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La Bonne Chanson, de Verlaine (Commentaire complet)

Publié le 15/02/2011

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verlaine

L'hiver a cessé : la lumière est tiède Et danse, du sol au firmament clair Il faut que le cœur le plus triste cède A l'immense joie éparse dans l'air Même ce Paris maussade et malade Semble faire accueil aux jeunes soleils Et, comme pour une immense accolade Tend les mille bras de ses toits vermeils J'ai depuis un an le printemps dans l'âme Et le vert retour du doux floréal Ainsi qu'une flamme entoure une flamme Met de l'idéal sur mon idéal Le ciel bleu prolonge, exhausse et couronne L'immuable azur où rit mon amour La saison est belle, et ma part est bonne Et tous mes espoirs ont enfin leur tour Que vienne l'été, que viennent encore L'automne et l'hiver, et chaque saison Me sera charmante, 6 toi qui décore Cette fantaisie et cette raison !  

La Bonne Chanson, de Verlaine. L'Hiver a cessé.   

Localisation du passage :    Ce poème clôt « La Bonne Chanson «, et il semble condenser tout ce que le recueil contient de bonheur radieux et d'espérance invincible.    Impression d'ensemble :    Ce poème est empreint d'une joie intense mais lucide, dont le poète analyse les effets, précise les nuances avec une délectation visible; sans qu'il soit possible d'établir une valeur symbolique constante, nous pouvons constater que le thème intérieur et le thème extérieur s'enlacent et se pénètrent. Ce poème ne décrit pas, mais donne l'impression du réel par le mouvement et la cadence.    La composition :    Aux effets du printemps de l'année, qui apparaissent dans les deux premières strophes, fait suite la confidence personnelle : le printemps spirituel resplendit dans le cœur de Verlaine, et la dernière strophe en consacre la pérennité.     

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« Met de l'idéal sur mon idéal. La confidence personnelle nous éclaire sur les raisons de la joie de Verlaine; son cœur, assombri par le doute,accablé par le découragement, est tout ensoleillé par la promesse d'un prochain mariage.

Il sent en lui comme uneéclosion de forces vives, et c'est ce printemps intérieur que, d'une poussée incoercible, il projette sur les choses. « Le vert retour du doux floréal » suggère par son imprécision même, mieux que ne saurait le faire une descriptiondétaillée, le jaillissement des sèves, l'exubérance des floraisons et l'atmosphère d'universelle allégresse. La lumière transparente du mois d'avril ne forme qu'un seul et même foyer avec la flamme vive et claire du cœur deVerlaine; le bonheur le plus parfait et le plus pur, dont la saison lui communique la sensation, pénètre et intensifieson intime exaltation. Le ciel bleu prolonge, exhausse et couronne L'immuable azur où rit mon amour La saison est belle et ma part estbonne Et tous mes espoirs ont enfin leur tour. Le bonheur de Verlaine a la pureté d'un ciel sans nuages, où s'est installé l'azur du beau fixe; à l'irradiationextérieure correspond une lumière intérieure d'une pureté et d'une intensité égales.

L'azur du ciel n'est que le refletvisible du bonheur de Verlaine, qui s'élève par des sortes de coups d'aile jusqu'à l'infini bleu, où il se fixe en unesorte d'apothéose.

La strophe est baignée d'un éclairage où la réalité et la spiritualité la plus haute se confondent. Comme éprouvant le besoin de savourer la faveur que le sort lui accorde, il prononce des paroles qui la confirment,et lui en font goûter à plein la délicieuse certitude.

L'heure de la malédiction a cessé, le destin l'a comblé.

Le vers :« la saison est belle et ma part est bonne » résonne, dans sa simplicité, comme un murmure d'actions de grâces. Que vienne l'été, que viennent encore L'automne et l'hiver, et chaque saison Me sera charmante, ô toi qui décoreCette fantaisie et cette raison! Le bonheur crée chez Verlaine un décuplement des forces, par un défi aux puissances adverses.

Il affirme saconfiance tranquille, car il possède une source de félicité que rien ne pourra troubler ni tarir. L'invocation « ô, toi » traduit un sentiment d'adoration fervente, et à la suite du vers contient une allusion à lapersonnalité de Mathilde, en qui s'allient harmonieusement des disparates. Le style : Verlaine a assoupli le décasyllabe traditionnel 4 + 6.

La découpure du vers en membres égaux donne à la strophe cerythme allègre, cet élan que rien ne brise.

Les rimes claires contribuent à faire de ces lignes un petit poème delumière où l'on retrouve les lignes pures de l'harmonie classique. Conclusion : Dans ce poème d'un art spontané et raffiné s'allient le symbolisme et un romantisme auquel la personnalité deVerlaine imprime des nuances spécifiques.

Il ne proclame pas, mais exprime simplement sa joie; il l'expliquediscrètement, murmure son émotion et sa reconnaissance, nous fait part de son immense espoir, nous attire à luipar l'expression de sentiments pénétrants et purs.

C'est un exemple de la haute indépendance artistique de Verlaine,qui ne s'affilie à aucune école, et qui reste lui-même.. »

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