la perspective a été long­ temps inversé::, et elle le demeure peut-être encore.

L'image d'un Théophile poète« baroque » et> n'est sans dome pas étrangère au long enfouissement de son œuvre, alors que celle d'un Malherbe rigoureux et ordonné continue à s'imposer au tournant de deux siècles.

L'ombre de Malherbe planait sans doute sur la poésie du jeune Théophile, qui évolue beaucoup entre 1610 et 1625.

Dans« Elégie à une Dame » qui ouvre ses Œuvres poétiques, Théophile se réfère au maître avec fermeté, si bien qu'on in1erprète parfois ces vers comme le signe d'un respect convenu ou ironique : Malherbe a tres bien fait, mais il a fait pour luy, Mille petits voleurs l'escorchent tout en vie : Quant à moy, ces larcins ne me font point d'envie, J'approuve que chacun escriva à sa façon, J'ayme sa renommée et non pas sa leçon.

En fait, cet hommage en forme de déclaration d'indé­ pendance résume une des volontés de Théophile : écrire une œuvre originale, personnelle, jamais éloignée de 1' inspi ratic•n sincère et spontanée.

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Mais il n'entend être à la traîne de quiconque, pas plus de Malherbe que de Mathurin Régnier.

Il s'agit pour lui d'échapper aux vers de circonstance, de laisser paraître, à travers les déclarations d'amour aux Philis et autres Cloris, des sentiments vraiment éprouvés.

Comme plu­ sieurs de ses contemporains ou de ses prédécesseurs aux­ quels on reconnaît une sensibilité baroque, Théophile revendique son originalité et ce que nous appellerions aujourd'hui sa : Or, bien que la façon de mes nouveaux escrits Differe du travail des plus fameux esprits, Et qu'ils ne suivent point la trace accoustumée Par où nos escrivains cherchent la renommée : J'ose pourtant prétendre à quelque peu de bruict, Et croy que mon espoir ne sera point sans fruict.

Il défend même une sorte de désordre, une « confu- sion >> qui lui semble liée au plaisir de l'écriture : Je ne veux poinct unir le fil de mon subject, Diversement je laisse et reprends mon object, Mon âme imaginant n'a point la patience, De bien polir les vers et ranger la science : La reigle me déplaist, j'escris confusément, Jamais un ::.on esprit ne faict rien qu'aisément.

Cette libre inspiration, on la retrouve dans l'absence de classement des poèmes rassemblés dans ses Œuvres.

Des textes de Théophile circulaient dès 1610 ou 1611.

On en retrouvait dans des recueils collectifs.

Certains étaient signés, d'autres étaient anonymes ou faussement attribués.

Quand, en 1621, les Œuvres paraissent enfin - chez Pierre Billaine -, avec en première partie le Tra.icté de l'immortalité de l'âme, on n'y trouve aucune tentative d'organisation par formes, pas non plus d'ordre chronologique certain.

Même les « Odes >> au roi et à Luynes ne figurent pas en tête du recueil de vers, comme Je voudraient la tradition et la convenance.

Il est vrai, dit-on, que l'auteur était alors absent de Paris.

Quoi qu'il en soit, odes et sonnets côtoient les longs poèmes en alexandrins que l'auteur appelle «satires>> ou « élé­ gies >>, accompagnés de quelques épigrammes et de vers de ballet.

Un semblant d'organisation ne se tf ait sentir que dans la seconde édition ( 1622).

Dans la première moitié de sa carrière, Théophile a pris plaisir à une contemplation passionnée de la nature; il a composé toutes sortes de vers chantant l'amour, qu'on aurait tort d'appeler de la« petite poésie >> : Je veux faire des vers qui ne soient pas contraincts, Promener mon esprit par de petits desseins [ ...

] Employer toute une heure à me mirer dans l'eau, Ouyr comme en songeant la course d'un ruisseau, Escrire dans les bois, m'interrompre, me taire, Composer un quatrain sans songer à le faire.

Il entend mêler la vie et la poésie, comme dans cette épigramme de 1615 où Caoda1e et les siens s'étaient joints aux protestants révoltés qui assiégèrent en vain Mirande: Grâce à ce comte libéral E t à la guerre de Mirande : ..J.e suis poëte et caporal, 0 dieux que ma fortune est grande! Bien entendu, il ne dédaigne pas non plus l'inspiration sensuelle : Je baigneray mes mains folastres Dans les ondes de tes cheveux, Et ta beauté prendra les vœux De mes œillades idolâtres.

La coupure entre ces diverses formes et une inspira­ tion plus. »

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