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VLADIMIR MAIAKOVSKY

Publié le 20/04/2012

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Un revirement spectaculaire se produisit peu après sa mort. Staline, tenant à se montrer plus clairvoyant que Lénine, déclara qu'à son avis Maïakovsky était « le meilleur, le mieux doué des poètes de l'époque soviétique «. Le lendemain même, les détracteurs les plus acharnés du disparu se mirent à confesser leur aveuglement et à exalter les splendeurs de l'oeuvre méconnue. L'hypnose stalinienne semble durer encore. Car depuis lors on chercherait en vain, dans n'importe quelle publication soviétique, une seule remarque tant soit peu défavorable à Maïakovsky. Tout comme Gorki, il reste hors d'atteinte. La moindre réserve risque d'être considérée comme lèsemajesté. Essayons donc de voir ce que pourrait être un jugement impartial, et en particulier celui de la postérité.

« une cause qui pratiquement ne lui reconnaissait que le rôle d'auxiliaire dans l'édification d'un ordre social nouveau.

Sa renommée, son prestige auprès des jeunes lui valaient de nombreux jaloux.

Il comptait aussi parmi ses adversaires les théoriciens zélés et pédants qui voyaient en le futurisme une forme de décadence bourgeoise, reprochaient à Maïakovsky d'en garder le relent et, le cas échéant, pouvaient se réclamer du jugement de Lénine.

Vers la fin de sa vie, Maïakovsky se montrait très affecté par les attaques incessantes dont les plus sournoises n'étaient sûrement pas dues au souci de fidélité à l'orthodoxie marxiste.

Un revirement spectaculaire se produisit peu après sa mort.

Staline, tenant à se montrer plus clairvoyant que Lénine, déclara qu'à son avis Maïakovsky était « le meilleur, le mieux doué des poètes de l'époque soviétique ».

Le lendemain même, les détracteurs les plus acharnés du disparu se mirent à confesser leur aveuglement et à exalter les splendeurs de 1'œuvre méconnue.

L'hypnose stalinienne semble durer encore.

Car depuis lors on chercherait en vain, dans n'importe quelle publication soviétique, une seule remarque tant soit peu défavorable à Maïakovsky.

Tout comme Gorki, il reste hors d'atteinte.

La moindre réserve risque d'être considérée comme lèse­ majesté.

Essayons donc de voir ce que pourrait être un jugement impartial, et en particulier celui de la postérité.

Indiscutablement, Maïakovsky avait l'étoffe d'un très grand poète, et par surcroît d'un poète tragique, au sens le plus large du terme.

Ses poèmes de jeunesse surtout - aux titres aussi bizarres que ceux déjà cités, parfois résolument provoquants, comme Guerre et Paix, mal en accord avec une inspiration toujours grave -, ses poèmes de jeunesse, dis-je, frappent par leur flamme et leurs accents durs, violents, vengeurs.

Par un souffle prodigieux aussi, par un lyrisme sobre et viril, entremêlé de sarcasmes.

Et pourtant, très tôt déjà, on arrivait à se demander : pourquoi cette manie des locutions improvisées et loin d'être toujours heureuses? Elle paraît d'autant plus arbitraire que Maïakovsky n'a jamais cherché à « tordre le cou à l'éloquence » et que ses premiers poèmes ne sont que des discours rimés, très éloignés de la savante et subtile alchimie verbale d'un Khlebnikov.

N'oublions pas non plus les innombrables grossièretés à succès facile, les jurons, les injures gratuites.

On pourrait donc hésiter à quali.fier les premiers poèmes de Maïakovsky de grandes œuvres.

Mais que ce soient là d'immenses promesses, c'est l'évidence même.

Ces promesses ont-elles été pleinement tenues? Pasternak, ami et admirateur de Maïakovsky, avait parlé avec amertume de ses deux suicides, l'un ayant précédé sa mort physique, et il y a grande chance que son jugement soit confirmé dans l'avenir.

Certes, la maîtrise, le savoir-faire du poète s'étaient très développés avec le temps : rythmes, rimes, assonances, telles épithètes cinglantes faisant penser à une flèche empoisonnée, tout témoigne d'une éclatante maturité littéraire.

Mais on étouffe dans ces longues diatribes et par moments le poète lui-même semble chercher à s'affranchir d'une servitude qu'il a pourtant délibérément acceptée.

Aucune surprise n'est tolérée, aucun mystère n'est admis.

Le poète sait d'avance ce qu'il se permettra de dire et ce qu'il ne dira pas.

Seuls quelques sourds accents de révolte laissent deviner ce qu'aurait pu être une œuvre dont la flamme dévastatrice a été réglée et réduite afin de ne pas trop trancher sur les exigences d'une société en voie de labo­ rieuse organisation dirigée.

Une sorte de débâcle, somme toute.

Mais de débâcle aux aspects grandioses et qui ne peut manquer d'émouvoir.

Maïakovsky se suicida le r4 avril rggo, à l'âge de 37 ans.

Sa mort parut d'autant plus surpre­ nante que dans un poème fameux, dédié à la mémoire d'un autre suicidé, Serge Essenine, il avait affirmé qu'un communiste ne devait jamais se tuer.

Sur les raisons qui l'ont amené à se désavouer, on ne sait rien de précis ni de sûr.

GEORGES ADAMOVITCH. »

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