Dictionnaire en ligne: DÉLIBÉRER, verbe transitif.

Dictionnaire en ligne: DÉLIBÉRER, verbe transitif. A.— Examiner, peser tous les éléments d'une question avec d'autres personnes, ou éventuellement en soi-même, avant de prendre une décision, pour arriver à une conclusion. Délibérer mûrement; délibérer ensemble; délibérer par tête : Ø 1. Qu'est-ce donc que délibérer? Ce n'est pas autre chose qu'examiner avec doute, apprécier la bonté relative des divers motifs sans l'apercevoir encore avec cette évidence qui entraîne le jugement, la conviction, la préférence. VICTOR COUSIN. Histoire de la philosophie du XVIIIe. siècle tome 2, 1829, page 503. SYNTAXE : Délibérer à la hâte; délibérer en soi-même; délibérer en commun; délibérer en deux assemblées; délibérer par ordre; délibérer à huis clos, en secret. 1. emploi absolu. Les jurés se retirèrent pour délibérer (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, La Tombe, 1884, page 969) : Ø 2. « — Maintenant, mes amis, ajouta Glenarvan, retournons au campement, délibérons, examinons la situation, voyons de quel côté sont les bonnes et les mauvaises chances, et prenons un parti. » JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 2, 1868, page 213. — Péjoratif. [Du fait que délibérer nécessite habituellement une certaine durée] Réfléchir (longuement, en hésitant à prendre une résolution). Si elle ne mettait pas ce Champi à la porte sans délibérer, il se promettait de l'assommer et de le moudre comme grain (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, François le Champi, 1850, page 77 ). La bataille est gagnée si on m'envoie des renforts. Qu'on ne délibère pas, qu'on agisse! (ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Le Conscrit de 1813, 1864, page 123 ). 2. [Avec un complément exprimant l'objet de la délibération] a) [Construction nominale] — Vieilli. [Construction direct] Les contributions publiques seront délibérées et fixées chaque année par le corps législatif (ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 1, 1870, page 414 ). Des mouvements qui ont été délibérés n'ont pas l'instantanéité des mouvements involontaires (ÉMILE DURKHEIM, De la division du travail social 1893, page 276) : Ø 3.... nous le [l'homme] supposerons capable de réflexion, doué de raison, (...); libre enfin, c'est-à-dire en état de délibérer ses actes avec la conscience de pouvoir les modifier et se modifier lui-même,... CHARLES RENOUVIER, Essais de critique générale, 3e. essai, 1864, page 209. — [Construction indirecte] Délibérer de, sur quelque chose. L'expression particulière aux maîtresses d'école qui délibèrent du blâme ou de la punition à infliger (PAUL-JEAN TOULET, Le Mariage de Don Quichotte, 1902, page 176 ). Le tribunal a délibéré sur l'application de la peine (ROGER CRÉTIN, DIT ROGER VERCEL, Capitaine Conan, 1934, page 216) : Ø 4. Les oiseaux de mer ont des lieux de rendez-vous, où ils semblent délibérer en commun des affaires de leur république;... FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 1, 1803, page 186. b) [Construction verbale] — [Verbe suivi d'une interrogation indirecte : délibérer si] S'interroger en pesant le pour et le contre. — Mon cher — collègue, dit-il à Brichot, après avoir délibéré dans son esprit si « collègue » était le terme qui convenait (MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 930 ). Sa famille, prétend-il, délibérait si on le ferait « horloger, procureur ou ministre » (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, page 30 ). — [Suivi d'un infinitif précédé de la préposition de; le complément indique la décision la plus probable] ...On est parfois si misérable Qu'on délibère d'en finir. (ARMAND PRUDHOMME, DIT SULLY PRUDHOMME, Les Vaines tendresses, 1875, page 233) : Ø 5.... je vous assure qu'il serait plus facile de transformer Fortuné en femme que de lui faire oublier ses amours. Je veux vous dire bien davantage : il délibère de l'épouser. ALBERT CAMUS, Les Esprits, 1953, I, 1, page 452. B.— Par métonymie, vieilli, littéraire. [Toujours avec complément d'objet] Aboutir à une décision, décider après réflexion. 1. [Le complément direct est un substantif] Il n'y a qu'un ennemi mortel à moi [Gritti] qui ait pu délibérer contre Giulia cet odieux guet-apens (OCTAVE FEUILLET, Onesta, 1848, pages 373-374) : Ø 6. Mes impressions n'eussent point suffi à me commander ces pages; je les ai délibérées. Plus encore que mes passions ethniques, c'est mon patriotisme critique qui m'ordonne de dessiner les espaces de désolation qu'on embrasse du lycée de Rennes. MAURICE BARRÈS, Scènes et doctrines du nationalisme, tome 1, 1902, page 181. 2. [Le complément direct a une forme verbale] a) [Proposition complétive] Parfois l'assemblée délibère que l'intendant n'a pas bien administré (ALEXIS DE TOCQUEVILLE, L'Ancien Régime et la Révolution. 1856, page 303 ). b) [Infinitif précédé de de] Ces rubans faisaient envie aux filles de la noce, qui délibérèrent de ne point les laisser gâter (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Les Maîtres sonneurs, 1853, page 330 ). J'avais délibéré de passer l'ignoble adultère sous silence (ALEXANDRE ARNOUX, Royaume des ombres. 1954, page 79) : Ø 7. Bientôt ses parents voulurent se faire honneur du petit qui brillait déjà comme un soleil entre ses frères et camarades. On délibéra de le pousser juge de paix ou docteur en médecine, et on l'envoya dans les écoles. HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Château des sept portes, 1922, page 53. Remarque : 1. On rencontre en outre l'emploi pronominal vieilli avec valeur de réfléchi Je me délibère rarement à écrire, et cela encore pour fournir une carrière de quelques lignes (Maurice de Guérin, Correspondance, 1838, page 351). 2. On rencontre dans la documentation l'adjectif délibérateur, trice. Qui autorise à délibérer. Voix délibératrice " voix délibérative " (Honoré de Balzac, Physiologie du mariage, 1826, page 85). [Chez les oiseaux et les mammifères] la puissance délibératrice est plus étendue : la faculté du choix est mieux exprimée (François-Joseph-Victor Broussais, Cours de phrénologie, leçon 3, 1836, page 63). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 512. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 270, b) 777; XXe. siècle : a) 402, b) 433.