Zone Alcools
Publié le 09/10/2023
Extrait du document
«
“Zone” d’Alcools
Guillaume Apollinaire est considéré comme le père de la poésie moderne, au carrefour de
plusieurs influences, traditionnelles et contemporaines, et sachant le restituer dans ses œuvres.
Son recueil Alcools, de son titre original “Eau de vie”, est élaboré depuis 1905, et surprend par
son manque de ponctuation.
Placé en tête du recueil, “Zone” est pourtant le dernier poème
rédigé par Apollinaire avant la publication en 1913.
Il évoque, dans un poème dépourvu de
versification, un espace urbain où se mêle passé et présent.
Le poète s’y adresse à lui-même, et
décrit une promenade dans Paris, à l’aurore.
C’est un poème programmatique qui donne les
clés du recueil.
Le terme “Zone” désigne les terrains vagues séparant Paris de la banlieue, aux
limites de la ville, à la fois inquiétants et hétéroclites, mais surtout lieux de tous les possibles.
Ainsi, nous nous demanderons en quoi ce poème célèbre-t-il la modernité.
Mouvements:
1.
De “A la fin tu es las” à “ont l’air d'être anciennes”: refus de l’ancien de la part du poète
2.
De “La religion seule” à “t’y confesser ce matin”: la religion est présentée comme moderne
3.
De “Tu lis” à “mille titres divers”: la presse est décrite comme poésie du monde nouveau
4.
De “J’ai vu ce matin” à “l’avenue des Ternes”: description d’une rue industrielle
représentant le progrès technique
Premier mouvement:
➔ « Zone » s’ouvre sur trois monostiches, qui témoignent déjà de la versification étonnante de
ce poème
À la fin tu es las de ce monde ancien
➔ premier vers classique, l’alexandrin répondant à une certaine tradition poétique
➔ Cependant, il s’agit déjà, pour le poète, d’annoncer le renouveau.
En effet, il est intéressant
de noter que la diérèse sur le mot « ancien », nécessaire pour obtenir un alexandrin
concourt à donner l’impression que l’adjectif se brise : « anc-i-en » et donc que le passé
s’efface.
Cette décomposition du mot évoque aussi la peinture cubiste.
➔ le “tu” s’apparente en réalité à un “je”, ce choix permet au lecteur de devenir, au même titre
qu’Apollinaire, le destinataire du poème
➔ exprime son sentiment de lassitude envers le monde entier
➔ premier vers ressemble à une conclusion: le reste du poème se présente donc comme une
analepse
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
➔ personnification de la Tour Eiffel “Bergère” qui ressort au milieu de Paris, presque
sacralisée par le « ô » lyrique
➔ symbolise le progrès industriel, construction ayant fait scandale, suscitant des réactions
hostiles mais aussi enthousiastes, notamment de la part d’Apollinaire
➔ champ lexical bucolique (“bergère” “troupeau” “bêle”) qui personnifie de manière étonnante
l'architecture parisienne moderne
Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine
➔ “tu” peut désigner à la fois la Tour Eiffel personnifiée et le poète, qui reprend la lassitude
du premier vers
➔ évoque “l’antiquité” qui représente le modèle architectural et artistique dans Paris, modèles
de perfection
➔ on a une remise en cause des modèles traditionnels “grecs” et “romains”, qui s’opposent à
un Paris moderne
Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes
➔ antithèse entre “automobiles” et “anciennes”, semble paradoxale
➔ c’est donc la ville en elle-même qui rend ses habitants obsolètes
Deuxième mouvement:
La religion seule est restée toute neuve la religion Est restée simple comme les hangars de PortAviation
➔ antithèse entre “religion” et “neuve” renforcée par l’adv “toute”: c’est contradictoire car le
catholicisme n’a pas changé depuis le Concile de Trente
➔ enjambement entre les vers 5 et 6 permet la mise en évidence du mot “religion” qui encadre
le vers 5
➔ il compare ensuite la religion avec l’aviation, analogie motivée par un point commun:
l’élévation.
C’est ici la simplicité de la religion qui est appréciée, et qui s’oppose à la
complexité de la tradition
➔ Apollinaire semble inscrire, de manière paradoxale, la religion dans l’ère moderne
Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme L’Européen le plus moderne c’est vous Pape
Pie X
➔ on a une ouverture de l’espace parisien sur l’Europe, avec de nouveau l’invocation lyrique
de la religion
➔ analogie de l’élévation se poursuit dans le vers suivant avec la référence au pape dont le
poète énonce le nom précis: « Pape Pie X », ce qui contribue à un effet de réel
➔ le Pape incarne la modernité, c’est “l’européen”, titre au superlatif souligné par l’emploi de
la majuscule et l’adjectif “seul”: il est unique
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient D’entrer dans une église et de t’y confesser
ce matin
➔ Néanmoins, le poète demeure à l’écart de cette modernité éternelle puisqu’il fuit les bancs
de l’église
➔ le poète se sent observé voire jugé, il évoque la figure dépréciative du pécheur avec “honte”
et “se confesser”, personnification des fenêtres rappelle
➔ attitude d’Apollinaire face à la religion ambiguë, hésitante et correspond sans doute à
l’état d’esprit d’une société qui s’éloigne avec peine culturellement, philosophiquement et
affectivement, d’une religion qui avait été pendant des siècles son point d’appui
Troisième mouvement:
➔ décrit une ville qui est un support pour la poésie “moderne”, elle-même en contient
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les....
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