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VOLTAIRE HISTORIEN

Publié le 14/05/2011

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— Voltaire, de beaucoup le plus grand historien du XVIIIe siècle, a conçu, traité et écrit l'histoire avec une originalité novatrice; et il est même le précurseur des historiens modernes. — Lui-même nous a dit sa conception de l'histoire, dans ses préfaces et au cours de sa correspondance. Cette conception, il l'a réalisée en grande partie dans l'Histoire de Charles XII, le Siècle de Louis XIV, l'Essai sur les moeurs et le Précis du siècle de Louis XV.

A). Sa méthode.

— Voltaire est le premier historien français à avoir puisé aux sources, à s'être documenté auprès des témoins, à avoir dépouillé des mémoires. Ses prédécesseurs immédiats, auteurs d'une Histoire de France, avaient déclaré : l'un, Mézeray, qu'avoir recours aux sources fatigue vainement; et l'autre, le Père Daniel, que les documents manuscrits sont des paperasses inutiles. a) Pour l'Histoire de Charles XII, il a interrogé, de vive voix et par lettres, des contemporains (il avait vingt-quatre ans à la mort du roi de Suède) : le roi Stanislas, le maréchal de Saxe, l'envoyé secret de la France à Bender, le ministre d'Angleterre en Turquie, etc. — b) Pour le Siècle de Louis XIV, il a recueilli les témoignages de Villars, Caumartin, La Feuillade, Villeroy, Choiseul, d'Argenson; il a consulté les manuscrits de Louis XIV, les papiers de Colbert et de Louvois, les mémoires encore manuscrits de Saint-Simon, les archives d'Etat auxquelles il eut accès dans sa carrière d'historiographe royal.

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« mahométane en Espagne, aux richesses des XIIIe et mire siècles, à la France de Louis XI, à celle de Louis XIII. — Voltaire, dans son œuvre historique, s'inspire d'une philosophie des événements qui, elle aussi, était nouvelle.A) Il n'admet ni la thèse providentielle de Bossuet, car il pense que lés événements ont des causes tout humaines;ni la thèse du logicien Montesquieu, car il dénie à peu près toute logique à l'enchaînement des causes et des effets.B) Il explique le déroulement des affaires humaines par deux forces, le hasard et le progrès.

a) Le hasard, ce sontles relations toutes mécaniques et fatales entre les faits, le désordre des instincts aveugles et des passionsmauvaises, les causes les plus insignifiantes à l'origine des grands événements; — b) le progrès matériel et surtoutintellectuel, c'est la lutte victorieuse de la raison éclairée contre l'ignorance et la stupidité, contre la superstition etle fanatisme : il est dû à l'effort des grands hommes.

— c) Cette philosophie est en germe dans l'Histoire de CharlesXII, elle prend corps dans le Siècle de Louis XIV, elle a toute sa force dans l'Essai sur les moeurs, que l'idée deprogrès domine.C) Les grands hommes ont aux yeux de Voltaire un rôle capital en histoire : d'eux dépend la supériorité d'une nation;et les grands siècles sont ceux où les grands hommes ne se voient pas contrariés mais servis par les autres hommeset par les circonstances.

D'où les portraits admirables que Voltaire a peints de Charles XII et de Pierre le GrandHistoire de Charles XII), de Saint Louis, de Colomb, d'Henri IV (Essai sur les mœurs), des grands 'Français du XVIIesiècle et surtout du roi lui-même (Siècle de Louis XIV).

Voltaire a fait l'apologie de-Louis XIV, qu'il admire pour sondévouement aux arts, aux lettres, à la science.

Louis XIV, en effet, combla de dons et d'honneurs les savants del'Europe entière, accorda sa faveur aux écrivains français, admit Racine dans sa familiarité, protégea les Académies,fit élever l'Observatoire en pleine guerre, envoya des missions scientifiques en Afrique et en Amérique, soutint lesmanufactures, fit régner le bon goût à la Cour, encouragea les écrivains qui ont valu au français de devenir langueuniverselle, etc.

Ainsi fit-il du bien non seulement aux Français, mais aux hommes, à l'humanité.

Voltaire lui estreconnaissant de ces bienfaits; il passe sur ,toutes les erreurs du règne. — Le dessein historique de Voltaire et sa philosophie de l'histoire expliquent la composition du Siècle de Louis XIV.

—a) Le centre du livre, entre les deux ailes, est occupé par la personne du roi et les particularités de la Cour, avecune multitude d'anecdotes qui à cette époque étaient inédites et neuves.

— b) Une aile, la première partie du livre,est consacrée aux campagnes militaires et aux traités.

— c) L'autre aile contient le gouvernement intérieur (justice,commerce, police, finances), puis l'état der sciences et des arts, avec une galerie très étudiée de tous les grandsécrivains.

— d) Enfin un prolongement de quelques chapitres groupe les affaires religieuses et les disputesthéologiques, protestantisme, jansénisme, etc.

— e) Le but essentiel du Siècle de Louis XIV est donc clair.

On voit.rien que par la composition du livre, que Voltaire a voulu finalement écrire l'histoire de la civilisation française sousun grand règne; on voit aussi qu'il a voulu montrer en Louis XIV un despote encore insuffisamment éclairé (ledespote idéal était pour lui Frédéric II) et dans le XVIIe siècle un siècle admirable par les lettres et l'administration,mais trop occupé de disputes religieuses et incomplètement acquis aux lumières philosophiques.— Dessein analogue, même méthode et même esprit dans l'Essai sur les moeurs, où la philosophie soutient etconduit l'histoire, assez dangereusement parfois, mais où abondent les beaux récits, les peintures brillantes.

L'Essaifait un tableau complet des moeurs et du génie des nations; c'est l'histoire même du progrès humain.— L'Essai, ouvrage fécond et déjà moderne, où Voltaire a réalisé sa conception la plus mûrie de l'histoire-nation, del'histoire-progrès, de la lutte séculaire des grands hommes contre tous les mauvais hasards, apportait une autrenouveauté encore, même par rapport au Siècle de Louis XIV.

C'était le vif sentiment des différences entre lesépoques comme entre les nations, le sens des métamorphoses dans les moeurs; après Voltaire, on ne pouvait plus— comme avaient fait Du, Haillan et Mézeray — représenter Chilpéric ou Clovis à la manière d'un jeune prince duXVIIe siècle; après Voltaire, un nouveau Montesquieu n'aurait pu écrire ses Considérations sans distinguerdifférentes époques dans l'histoire des moeurs romaines. — L'édition définitive de Voltaire rassemblait en un cycle complet l'Essai sur les moeurs, le Siècle de Louis XIV, lePrécis du règne de Louis XV : véritable histoire universelle, dont le chapitre final du dernier livre — « Des progrès del'esprit humain dans le siècle de Louis XV » — révèle l'exacte tendance : c'est une histoire de la civilisation. C).

Valeur de Voltaire historien. — Il y a des réserves à faire sur la valeur de cette oeuvre historique.Voltaire, malgré de sincères efforts, n'a pu triompher tout à fait de ses passions, de ses phobies, de sesemballements.

— a) Engoué de Louis XIV, il admire ce conquérant, ce maître fastueux, sans voir la misère de lanation, et il ne ;distingue même pas entre le siècle du grand roi et le XVIIe siècle, faisant honneur à Louis XIV de cequi a été l'oeuvre de Richelieu et de Mazarin.

— b) Incapable par moments de résister aux impulsions de sa hainecontre tout ce qui est catholicisme ou métaphysique, hypnotisé aussi par l'idée de progrès, il blâme et railleDescartes, Pascal, Bossuet, et méconnaît ce sentiment religieux, cette foi qui a été l'âme du XVIIe siècle dans sonensemble.

— c) Il n'a que dédain moqueur pour maints aspects de notre Moyen Age, alors qu'il est toutcomplaisance pour les Chinois, les Hindous, les Musulmans, peuples de civilisation non chrétienne.Voltaire n'avait ni dans son esprit ni dans son style les ressources capables de faire revivre les hommes et leschoses d'autrefois : pas assez de coeur pour sympathiser avec les générations lointaines, pas assez d'imaginationpour peindre le passé en couleurs vives.

Bref, le sens de la couleur locale lui a complètement manqué.

— En dépit des réserves plus ou moins graves qu'on peut faire, Voltaire a posé les bases de l'histoire telle que lés. »

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