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La royauté homérique

Publié le 30/11/2018

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1.La royauté homérique

 

Après une période mycénienne riche, celle-ci va s'éteindre subitement sans aucune cause véritable, on pense à des invasions des Balkans ou un essoufflement de ce système, laissant ainsi place à de la piraterie et à des guerres fratricides dans le but de survivre. Dans ce contexte, c'est à partir du IXe siècle que commence la société homérique, ce qui correspond aux écrits d'Homère que sont l'Iliade et l'Odyssée. On constate la renaissance de certains sites comme Athènes et l’apparition de sites nouveaux comme Thèbes, Sparte, Argos. On pourrait situer à la même époque la composition des poèmes attribués à Homère. La cité homérique est dirigée par un basileus. Quant à savoir s’il s’agit d’un roi, les caractéristiques de sa royauté restent controversées. Le roi de l’époque d’Homère tient son pouvoir des Dieux dont il descend. L’Iliade en donne de multiples exemples. Achille descend de Zeus par son père Pélée, comme Ulysse qui en descend lui aussi par son père Laërte. Le pouvoir est donc détenu par une famille choisie par les dieux, ce qui lui donne une grande légitimité à exercer le pouvoir, et acceptée par le peuple. Le symbole de son autorité est le bâton de pouvoir, le sceptre qu’Agamemnon utilise encore parfois comme d’une arme en le maniant à la manière d’un gourdin. La transmission du pouvoir royal est dynastique selon l’ordre de primogéniture i.e. que l’aîné des fils du roi défunt lui succède. Et de fait, l’exemple de Télémaque semble montrer ce pouvoir héréditaire, car il semble régner en l’absence de son père. Il convoque l’assemblée, siège sur le trône d’Ulysse et il empoigne le sceptre avant de parler.

 

Et l’Assemblée ne l’aide pas et ne lui accorde pas de navire. Mais il est fragile, instable, comme le montrent les intrigues des prétendants de Pénélope [raconter qu’ils essaient même de tuer Télémaque], ou Hector déplorant que son fils soit obligé d’aller mendier auprès des anciens compagnons d’armes de son père qui le repoussent avec mépris (Il. XXII, 490-496). D’ailleurs les successions sont rarement héréditaires, et signe qui ne trompe pas, les généalogies des héros courent sur peu de générations. Quelles sont les fonctions de ce roi ? Il participe aux cérémonies du culte aux côtés des prêtres. Mais, il exerce rarement des fonctions directement religieuses. Il est plutôt un intermédiaire entre son peuple et les dieux. Surtout, c’est un chef de guerre qui conduit en personne l’armée au combat et y participe après y avoir été mené sur son char de combat. Puis il en descend pour combattre à pied. L’autre source de sa puissance est sa richesse, qu’il acquiert d’ailleurs grâce au butin de guerre. Il est le « pasteur de peuples », selon l’expression répétée près de cinquante fois entre l’Iliade et l’Odyssée. Il est finalement un despotês, et Aristote analysera son pouvoir comme celui du père famille sur ses enfants ou du maître sur ses esclaves. Il est différent du roi de la tradition indo-européenne dont la puissance est davantage religieuse que guerrière. Selon Hésiode, dans sa Théogonie, le roi des dieux, Zeus, est d’ailleurs accompagné par deux personnages qui le suivent constamment, les titans Kratos et Biè, i.e. Domination et Violence. Mais, à la différence des temps ultérieurs il n’agit pas en législateur. Cependant il est un roi justicier dont le symbole est son sceptre. Il est en effet « celui qui administre la Thémis ». C’est lui qui dit le droit. Cette Thémis est ce qui est licite, le droit qui est proclamé par le roi. Ce faisant elle ignore le concept de loi écrite ou nomos qui n’existe pas encore. Concrètement, elle consiste dans des précédents judiciaires dont la conservation est confiée à des personnages qui sont nommés les mémoires, les « mnemones ». Le roi est donc avant tout un juge, et c’est en jugeant qu’il élabore la législation. On le voit dans le chant XI de l’Odyssée, quand Ulysse descend aux enfers. Là, Minos, « tenant le sceptre d’or ; le roi siégeait pour rendre la justice aux défunts ». Le terme qui indique cette activité judiciaire est themistevein. Et à la lecture des poèmes on ne peut qu’être frappé de la fragilité de son pouvoir. Souvent son peuple ou ses vassaux s’opposent à lui avec succès. Son pouvoir est faible. A côté du roi, on trouve une assemblée des guerriers, ainsi que le mentionne le chant II de L’Iliade. C’est le conseil des compagnons du roi, eux aussi nobles et pouvant avoir le titre de roi. Ce qui indique que de multiples degrés sont possibles dans la royauté de l’époque homérique : on peut être basileus, roi, basileuteros, plus roi qu’un autre, ou comme Agamemnon basileutatos, plus roi que tous les autres. Ces nobles forment donc le conseil du roi et se réunissent au palais royal ou se trouve le Prytanée ou feu sacré. Le roi y a le pouvoir de décision, mais il doit écouter l’avis des sages et s’y conformer. C’est ainsi que la Thémis (exercice du droit) sera conforme à la Diké, justice droite. La Thémis du roi doit donc être conforme à l’idéal de justice exprimé par la Diké. Cette assemblée est aussi réunie en temps et réunit le peuple ou «laos». Plus tard ce sera le «demos. Il se réunit sur la place ou agora. Aucune organisation n’est prévue, c’est selon les vers de l’Odyssée, «la masse de ceux qui n’ont pas pris part au conseil». Le roi la convoque lorsqu’il le juge opportun et la consulte sur la question qu’il veut. Mais il n’est pas le seul à pouvoir la convoquer. En outre, pendant 20 ans, ni l’assemblée ni le conseil n’ont été convoqués. Donc seul le roi peut le faire. Donc, quand Télémaque la convoque, il agit en citoyen et non en prince régnant. De même, dans l’Iliade, c’est Hector et non Priam qui convoque et dissout l’Assemblée. L’assemblée n’hésite pas à se montrer hostile au roi. Mais à la manière d’un témoin, d’un observateur. En effet le peuple a rôle passif et muet, mais c’est lui qui accorde ou refuse la confiance. Et malgré les apparences, cette assemblée est importante. En effet, quand Ulysse relate son séjour chez les cyclopes, il montre que la sauvagerie est le principe de leur société par cette description : « Chez eux, pas d’assemblées qui jugent ou délibèrent, pas de lois (thesmistes), mais au haut des montagnes, au creux des cavernes, chacun, sans s’occuper d’autrui, dicte sa loi à ses enfants et ses femmes » (chant IX). La plus haute autorité est chez eux le chef de famille, et ne possèdent pas de vie publique, cette assemblée, qu’Homère appelle « gloire des hommes » dans le premier chant de l’Iliade, v. 490. On voit apparaître deux éléments importants dans les temps suivants, l’aristocratie et le peuple qui fonctionnent en assemblées. Finalement, ces cités paraissent petit à petit moins organisées que les états mycéniens. A la tête de la cité, il y a certes un roi assisté d’un conseil d’anciens, mais la bureaucratie a disparu, ainsi que la classe professionnelle de soldats. Le droit de porter les armes semble être le privilège exclusif des chefs, ce qui peut être l’origine de l’aristocratie

 

2.L'action des réformateurs (Solon, Dracon…) fut-elle importante ?

 

 

 

A Athènes, après 640, les privilèges des nobles ne sont plus acceptés. Athènes se tourne alors vers des réformateurs, Dracon et Solon.

 

Il faut auparavant mentionner l’aventure de Cylon. En 632 ou 636 av. JC, il profite de l’absence de la noblesse qui s’est rendue aux Grands Jeux, pour s’emparer de l’Acropole. Son but était certainement d’installer la tyrannie à Athènes et d’abolir les privilèges des nobles. Mais son origine étrangère et le fait qu’il n’a pu en conséquence se concilier les classes populaires entraîne son échec.

 

Et vers 624, Dracon intervient. La tradition en a fait l’auteur d’une constitution et même d’un code sévère puisqu’il a laissé son nom dans les langues européennes par l’adjectif draconien, qui exprime l’idée de jugement sévère.

 

Dracon n’a pas modifié le paysage judiciaire ; il a simplement publié la loi. Cette loi devient connue de tous et par là, la communauté ou polis l’emporte sur les lignages nobles. Donc, la réapparition de l’écriture, qui avait disparu dans le naufrage de la civilisation mycénienne, permet l’émancipation politique.

 

Dracon publie ainsi le droit pénal, le droit familial, le droit des successions et l’organisation de l’insolvabilité des débiteurs qui entrent en servitude du fait de leurs dettes. Le lignage s’efface peu à peu devant l’individu. Ceci permet aussi la disparition de la peine collective qui frappait tous les membres d’un clan pour la faute de l’un des leurs. On recherche l’intention coupable individuelle, dont la gravité permet de graduer la peine.

 

Quant à Solon maintenant, l’un des sept sages de la Grèce dont les Grecs étaient fiers, avec Thalès de Milet, Chilon de Lacédémone… Après Dracon, les nobles se sont refusés à de nouvelles concessions. Et l’ordre ou discipline l’eunomia, principe très important dans les institutions des cités grecques fut mis à mal de nouveau. Solon est né vers 640-630 av. JC dans une famille de la grande noblesse, donc lui-même un Eupatride. Mais, original, il refusa l’héritage paternel, fit du commerce et voyagea. De retour, il prit parti pour les paysans et fut nommé archonte vers 594 av. JC, élection fruit d’un compromis entre les nobles et le peuple. Il est investi des plus grands pouvoirs pour mener à terme la réforme. Ses réflexions l’amènent à vouloir réformer les institutions.

Solon essaie de faire de même avec le corps social. Il essaie d’en dégager des règles, des principes, des effets. . Pour lui c’est donc le déséquilibre et l’excès (hybris qui est une notion fondamentale) des groupes rivaux qui menacent la cité et donc l’entraînent vers un devenir inéluctable. Parallèlement, le peuple est prêt à se donner à un tyran et à anéantir les Eupatrides par jalousie de leurs richesses. Pour éviter l’avenir sombre qu’il pressent, Solon pense que seuls des contrepoids s’équilibrant peuvent sauver la cité. Ainsi les nobles et la masse populaire se feront naturellement contrepoids. Après une amnistie générale pour restaurer la paix, il s’attaque au problème de la dette qui détruit la paysannerie indépendante. Il pense en effet qu’il faut d’abord sauver la petite paysannerie indépendante. Nous avons vu qu’elle était en crise. Solon propose donc la « seisachtheia » ou « rejet du fardeau ». Il libère les débiteurs de leurs dettes, que celles-ci soient publiques et donc dues à la cité ou privées. Et il est décidé que les créanciers, qui sont en fait les propriétaires nobles, ne recevront de ce fait aucune indemnité. Ces mesures sociales s’accompagnent de mesures juridiques destinées à assurer la stabilité de la société, avec un code de lois qui va rester le fondement juridique de la Cité jusqu’aux réformes de 410-399. Il préfère développer l’économie en faisant d’Athènes un marché florissant, en favorisant l’exportation de certains produits comme la céramique. Ainsi, Athènes devient la principale exportatrice de vases grecs. Mais par mesure de précaution, il en interdit l’exportation d’autres comme celle du blé, produit de première nécessité. Il réforme aussi le système des poids et mesures et peut-être le monnayage.

Ces réformes s’accompagnent de réformes politiques et institutionnelles. Solon reconnaît de nouveaux pouvoirs à l’assemblée du peuple ou ecclesia. Le peuple participe désormais à l’élection des magistrats, même si celle-ci reste encadrée par des lois censitaires. Très strictes. Surtout, il va déplacer la fonction de juger depuis les magistrats vers le peuple assemblé. C’est dorénavant ce dernier qui exercera la fonction de jugement. Il crée un nouveau tribunal nommé l’Héliée, constitué de jurés assermentés. Dérivant du mot dorien Haliaia qui signifie le peuple rassemblé, il comporte peut-être déjà 6000 citoyens qui sont désignés par tirage au sort. Il semble qu’il y ait un droit de dessaisir tout magistrat avant que celui-ci ait rendu sa sentence et de porter l’affaire directement devant l’Héliée. Ceci est un véritable contrepoids à la juridiction des archontes qui sont nobles. Ceux-ci finissent par seulement instruire l’affaire, et c’est le peuple assemblé dans l’Héliée qui juge. Et pour assurer le succès de cette réforme, l’action judiciaire est ouverte à tout citoyen, même si celui-ci n’est pas la victime ou s’il n’a pas subi de préjudice. Outre sa participation au pouvoir judiciaire, l’ecclesia participe au choix des magistrats. Ce choix est retiré à l’aréopage et l’élection des magistrats revient à cette assemblée de l’ecclesia. Les magistrats sont désormais choisis sur ces critères censitaires qui remplacent donc la naissance par la richesse. Une catégorie de citoyens sur les quatre dont est composée la société, la plus pauvre, celle des journaliers est en effet exclue de toutes les fonctions publiques, tandis que pour certaines hautes fonctions, il faut nécessairement appartenir à la classe la plus riche. Pour Aristote, ces différentes réformes sont cependant démocratiques. Certes, il y a évolution, mais Solon n’a pas voulu bouleverser les institutions et fondamentalement il raisonne en termes de riches qui sont bons parce qu’ils exercent les vertus politiques et les autres qui sont pauvres et n’ont pas une sagesse suffisante leur permettant d’exercer le pouvoir. Mais l’œuvre de Solon, équilibrée, mécontente beaucoup et aboutit à l’instauration de la tyrannie.

 

 

3.Evolution des institutions athéniennes de Clisthène à Périclès.

 

 

A la fin du VIe siècle, le mot démocratie n’existait pas encore même si la réalité du pouvoir était détenue à Athènes par le peuple, demos. Après le renversement d'Hippias, Clisthène se fait bannir mais il revient en force avec l'aide du « demos » en 508 lui permettant ainsi d'obtenir une majorité à l'assemblée. Il propose à cette assemblée différentes réformes qui vont former la base de la démocratie athénienne aux Ve et IVe siècle, ce qui va totalement bouleversé le système athénien. Les réformes de Clisthène réorganisent le corps civique et créent des cadres politiques nouveaux, tout en modifiant en profondeur les institutions politiques déjà existantes.Il crée le dème qui est une nouvelle circonscription qui divise le territoire d’Athènes, ainsi la notion de citoyenneté n'est plus liée au territoire. Clisthène décide également de doubler l’aréopage d’un autre conseil, la Boulé. Composée de 500 membres tirés au sort. Pour en faire partie, aucune condition de cens n’est requise, mais on ne peut être membre de la Boulé plus de deux fois dans sa vie. Dorénavant, l’assemblée de l’ecclesia ne peut prendre aucune décision sans que la Boulé ait exprimé son avis. En outre la Boulé gère les affaires de la cité. ( → Il met également en place l'ostracisme.)

 

Les guerres médiques ont une influence sur les institutions en ce qu’elles ont renforcé la démocratie. Tous les citoyens ont le droit et le devoir de siéger à l’assemblée populaire. Tous doivent le service militaire en fonction de leur fortune. Tous sont égaux devant la loi : « isonomia ». Durant, la guerre opposant Darius à Athènes, il fallait des rameurs pour faire avancer les bateaux selon l'idée de Thémistocle ce sont les pauvres, sans patrimoine, qui en furent l’âme. Cependant en leur donnant un rôle militaire, Thémistocle a créé les conditions d’un nouveau développement de la démocratie car les bases sociales qui permettent la puissance navale ne sont plus celles sur lesquelles reposait la démocratie de Clisthène. Finalement, les rameurs deviennent l’âme de la cité et l’élément primordial de l’évolution de la cité.

 

Après, les guerres médiques. Ephialte, voyait dans l’aréopage le principal obstacle à l’élargissement de la démocratie. Il décida de priver cette institution de ses pouvoirs politiques pour les transférer aux organes de décision issus de la démocratie. Pour lui, il était contraire à la démocratie et surtout à son esprit que des fonctions très importantes soient laissées à un conseil formé de membres désignés à vie. Il fit passer une loi transférant la plupart des pouvoirs de l’aréopage à la Boulé des 500 et à l’Héliée. A l’Héliée il transfère les crimes de sang et à la Boulé l’examen des comptes. Cependant, une fois la loi passée, Ephilate fut assassiné sans avoir pour totalement consolider la démocratie c'est pourquoi Périclès prie sa relève. Périclès correspond au développement harmonieux de la cité grecque à son apogée. Et le fait qu’il resta au pouvoir pendant près de trente ans a favorisé la stabilité des institutions et a permis de nuancer les aspects pratiques les plus radicaux de la démocratie dite radicale instituée par Ephialte.

 

La principale réforme de Périclès en matière constitutionnelle fut la misthophorie. C’est le fait de rétribuer ceux qui participaient à l’assemblée, aux tribunaux…, bref aux différentes institutions politiques.

→ Dans la Politique, Aristote dit qu’il y a deux manières d’encourager le peuple à participer à la vie politique de la Cité. Soit on punit l’absentéisme, ce qui est oligarchique, soit on rémunère la participation politique, ce qui est le fait des démocraties radicales

Un tel régime, fondé sur la recherche des honneurs, s’appelle la timocratie. Un tel régime qui récompense les mérites s’appelle de manière moderne la méritocratie.

 

Grâce à Périclès et à Clisthène, les institutions athéniennes avaient atteint un point d’équilibre, d’harmonie. Mais la guerre du Péloponnèse allait complètement remettre en cause tout l’équilibre de ces institutions.

4.Que retenir d'Aristote et de Platon

Par sa naissance et son éducation, Platon est du parti des aristocrates. Tout destinait Platon à une carrière politique. Il est issu d'une famille noble. Du côté paternel, il descendrait de Codrus, dernier roi d'Athènes. Sa mère était la petite fille de Critias l'ancien et la cousine germaine du Critias qui fit partie des Trente tyrans que Spartes imposa à Athènes vers 404 avant J.C. et qui furent, du reste, promptement démis du pouvoir. La mère de Platon était sœur de Charmide auquel ce même gouvernement des Trente confia des fonctions importantes.

Aristote aussi était un personnage important de la politique de son temps. Né à Stagire en 384, une quarantaine d’années après Platon, son père et lui-même ont évolué dans la cour de Philippe de Macédoine, un des principaux alliés de l’Empire Perse qui, à l’époque, exerçait son hégémonie sur toute cette partie du monde, à l’exception de la Grèce. Aristote n’était pas un esprit libre à l’instar des citoyens Grecs, mais reflétait de par sa famille et sa naissance, la mentalité oligarchique. On sait qu’en 342, Philippe de Macédoine l’a nommé précepteur auprès de son fils Alexandre le Grand. Alexandre renvoya Aristote le soupçonnant de vouloir « contrôler et manipuler » sa pensée.  L’influence politique de Platon et d’Aristote ne se limite nullement à la période de leur existence mais a continué à se développer au cours du reste de l’histoire humaine. Grâce à Saint- Augustin, Socrate et Platon ont fait une entrée majestueuse au sein de l’Eglise chrétienne transformant pour le mieux la chrétienté et la Grèce antique. Au cours de presque six siècles, ces conceptions ont été hégémoniques au sein de la chrétienté, jusqu’au XIIème siècle qui marque l’entrée en force d’Aristote dans cette même église chrétienne.

« La démocratie est fondamentalement démagogique. C'est la domination de l'opinion c'est-à-dire du langage des préjugés, de l'incompétence. » (Platon)

                 Pour Platon, la politique est un savoir. Pour Platon est compétent celui qui connaît la fin d'une action. Quand les fins sont différentes, les compétences sont différentes. Or il est toujours possible de faire croire qu'on sait (démagogie). Il y a deux manières de gouverner des ignorants : on peut le faire en toute honnêteté dans l'intérêt de tous mais on peut aussi utiliser la démagogie, flatter les passions.  Contrairement à Platon, Aristote ne conçoit pas l'Etat idéal mais plutôt les conditions de possibilité de l'Etat. Réalisme d'Aristote « On doit en effet examiner non seulement le régime politique le meilleur mais encore celui qui est simplement possible » L'autorité politique se distingue des autres formes d'autorité (père/enfant, maître /esclave) en ce qu'elle s'exerce sur des hommes libres, des citoyens. Celui qui gouverne doit apprendre en pratiquant lui-même l'obéissance car ce sont les lois qui doivent faire autorité, des lois justes. Le but de l'État n'est pas seulement d'assurer la survie mais de vivre dans une communauté qui doit s'entendre sur l'utile, le bon et le juste. Le but de l'Etat est l'accomplissement éthique des citoyens. Or cet accomplissement consiste en une vie heureuse des hommes (eudémonisme d'Aristote, le but est le bonheur qui pour tout être réside dans la réalisation de sa nature). Mais il n'est pas de bonheur sans vertu. Le citoyen ne doit pas mener une vie mercantile (sans noblesse) ni agricole (la vertu suppose le loisir). Si l'homme et un animal politique, la politique n'est sa fin que s'il est vertueux et c'est à la vertu du gouvernement qu'on juge la valeur d'un régime. Le citoyen se définit par son droit au suffrage et sa participation à l'exercice de la puissance publique.

Les éléments essentiels de la bataille fondamentale entre Platon et Aristote peuvent très bien être saisis en comparant deux de leurs principaux ouvrages : La République de Platon et La Politique d’Aristote.

Dans la forme, La Politique d’Aristote est la réplique à la République de Platon. Aristote avait été l’élève de Platon à l’Académie et l’influence dont jouissait Platon contraignait Aristote à le suivre et à répondre à Platon dans la conception de son ouvrage. Au final, Platon et Aristote furent les deux grands penseurs du monde Grec, leur influence ne cesse de croître encore aujourd'hui.

 

 

 

5 - Athènes fut-elle réellement une démocratie ?

 

Athènes est la plus importante des cités grecques au Vème et IV ème siècles. C'est elle qui donne au monde grec son unité. C'est elle qui domine le monde égéen jusqu'en 338 av J.C.

Athènes est la démocratie « la plus féconde intellectuellement ». Dès l'Antiquité, Athènes apparaît comme la forme la plus achevée des institutions en raison de son régime politique qui est la démocratie.

 

 

La démocratie athénienne représente l’exemple le plus achevé et le plus typique de la cité grecque, comme étant fondée sur le demos. C’est pourquoi Xénophon, dans la Constitution d’Athènes, s’attache à démontrer que les lois athéniennes sont mauvaises en elles-mêmes mais qu’elles sont parfaitement adaptées à leur but : assurer la sauvegarde des intérêts du demos et assurer sa suprématie. N’est-ce pas valable finalement pour toute démocratie ? Mais ce ne fut pas le seul mode de constitution ou de politeia, même si Athènes a imposé son régime dans de nombreuses cités. Dans un certain nombre de cités, les institutions oligarchiques ont subsisté, appelées ainsi parce que les magistratures étaient réservées à un petit nombre d’hommes. Ce sont les archai que les auteurs n’ont pas autrement défini. L’oligarchie se définit donc d’abord comme une opposition à la démocratie. Soit tous les citoyens appartiennent à l’assemblée, mais celle-ci n’a pas réellement de pouvoirs, comme à Sparte. Soit, des conditions de cens sont exigées pour exercer l’ensemble des droits politiques, comme Corinthe, Thèbes, Marseille. Platon distinguait ces deux sortes d’oligarchies en timocratie (fondées sur la naissance et une classe guerrière) et ploutocratie (fondée sur la richesse).

Parmi ces régimes, seule Sparte sera étudiée dans le cadre de ce cours.

6.Réquisitoire contre la démocratie athénienne

 

A) Incompétence citoyenne, divisions sociales et anarchie.

 

Le tirage au sort exclut toute idée de capacité de savoir-faire politique spécialisé. Or, tous les citoyens possèdent-il une égale compétence ? Les critiques de la démocratie corrigent l'ignorance d'un peuple aux sentiments incontrôlés et l’inconstance de la foule en proie aux passions violentes. Pour Euripide : « Comment le démos, incapable lui-même d'une raisonnement droit, pourrait-il conduire la cité dans le droit chemin ? ». Par défaut d’instruction, il cède l'entraînement réciproque. Comme le reconnaît Solon même, le fondateur de la démocratie athénienne « Chacun de vous pris isolément suit la trace du renard; mais réunis, vous avez l'esprit béant ». Les citoyens subissent l'influence du délétère des « démagogues », orateurs habiles à les flatter. Les sophistes, qui enseignent à discuter de tout, sont accusées de saper la religion et de mépriser les lois.

Platon dénonce la fragilité constitutive de la démocratie fondée sur la parole : le discours peut ruiner ce que la raison veut fonder. A la rhétorique, l'art de « bien dire », relatif au monde des opinions mensongères et des discours trompeurs, il oppose la science et la dialectique, le souci de « dire vrai » qui approche la vérité de manière rationnelle, pour s'élever jusqu'à l'idée de Bien. L'élève de Socrate pointe une réelle contradiction au cœur d'Athènes. L'assemblée du peuple, qui confie les questions techniques à des spécialistes, agit tout autrement pour le gouvernement de la cité, l'activité pourtant la plus haute de toutes. Contre Protagoras, Platon réfute l'idée d'une compétence politique universelle le savoir (qui n'est pas un simple savoir-faire technique) est au principe du pouvoir . La philosophie détient le monopole de la connaissance légitime.

Une autre critique condamne les divisions qui déchirent Athènes. Comme l'illustre l'ambiguïté sémantique de démos, à la fois la communauté politique dans son ensemble et la multitude, la démocratie repose sur la loi du nombre qui penche toujours du même côté. Face au peuple majoritaire (paysans propriétaire de leurs fermes, ouvriers, agricoles, …). Les plus riches et les aristocrates se sentent exclus. Une telle frustration attise l'affrontement entre « deux classes ennemies ». Si Solon, soucieux de « contenir le peuple », tente de l'atténuer, cette fracture sociale atteint son paroxysme lors des guerres civiles de 411 et 404, à l'origine de brèves tyrannies. Le réquisitoire de Platon est implacable. L'anarchie est consubstantielle à la démocratie, régime de la liberté déréglée et de la « licence » dont les excès mènent à la tyrannie. Tandis que le peuple souhaite s'approprier les biens des riches propriétaires, qui essaient de résister, la lutte s’intensifie. Le peuple choisit alors un protecteur, qui devient un tyran, selon un engrenage (« La nécessité et loi du destin est ou de périr de la main de ses ennemis ou de se changer en loup »). Aristote observe la même évolution : quand la souveraineté n'appartient plus à la loi mais à la masse, et que règne l'arbitraire du peuple, il n'y a plus de Constitution (au sens du Bien Commun). A ceci près qu'Aristote admet que la tyrannie provient aussi de l'oligarchie.

 

B) Une démocratie au rôle limité face à des crises majeures.

 

 

Les institutions athéniennes avaient atteint un point d’équilibre, d’harmonie. Mais la guerre du Péloponnèse allait complètement remettre en cause tout l’équilibre de ces institutions. En effet, cette première démocratie fondée sur des bases solides avait atteint son paroxysme et son déclin semblait imminent car elle n'a pas su faire face à des crises majeures qui ont bouleversé tout un monde antique. En 431, Athènes et Sparte entrent en conflit. Il durera 25 ans. Ce conflit est retracé par Thucydide dans sa Guerre du Péloponnèse. Et dès le début de l’ouvrage, il montre l’évolution dangereuse de la Cité qui applique l’opposition loi-nature dans ses rapports avec les autres cités, amenant cette crise de la loi. Périclès décide de laisser les spartiates gagner sur terre pour mieux contrôler la mer, finalement de considérer Athènes comme une île inexpugnable (I, 143). Les campagnes sont dévastées. Pendant ce temps, la population s’est réfugiée dans Athènes, occupant les temples, les sanctuaires, les remparts. Les conditions sont telles qu’une épidémie de peste éclate bientôt, décimant le quart de la population.La stratégie est un immense échec d’autant que les spartiates ne s’aventurent pas sur mer et que la flotte athénienne ne peut donc gagner la grande victoire navale qu’elle attend. Désavoué, Périclès quitte le pouvoir en 430 et meurt en 429, laissant la place Lysiclès, marchand de moutons, puis à Cléon le Tanneur. La politique de la cité n’est plus entre les mains des membres de la vieille aristocratie, mais la cité reste organisée. Depuis, à la mort de Périclès, en 429, ses successeurs aggravent la situation. Durant le quart de siècle qui suit, ce sont les démagogues qui détiennent les rênes du pouvoir. Ils sont dénoncés par Thucydide et par Aristophane. Pourtant, ils ont tenté de poursuivre la politique de Périclès. Mais, d’origine sociale inférieure, ils ne peuvent s’imposer à la foule et suivent davantage ses décisions qu’ils ne les inspirent. Pour rester au pouvoir, leur régime devient de plus en plus radical. Et finalement, les partisans de l’oligarchie prennent le pouvoir en 411 av. JC avec le but avoué de revenir à la constitution de Solon mais avec le moyen de la terreur. A l’issue d’un vote illégal, l’Assemblée vote l’abolition de la démocratie et remet le pouvoir à un conseil des Quatre-Cents sur le modèle d’un conseil qui aurait mythiquement existé à l’époque de Solon. Ils suppriment la misthophorie et réduisent le corps des citoyens exerçant l’ensemble des droits civiques à 5000 personnes. Mais, ils ne peuvent s’installer et sont renversés par les marins et les soldats. La démocratie est rétablie dès 410 et on entreprend la révision des lois de Dracon et de Solon. La guerre n’est pas finie et les désastres militaires continuent pour Athènes. Le peuple devient ivre de son pouvoir selon. Même si, il arrive à restaurer la démocratie en 322.

Le peuple se détourne de l’Assemblée sauf pour décider de guerres que chacun espère fructueuses. Ce désintérêt de la vie publique peut s’expliquer par les conditions économiques qui sont désastreuses, le mystophorie sert à attirer les gens vers les assemblées mais seuls les pauvres viennent. Pour M. Humbert, la situation peut se résumer en 4 mots : « conformisme, égoïsme, radicalisme, providentialisme ». Ceci a des répercussions sur les institutions. Au IVe siècle, l’Assemblée perd de son pouvoir effectif. Pourtant ses pouvoirs théoriques sont de plus en plus importants et entraînent la Cité dans des politiques incohérentes et contradictoires tandis que l’ecclesia s’abandonne aux orateurs et aux politiciens sans scrupules. Cette inefficacité vient en partie du fait que la Boulé n’a plus joué au IVe siècle le rôle modérateur qui était le sien au Ve siècle. Or l’assemblée veut agir par décrets et ne plus s’embarrasser de la loi parce qu’elle est le peuple. Finalement, la loi n’a pas résisté à la crise politique, à la crise intellectuelle, à la guerre.

 

 

La crise de la démocratie qui affecta Athènes au 4ème siècle avant J.C n'est pas sans nous rappeler la situation actuelle. Certes les époques ne sont pas comparables, mais les mêmes causes ont tendance à produire les mêmes effets. L'implication citoyenne peut certes paraître moins primordiale dans notre démocratie représentative qu'elle il ne l'était pour la démocratie directe athénienne, mais le fait qu'une part de plus en plus grande de citoyens s'abstient de participer au seul acte où on lui demande son avis, le choix de ses représentants, est un signe inquiétant de désaveu de notre régime politique. Celui-ci n'a plus grand chose à voir avec la démocratie, se rapprochant plutôt de ce que les grecs appelaient oligarchie, c'est-à dire le pouvoir d'une minorité de professionnels de la politique, de technocrates

 

 

7.Plaidoirie pour la démocratie athénienne

 

 

 

C'est à la fin du vie siècle avant J.-C. que la cité d'Athènes devient une démocratie, une nouvelle forme de régime politique. Les citoyens athéniens (en grec le « démos » signifie le peuple, le corps des citoyens) ont le pouvoir (« cratos ») et sont au cœur des institutions et de l'administration de ce petit État. Pourtant, le fonctionnement de cette démocratie fait l'objet de beaucoup de débats au sein de la cité et il faut attendre le ive siècle pour que ce régime politique, toujours menacé, se stabilise… avant de disparaître.

La démocratie athénienne de l'Antiquité est en fait très différente de la nôtre, car les sociétés antiques n'ont ni les mêmes valeurs ni le même fonctionnement que les sociétés contemporainesLes citoyens à Athènes sont réellement les acteurs du jeu politique ainsi que des pièces assurant le bon équilibre.

 

I. Être citoyen à Athènes aux ve et ive siècle avant J.-C.

 

 

À l'origine, Athènes est un régime aristocratique : une forme de gouvernement où le pouvoir est détenu par les aristocrates, l'élite de la société par la richesse et la naissance. Cette élite, composée de quelques familles de grands propriétaires, détenait les terres et dirigeait la cité : le reste du peuple n'avait aucun pouvoir.

Le rôle des citoyens à Athènes a évolué au cours de la période :

en −594, Solon, un aristocrate, met en place l'isonomie : l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Mais Athènes n'est pas encore une démocratie ;

en −507, Clisthène (un autre réformateur) divise les citoyens en dix tribus comportant chacune trois dèmes (subdivisions territoriales correspondant à un village ou à un quartier). Les riches et les pauvres sont mélangés et participent ensemble à la vie de la cité. Cependant, les plus riches ont encore les postes de direction de la cité ;

au ve siècle, Périclès (un autre aristocrate) met en place des lois plus égalitaires : les pauvres peuvent désormais participer à la direction de la cité.

Beaucoup de débats animent Athènes pour décider si c'est l'ensemble du « démos » qui doit diriger la cité ou, au contraire, l'élite, les plus compétents….

 

 

Les citoyens sont au cœur des institutions.

 

 

Pour les citoyens athéniens, la démocratie est la liberté d'intervenir dans la vie et la politique de leur cité.

Athènes est une démocratie directe : tous les citoyens se réunissent dans une assemblée, l'Ecclésia, où ils décident de la politique de la cité par vote à main levée. Cette assemblée est toute-puissante et possède la souveraineté.

Les valeurs des Grecs de l'Antiquité sont assez différentes des nôtres. À Athènes, les citoyens ont des devoirs avant d'avoir des droits (idée qui n'est pas dans l'esprit de l'époque). Mais ils bénéficient de réels avantages : ils ont la propriété des terres, peuvent mener une action en justice, se marier légitimement, avoir des aides publiques…

Les citoyens bénéficient du mysthos permettant ainsi, de les motiver pour aller voter, c'est une véritable révolution.

Qui peut être citoyen à Athènes aux ve et ive siècles avant J.-C. ?

 

 

Depuis les réformes de Clisthène en -508/ -507 avant J.-C., pour être citoyen il faut :

être un homme libre ;

avoir un père athénien ;

être inscrit à l'âge de 18 ans sur les registres de son dème ;

avoir fait son éphébie (service militaire de deux ans que les Athéniens doivent faire à 18 ans).

 

L'Ecclésia peut donner la citoyenneté à un métèque s'il a, par exemple, combattu avec bravoure pour Athènes (métèques et esclaves sont mobilisables dans l'armée), mais c'est exceptionnel.

L'assemblée peut également voter l'exil d'un citoyen pendant 10 ans s'il a menacé la sécurité de la cité : c'est l'ostracisme.

 

 

II. Le citoyen dans la vie de la cité

 

 

1. Les citoyens défendent la cité

Défendre sa cité et mourir pour elle est considéré comme un honneur dans la Grèce antique. À Athènes, le citoyen est aussi un soldat. Après son éphébie, il peut être appelé à combattre pour sa cité jusqu'à 60 ans. Les citoyens votent eux-mêmes leur départ à la guerre.

 

Les guerres médiques contre les Perses ont été des événements importants pour la cité. Grâce à ses victoires, Athènes va dominer la mer Égée et les cités de la ligue de Délos. Elle devient riche et la démocratie se renforce :

en −490, les hoplites athéniens remportent la bataille de Marathon : les citoyens de classe moyenne gagnent le droit de diriger la cité avec les plus riches.

en −480 les rameurs, les plus pauvres, participent à la victoire navale de Salamine et sont aussi intégrés à la gestion des affaires publiques.

 

 

2. Les citoyens gèrent la cité

La cité est dirigée par trois assemblées et par des magistrats qui occupent des fonctions, politiques, militaires, ou judiciaires.

L'assemblée de l'Ecclésia est la plus importante institution de la démocratie athénienne. Elle se réunit tous les 10 jours sur la colline de la Pnyx. Les citoyens y votent à main levée les lois et décident de la paix, de la guerre et de l'ostracisme. Tous les citoyens peuvent proposer une loi ou un amendement. Les débats à l'Ecclésia peuvent être très violents.

La Boulè, le conseil de la cité, prépare les lois et veille à leur application. Elle est constituée de 500 citoyens tirés au sort pour un an au sein de l'Ecclésia.

L'Héliée est le tribunal d'Athènes. Il est principalement situé sur l'agora (place publique d'Athènes). Il est composé d'environ 6 000 citoyens de plus de 30 ans tirés au sort pour un an parmi l'assemblée. Il rend des sentences votées à bulletin secret et sans appel.

Les magistrats font appliquer les lois de la cité pendant un an. Les stratèges, les plus importants, commandent l'armée et sont élus chaque année. Les autres, comme les archontes, qui président les tribunaux et s'occupent de la religion civique, sont tirés au sort.

 

Tous les citoyens, riches ou pauvres, peuvent être élus ou tirés au sort pour exercer une magistrature. Le tirage au sort était perçu à l'époque comme une élection divine, tout le monde avait sa chance. les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire sont séparés, l'exécutif étant représenté par les stratèges, le législatif par l'écclesia et la Boulè, le judiciaire par l'Aréopage et l'Héliée. Le réel avantage de la démocratie athénienne est son petit nombre de citoyens, en effet, grâce à un tel nombre de citoyen la démocratie est directe, c'est le meilleur modèle pour respecter les valeurs et la place du citoyen au travers de la cité.

8.Que devons nous à la Grèce ?

 

Installés à l'origine dans une région pauvre au sol ingrat, les Grecs anciens, ou Hellènes, ont vécu disséminés en petites cités indépendantes sur les rivages du bassin méditerranéen. Ils ont élaboré une civilisation originale qui a marqué toute l'Antiquité et à laquelle nous devons beaucoup, aujourd'hui encore.

Les Grecs anciens prétendaient être les descendants d'Hellên, fils aîné du premier homme Deucalion. Les Grecs sont, en réalité, nés de la fusion de populations indo-européennes, venues du Nord par vagues successives, et de populations néolithiques occupant la péninsule balkanique. La première vague est formée par les Achéens, qui s'installent, à partir du II e millénaire av. J.-C., dans les régions riveraines de la mer Égée. Influencés par la civilisation crétoise au XV e siècle, ils forment de petits royaumes dont les centres sont des palais fortifiés, maîtrisent la métallurgie du bronze, pratiquent le commerce et la piraterie, connaissent l'écriture. Leur civilisation, appelée mycénienne, du nom de leur principale ville Mycènes, disparaît au cours du XIII e siècle av. J.-C., victime d'une nouvelle vague migratoire venue du Nord, celle des Doriens, qui occupent l'est de la Grèce continentale et le Péloponnèse. Les palais sont détruits par le feu, l'usage de l'écriture disparaît. Fuyant les Doriens, de nombreux Achéens s'embarquent pour les îles de la mer Égée et les côtes d'Asie Mineure. Cette migration est à l'origine du peuplement de la Grèce d'Asie.

Que doit-on à la Grèce? La démocratie, la littérature, les mathématiques, l'astronomie, la médecine, l'art, le théâtre… Les Grecs de l'Antiquité ont jeté les bases de notre civilisation occidentale. Il nous ont tout appris, de l'écriture à la philosophie, de la tyrannie à la démocratie. La Grèce possède une histoire des plus riches pour permettre d'avancer. Elle a inventé le débat démocratique et la citoyenneté, le droit. Elle a prôné la valeur de l'individu, l'égalité, elle nous a appris les tactiques de guerres.

 

\"Les Grecs n'ont pas inventé la cité, mais ils sont les premiers à réfléchir sur la nature du politique. Ils n'ont pas inventé la polis, mais ils ont inventé la politique: c'est-à-dire l'homme se prenant lui-même en charge.\"  (Sartre)

 

 

9.Que retenir d'Alexandre le Grand et des monarchies hellénistiques ?

 

 

En Grèce continentale, l’expérience de la cité a été finalement un régime faible qui n’a pas su construire des alliances durables et qui s’est épuisé en guerres entre les cités. C’est dans ce contexte d’affaiblissement que le roi Philippe de Macédoine va arriver à conquérir la Grèce, malgré le dernier sursaut d’Athènes galvanisée une dernière fois par l’éloquence de Démosthène.

Philippe laisse cependant subsister les vieux cadres sous le nom d’une ligue mais vide le concept de cité de sa substance. Quant à son fils Alexandre, il crée un empire où la cité disparaît. Et quand cet empire éphémère disparaît, la cité ne peut renaître comme cadre politique souverain.

 

Absorption dans le royaume de Philippe

C’est une véritable conquête des cités grecques que Philippe entreprend. Mais le procédé est habile. Les macédoniens, longtemps considérés comme des barbares se sont intégrés au monde grec. La meilleure preuve est qu’ils ont réussi à se faire admettre au Ve siècle aux Jeux Olympiques.

En 359, il commence par s’allier à Athènes pour l’aider à vaincre des cités qui ont quitté sa confédération. Il les conquiert, puis refuse de les restituer à Athènes et entame une progression territoriale contre Athènes en conquérant différentes cités. Athènes finit par être isolée et signe un traité avec Philippe en 346. Ce dernier promet de renoncer à toute expansion et Athènes se croit sauvée. Ce n’était qu’un faux répit pour gagner du temps. En effet, dès que l’occasion se présente, il attaque Byzance pour contrôler l’Hellespont. C’est la bataille de Chéronée en 338. Athènes et les cités libres sont vaincues, Philippe devient le maître de fait de la Grèce.Après la victoire de Chéronée, Philippe de macédoine agit avec prudence. Il constitue à son tour une ligue de cités, baptisée ligue de Corinthe, comme la première alliance contre les perses lors des guerres médiques. Mais, il en est évidemment le chef. Elle est dirigée contre les perses et Philippe exige un serment bannissant la guerre entre les cités membres de la ligue. Il leur impose des réformes dans leur constitution. Finalement, les cités deviennent les villes du royaume de Philippe. Il ne peut cependant mener à bien son projet et est assassiné en 336.

 

La fusion dans l’empire d’Alexandre

Alexandre remplace aussitôt son père. Et les cités pensent qu’elles peuvent se libérer de la tutelle macédonienne. Thèbes, capitale de la Béotie tente sa chance. Elle perd et Alexandre rase la ville et la fait disparaître après le massacre de ses habitants. Athènes, choquée comme les autres cités, accepte l’hégémonie d’Alexandre et confirme la mission de son père de conduire une expédition en Perse.Alexandre quitte la Macédoine en 334, soit deux ans après la mort de son père. Méfiant, il laisse la moitié de l’armée macédonienne pour surveiller la Grèce et n’accepte que de très faibles contingents grecs. La conquête est foudroyante. En 325, il est parvenu sur l’Indus. Puis, il meurt à Babylone deux ans plus tard en 323. Il laisse un empire, mais sans structures durables. Après la traversée, il enfonce sa lance dans le sol pour s’en proclamer le maître et commencer la libération des cités grecques d’Asie, intégrées dans l’empire perse depuis 545 av JC. Il est accueilli en libérateur en Asie, en Judée. Darius III pense l’arrêter grâce à son armée formidable.Grâce aux erreurs tactiques de Darius qui s’est privé de son meilleure général grec en le faisant mettre à mort pour ses conseils avisés, Alexandre remporte la bataille d’Issus et descend vers le sud.

Alexandre conquiert et se garde bien de rendre la liberté à quiconque, pas même aux cités grecques,

prétexte de l’expédition. Comprenant qu’Alexandre veut tous ses territoires, Darius rassemble une immense armée devant Babylone et l’équipe. Il perd la bataille, face à un Alexandre, grand stratège et ses compagnons tous de valeur. L'empire perse s’effondre rapidement.Sur les décombres de l’empire perse, naît un nouvel empire. Alexandre a une véritable idéologie de la

monarchie. Le monarque est divinisé avec une synthèse de la tradition grecque du héros (qui est un demi-dieu) et les conceptions orientales du pouvoir. Il récupère ainsi l’essence divine du pouvoir Le pouvoir s’uniformise dans les différentes possessions et le peu d’autonomie des cités grecques

disparaît, elles sont absorbées définitivement dans l’empire. Le citoyen grec n’est plus rattaché à sa cité, mais à son roi,qu’avaient les rois de Perse et la sacralisation des pharaons qui étaient des dieux vivants.» Alexandre te contrôle son empire en s’appuyant de plus en plus sur les Perses, suscitant le mécontentement chez ses fidèles Macédoniens. Son esprit fertile et jamais rassasié de gloire envisage de nouveaux projets grandioses.Sa mort prématurée arrête cependant ses projets. Et son empire se morcelle aussitôt. Il fait éclater le cadre de la cité qui marquait l’appartenance à une communauté.

 

Royaume hellénistiques :Ce seul titre, « les royaumes » annonce l’échec d’Alexandre le Grand. L’empire a éclaté, mais comme ce sont les lieutenants d’Alexandre qui ont pris le pouvoir dans ces royaumes, ils ont maintenu une unité culturelle et une unité de pouvoir qui fait que l’on peut parler de royaumes hellénistiques .C’est un régime ploutocratique qui est mis en place à Athènes. Athènes n’a plus jamais un rôle politique ou international. Elle devient une ville universitaire pour le monde civilisé après en avoir été un des modèles politiques. Dans le reste de l’empire, les diadoques ou lieutenants d’Alexandre se battent pour détenir la royauté. Rapidement, intervient le partage de Triparadisos (Syrie, 321) qui définit les grands ensembles. Puis, après quelques années, les lieutenants prennent en 306 le titre de roi. L’empire universel a vécu. Vers 280, les frontières en sont définitivement tracées. L’Égypte revient à Ptolémée, fils de Lagos. Il crée la dynastie lagide. Celle-ci se maintient jusqu’à la reine Cléopâtre en 31 av. JC. Syrie, Asie mineure jusqu’en Afghanistan, et jusqu’au pont au nord, deviennent le royaume des Séleucides. Ce royaume disparaît rapidement et est partagé. La Grèce et la Macédoine revient aux Antigonides, conquise par les romains de Paul Emile.Ces trois dynasties étaient dominées par un système monarchique d'origine macédonienne et orientale. Le roi y était divinisé et faisait l'objet d'un véritable culte. Ainsi élevé au-dessus des hommes, il incarnait l'héroïsme guerrier et l'effort civilisateur, étant protecteur des arts et des lettres. En ce sens, le monarque hellénistique est le lointain ancêtre du despote éclairé. L'élite culturelle de ces royaumes parlait la koinè (en grec, « commun ») grecque, qui devint la nouvelle langue internationale. Leur religion associe les dieux grecs aux divinités orientales dans un processus appelé syncrétisme ou mélange des religions. De même, leur art et leur littérature furent un mélange cosmopolite d'éléments grecs et locaux. De nombreuses cités furent construites, dont la plus

importante fut Alexandrie en Égypte. Au niveau du souverain : Ces rois sont roi Ptolémée ou roi Antiochos, ils ne peuvent se dire roi des égyptiens. Cela montre que leur pouvoir n’est pas fondé sur la nationalité. Mais ce pouvoir n’est pas non plus fondé sur une seule assise géographique, car les territoires contrôlés ne sont pas homogènes et réunissent des races, des langues, des religions différentes. Quand il règne , son pouvoir est absolu , c'est un Dieu parmi les hommes. Sa première fonction est guerrière , mais c'est aussi un protecteur du peuple et il dispose de fonction judiciaire , le roi c'est la loi.

 

 

10.Que retenir des institutions de Sparte ?

 

 

 

Les institutions politiques de Sparte apparaissent comme constituées à la fin du VIe siècle et au début de l’époque classique. Les auteurs anciens en attribuaient la paternité à un législateur unique Lycurgue, personnage plus ou moins légendaire. Il n’empêche que la constitution spartiate apparaît comme très originale, sans équivalent dans le monde grec, même si les anciens comme Polybe aimaient rapprocher son régime des institutions crétoises.

Il est certain que jusqu’au VIe siècle, Sparte est une cité aristocratique de type traditionnel. Cette aristocratie donne naissance à deux clans où sont choisis les deux rois de la cité, chefs militaires et religieux. Ils sont contrôlés étroitement par une assemblée des anciens, la gerousia qui est composée des chefs des familles principales.

Les trois classes sociales :

Les Spartiates (le terme officiel qui les désignait était celui d’égaux) étaient les

seuls qui possédaient des droits politiques et qui pouvaient être élus à des

charges publiques. Presque toutes les terres qui entouraient la ville leur

appartenaient, ils les faisaient cultiver par des esclaves.

Les Périèques étaient ceux qui habitaient en dehors du territoire de la cité. Ils

jouissaient de droits civils (et pouvaient donc avoir un métier commercial,

industriel, etc.,) mais n’étaient admis à aucune charge publique. Le service

militaire était pour eux obligatoire ; à la guerre, ils constituaient des corps

auxiliaires.

Les Hilotes étaient considérés comme esclaves, et comme tels n’avaient aucun

droit. Ils étaient obligés de travailler les terres des Spartiates et d’accomplir le

service militaire. Pour supprimer tout risque de révolte, les Spartiates les

traitaient avec cruauté et réprimaient toute désobéissance par des peines atroces.

Les hilotes formaient la plus grande partie de la population et vivaient dans des

conditions misérables.

Les institutions :

a)L'assemblée : Composée de tous les spartiates qui sont de naissance libre et qui n’ont pas été déchus de leurs droits civiques ou qui ne sont pas tombés au rang inférieur comme ne pouvant contribuer au syssition. On pense qu’elle se réunissait en plein air une fois par mois à la pleine lune.Ses pouvoirs étaient très limités. Plutarque indique qu’elle ne pouvait discuter les projets qui lui étaient présentés.De plus, ajoute Plutarque, si le peuple prend une décision contraire à la

constitution, les rois ou les magistrats peuvent la dissoudre. Ce que montre, la manière de voter, archaïque, par cris. D’où très peu de pouvoir réel. SI elle peut en théorie décider de la paix et de la guerre, élire les magistrats et désigner les gérontes, elle n’a aucune influence politique effective. On ne sait rien de plus sur cette assemblée.

 

b)La gérousia :La gérousia est une pièce maîtresse du système constitutionnel de Sparte. Elle est composée des gérontes, au nombre de 28 auxquels s’ajoutent les deux rois. Pour être géronte, il fallait avoir au moins soixante ans, i;e. dégagé de toute obligation militaire.

Ensuite, une fois élu, le géronte reste géronte à vie. Comment sont-ils élus ? Platon a rapporté leur mode de désignation qu’il juge « puéril ». Chaque candidat se présente devant l’Assemblée. Celui qui reçoit le plus d’applaudissements est élu. Ceci est évalué par des juges enfermés dans une maison voisine.

Quels sont ses pouvoirs ? Les auteurs pensent qu’ils assez semblables à ceux de la Boulé athénienne, de mettre en forme les projets qui seraient soumis à l’assemblée. A côté de cette fonction législative, elle a une fonction judiciaire : elle est une haute cour de justice criminelle. Mais, au fil du temps, leur pouvoir passa lentement entre les mains des magistrats ou éphores.

 

c)Les magistrats :Les éphores sont un collège de 5 membres élus pour un an. Au IVe siècle, les auteurs voient en eux l’élément démocratique de la constitution spartiate. En effet aucune condition de cens ou de naissance n’est exigée.Les pouvoirs des éphores sont en effet étendus. Ils coordonnent la vie militaire en indiquant la tactique à suivre et accompagnent le roi au combat. Mais leur fonction principale est de contrôler la vie sociale de la cité, et au premier chef l’éducation,Ils détiennent aussi les pouvoirs administratifs et judiciaires. Leurs pouvoirs sont donc considérables.Ainsi, ils peuvent décider de châtiments, percevoir immédiatement des amendes quand ils constatent une contravention aux lois, d’emprisonner, de condamner à mort un hilote. Mais la collégialité et l’annualité des fonctions empêchent le pouvoir personnel ainsi que les excès, d’autant qu’ils peuvent être mis en procès à leur sortie de charge.

 

d)Les rois :Mais l’élément le plus original de la cité spartiate est la présence de rois qui se sont maintenus à l’époque classique et jusqu’à la période hellénistique alors qu’ils disparaissaient partout ailleurs.

Et cette originalité est une double monarchie avec un roi issu de chacun des clans royaux, les Agiades, descendant d’Agis et les Eurypontides, Eurypon.

Les deux clans ne doivent pas se mêler et ils ne pratiquent pas d’intermariages. Cette royauté est héréditaire, mais pas nécessairement en ligne directe et pas nécessairement par ordre de primogéniture.Leur autorité n’est absolue que sur le plan militaire. En temps de guerre un des deux rois reçoit le commandement suprême et a une autorité quasi-illimitée en la matière. Autrement, leur pouvoir est surtout religieux. Leur prestige était énorme. Il faut aussi saluer le fait

qu’aucune des deux dynasties n’a éliminé l’autre et que ce système a certainement évité à Sparte de connaître l’épisode tyrannique qui a affecté les autres cités grecques.

 

 

11. Le film 300 reflète-t-il la réalité institutionnelle de Sparte

 

 

300 de Zack Snyder

Film qui a l'immense avantage de présenter de façon assumée de nombreux points  ouvertement  fantaisistes, voire fantastiques Il faut prendre le film comme un rendu de ce que pouvaient imaginer les grecs des Perses.

En effet si on s’intéresse aux faits historiques le film s’éloigne fortement de la réalité. Il n’en reste pas moins que le film met en lumière une époque historique.

 

 

Le contexte.

 

Vers 480 av J.-C., Xerxès, fils de l’empereur perse Darius Ier tente de reprendre les terres grecques gagnées puis perdues par son père et de les intégrer au système fédéral imaginé par ce même père, il a pour cela le soutien d’une vaste armée, dirigée par des officiers, organisée en bataillons structurés, en uniforme et disciplinés. Il possède également l’appui \"10 000 immortels\" décrits ainsi par Hérodote (grec) : \"Ces soldats, au nombre de dix mille étaient les meilleurs guerriers de l’empire. Chaque fois que l’un d’entre eux tombait au combat, un autre venait le remplacer, si bien qu’aux yeux de l’ennemi, ils n’étaient jamais ni plus ni moins de dix mille\".

De l’autre côté, les Spartiates, aux coutumes guerrières, qui offraient à leurs dieux païens des sacrifices de vierges et d’enfants, redoutés et détestés des Athéniens.

Lorsque Xerxès entreprend de reprendre ces petites cités isolées et ennemies les unes des autres, il s’attend à une victoire facile. Mais la mauvaise saison, le trop grand nombre de vaisseaux perses, la situation du détroit de Salamine, l’épuisement des soldats, voient sa flotte battre en retraite le 20 septembre de l’an - 480.

Cette défaite est la première de l’Empire perse depuis Darius et, malgré la défaite de Léonidas, roi sparte, l’union des cités grecques voit le jour et gagne sa liberté définitive treize années plus tard. Il faut cependant souligner que deux autres guerres battaient leur plein dans le même temps, dont les enjeux pour les Perses étaient bien plus importants : le soulèvement de l’Inde à l’est et celui de l’Egypte, plus au sud.

 

La cité de Sparte

 

L’adaptation rend compte de la spécificité dans le monde Grec de la cité de Sparte, connue pour sa tradition militaire. Le film débute sur un préambule mettant en scène ce que les Grecs appelaient « Agogè » et qui correspond au système éducatif spartiate. A sa naissance, l’enfant était en effet soumis à un examen par une commission déterminant si l’enfant était assez robuste pour vivre ou devait mourir pour ne pas être une charge pour la cité (comme Ephialtès, le spartiate bossu et déchu). Le réalisateur insiste bien sur l’embrigadement de la jeunesse par les autorités spartiates, l’enfant étant à l’âge de 7 ans arraché au berceau familial pour rejoindre le système d’éducation collective organisé par la cité, moment durant lequel l’enfant est soumis à des conditions rudes devant forger l’homme qu’il va devenir. Contrairement à ce que montrent les images du film, la séparation n’était pas si douloureuse, elle procurait même une certaine fierté auprès des parents qui, élevés dans les mœurs de cette tradition guerrière, voyaient dans ce rite de passage à l’âge adulte, une nécessité sans contestation possible. Le film n’énumère pas tous les détails de cette période rude pour l’enfant, puis pour le jeune homme, mais de manière générale rend bien compte de cette idée d’éducation guerrière et difficile qui était une réalité de l’époque constituant la spécificité du fonctionnement spartiate, du fait d’une éducation prise en charge par la cité.

 

Il nous appartient de corriger certains aspects relatifs au fonctionnement de la cité de Sparte et qui ne sont pas bien rendus. Tout d’abord, le film, nient l’existence du deuxième roi à Sparte. En effet, la cité de Sparte avait cette particularité d’être gouvernée par deux rois en provenance de deux familles, les Eurypontides et les Agiades, issues selon la légende de deux jumeaux descendants d’Hercule. L’analyse des textes attestent de la présence à Sparte, au moment concerné, du roi Léotychidas II (Eurypontide), qui est complètement négligé ici. On induit de ce choix la volonté de mettre en avant le seul personnage de Léonidas pour accentuer son héroïsme, du fait qu’il soit l’acteur principal de la bataille des Thermopyles. Cela dit, le film montre bien que le roi n’est pas seul maître des décisions au sein de la cité. En effet, son pouvoir était limité par les institutions et certains rois, comme Léotychidas, pouvaient être exilés à l’initiative des lois. Quant au « conseil » du film, il semble correspondre à la Gérousie spartiate, assemblée de 28 hommes normalement âgés de plus de 60 ans (ce qui n’est pas le cas dans le film) ou alors de l’Assemblée du peuple, mais son fonctionnement semble placé dans une perspective anachronique visant à en simplifier la compréhension auprès du public. Dans cette même idée, et il apparaît essentiel de dénoncer cette déformation historique, le réalisateur a complètement imaginé le rôle des Ephores dont seul le nom a été conservé. Les Ephores constituaient en fait un directoire de 5 citoyens Spartiates élus pour un an par l’Assemblé.

Les Ephores, élément tyrannique de la cité de Sparte, avec un pouvoir contrebalançant celui des rois, étaient à l’origine de bon nombre de décisions importantes et détenaient la réalité du pouvoir exécutif au sein de la cité, les rois ne gardant essentiellement qu’une fonction militaire. De plus, s’il est vrai que Léonidas avait consulté l’oracle avant d’engager le combat, celui-ci faisant partie intégrante d’une mentalité et d’une croyance commune à tous les Grecs, il se trouvait non pas à Sparte, mais à Delphes. C’est ce sanctuaire qui a prospéré et qui constituait une étape quasi systématique avant toute entreprise guerrière par les dirigeants du monde grec. L’oracle, connu sous le nom de Pythie, était souvent âgée, respirait certes des gaz douteux qui provoquaient un état de transe dans lequel elle rendait un oracle ouvert à toutes les compréhensions possibles. Elle était entourée de prêtres. Les Ephores et l’oracle constituent donc un des principaux détournements historiques opérés par l’auteur de la bd, et donc du réalisateur, qui a certes rétabli le nombre d’éphores à cinq, sans toutefois modifier leur caractère mystique sans doute considéré comme « nécessaire » aux besoins de l’écran.

 

Cependant, un aspect réel autour du film :

 

L’armement Perse

Les combattants perses étaient effectivement vêtus de robes de tissus et de bouclier en osier. Ce qui explique qu'ils évitent le contact mais utilisent les flèches.

 

 

Même ainsi, pourquoi sont-ils si peu nombreux ?

 

Pour Sparte, la raison donnée dans le film est la bonne : la fête des Carneia empêche les Spartiates de faire la guerre, car ce serait enfreindre leurs lois. Le même problème s'était déjà posé à la bataille de Marathon, les Spartiates devant repousser l'envoi de leurs hommes. Pour cette raison, le roi Léonidas ne se rend aux Thermopyles qu'avec sa garde rapprochée, composée de 300 hommes. Pour les autres cités, ce sont les préparatifs des fêtes d'Olympie, elles aussi à fort caractère religieux, qui les retiennent.

 

 

 

L'équipement des différentes troupes montrées dans le film est-il réaliste ?

 

Le réalisateur, même en exacerbant une puissance spartiate à toute épreuve, a néanmoins rendu compte d’aspects réels et intéressants pour ce qui se rapporte au domaine militaire. Tout d’abord  la narration de l’éducation spartiate met en scène cette évidente prépondérance de l’activité militaire au sein de la tradition de la cité. Et le moment où Léonidas interroge les Arcadiens sur leurs différentes professions constitue un élément intéressant : Le modèle grec habituel est celui de l’armée de citoyens (comme à Athènes), quel que soit la profession de chacun, comme c’est le cas ici. Or, la mise en scène de la question de Léonidas à son armée, « Spartiates, quelle est votre profession ? », reflète cette spécificité spartiate de l’armée de métier qui est à l’origine du mythe de la tradition guerrière de cette cité et de l’excellence de ses hoplites. Les hoplites correspondent à ce qu’on appelle communément des fantassins. Ils devaient se procurer eux-mêmes leur équipement qui, par ailleurs, est bien rendu dans le film, avec la forme du casque couvrant la majeure partie du visage, le bouclier de forme circulaire, les cnémides (protection des tibias)… Le système de la phalange hoplitique est également bien retranscrit durant la première scène de combat : arrivée sur le lieu désigné pour la bataille, la troupe d’hoplites se déploie en lignes serrées, épaule contre épaule, bras gauche replié vers le corps, en général sur huit à douze rangs.

 

12. Le roi antique

 

La Grèce a connu de nombreux rois et tyrans qui ont gouvernaient pendant presque X siècles. Chaque roi a posé une pierre sur un édifice qui a permis d’arriver au final à la démocratie athénienne du Vè siècle avant JC.

Au départ, dans les premières sociétés, les cités se sont dotées de rois dont notamment la toute première avec le roi Minos dans les sociétés archaïques en Crète vers 2000 avant JC.  D’ailleurs, cette royauté fut puissante, c’est ce qu’on montrait l’ampleur du palais de Cnossos. Cependant, cette civilisation s’effondre d’un coup, sans cause apparente et laisse place à une nouvelle ère, la société mycénienne.

 

Cette civilisation s’est développée dans la péninsule grecque alors même que celle-ci était encore florissante. Apparemment, au sommet de l’état, c’est un roi prêtre qui dirige l’état, appelé wanax. Cette monarchie est essentiellement militaire et sans doute héréditaire dans certaines familles. Il est intéressant de noter qu’à la tête de l’état, l’individu s’efface derrière la fonction car le wanax n’est connu que par son titre, jamais par son nom, alors que les grands officiers et ses rois, les baliseis, sont connus par leurs noms. Quoiqu’il en soit, ces états furent le siège d’une brillante civilisation qui disparait brusquement à la fin du XIIIe siècle av. JC. Leur disparition pourrait être liée à l’invasion des Balkans par un nouveau peuple les Doriens ou a un effondrement économique du système palatial.

C’est pendant cette période troublée que s’est façonné un premier monde grec. En effet, la cité, futur cadre du monde grec classique s’est résumé à cette époque. Le roi militaire perd son pouvoir au profit de l’aristocratie guerrière d’élite tandis qu’un nouveau type de ville apparait. Celui-ci est centre autour d’une place l’agora et non plus autour d’une forteresse, l’acropole. Le wanax disparait définitivement jusqu’au nom même.

 

S’en suit, la société homérique qui semble raisonner comme le glas du principe de la liberté, la cite homérique est dirigée par un basileus. Quant a savoir s’il s’agit d’un roi, les caractéristiques de sa royauté restent controversées. Le roi de l’époque d’Homère tient son pouvoir des Dieux dont il descend. Le pouvoir est donc détenu par une famille choisie par les dieux, ce qui lui donne une grande légitimité a exercer le pouvoir, et acceptée par le peuple. Le symbole de son autorité est le bâton de pouvoir, La transmission du pouvoir royal est dynastique selon l’ordre de primogéniture c’est-à-dire que l’ainé des fils du roi défunt lui succède. Quelles sont les fonctions de ce roi ? Il participe aux cérémonies du culte aux côtés des prêtres. Mais, il exerce rarement des fonctions directement religieuses. Il est plutôt un intermédiaire entre son peuple et les dieux. Surtout, c’est un chef de guerre.

Mais, à la différence des temps ultérieurs il n’agit pas en législateur. Cependant il est aussi un roi justicier dont le symbole est son sceptre. Il est en effet ≪ celui qui administre la Thémis ≫. C’est lui qui dit le droit. Cette Thémis est ce qui est licite, le droit qui est proclame par le roi. A cote du roi, on trouve une assemblée des Guerriers. C’est le conseil des compagnons du roi, eux aussi nobles et pouvant avoir le titre de roi. Ce qui indique que de multiples degrés sont possibles dans la royauté de l’époque homérique : on peut-être basileus, roi, basileuteros, plus roi qu’un autre, ou comme Agamemnon basileutatos, plus roi que tous les autres. Ces nobles forment donc le conseil du roi et se réunissent au palais royal ou se trouve le Prytanée ou feu sacre. A partir du VIIIe siècle, sur le plan des institutions, il semble qu’on assiste petit a petit a une fragmentation du pouvoir monarchique, voire a sa disparition. Apres avoir exerce un pouvoir viager, le roi devient un magistrat élu pour une période plus ou moins déterminée tandis que la réalité de l’autorité passe aux mains d’un conseil, plus ou moins large. Celui-ci est forme des seuls membres de l’aristocratie militaire.

Au VIIe siècle, l’Ancien pouvoir royal est partage entre neuf archontes (dont polémarque). Ils vont former un collège au VIe siècle.

Selon Aristote, ces neuf archontes sont élus « d’ après la noblesse et la richesse ». Ceci montre un régime à la fois aristocratique, et ploutocratique, gouvernement des riches.

 

Cependant, après une longue période de règne le Gouvernement était aux mains des Eupatrides et aux les magistrats les plus importants qui étaient les archontes, les lois étaient orales et étaient conservées dans la mémoire des magistrats. L’évolution des institutions est due a une crise économique et sociale qui va provoquer une crise politique qui va aboutir à l’établissement de la démocratie.

 

A Rome, après la fondation de la ville d'après la célèbre histoire de Romulus et Rémus, Commence alors l’époque royale qui voit se succéder sept rois. Romulus, après la fondation de sa cité rassemble un peuple, en accordant le droit d’asile à toute personne. Il réunit alors autour de lui un ramassis de brigands, mais pas de femmes. Comment les attirer. Par une grande fête avec le peuple sabin, voisin. Pendant la fête, les Romains enlèvent les femmes. Les Sabins veulent récupérer leurs femmes et leurs filles, mais comme ces gourgandines ont pris goût à leurs maris Romains, tout se termine par une réconciliation générale.

Ayant désormais un peuple, Romulus crée un sénat, une assemblée populaire, une armée. Il crée aussi la distinction entre patriciens et plébéiens. Ayant accompli son destin, Romulus disparaît.  Six autres rois lui succèdent jusqu’en 509. Romulus a donc fondé l’organisation politique de la cité. Numa, son successeur, inspiré par la nymphe Egérie, crée les cultes et le calendrier,  Le troisième roi, Tullius Hostilius, est un roi guerrier. Ancus Marcius ouvre Rome sur la mer en fondant Ostie. Les trois derniers rois sont des rois étrusques. Tarquin l’Ancien est un grand bâtisseur, Servius Tullius est un bon roi, Tarquin le Superbe est un tyran odieux. Son fils ou neveu, Sextus, viole Lucrèce. Elle le déclare à son mari Brutus qui renverse le roi et assassine le neveu. Lucrèce ne supporte pas son déshonneur et se suicide (prétexte artistique pour les peintres ultérieurs de montrer la constance conjugale sous les traits d’une femme nue ou dépoitraillée s’enfonçant un poignard dans le sein). La République est fondée. Voilà pour ce que l’on a longtemps appelé « le mythe » des origines.

 

Au 8ème siècle, l’investiture du roi revient aux patres et la royauté n’est pas héréditaire. Après la fin du règne, il y a un interroi, pendant lequel le pouvoir est exercé à tour de rôle par chaque pater pendant cinq jours consécutifs. Pendant l’interroi, le Sénat choisit le roi et lui donne l’investiture après désignation par les Dieux. Cet accord des Dieux est donné par les auspices, i.e. l’interprétation des volontés des dieux par le moyen de l’observation du vol des oiseaux. Le roi est le chef religieux et politique de la cité. Il est prêtre, général et juge. Prêtre, il est le lien entre le monde des hommes et le monde des Dieux. Il préside les sacrifices et prend les auspices. Il conduit l’armée à la bataille. Il juge les deux crimes les plus graves, le parricidium, meurtre d’un pater et la perduellio ou trahison. A côté du roi se tient le Sénat de 100 membres, dont la création revient à Romulus selon les anciens. En fait, c’est le Sénat qui a fait et qui faisait les rois. Il montre la puissance de l’aristocratie qui tient en lisière le roi. Et une aristocratie héréditaire naît, alors que la royauté ne l’est pas. C’est le patriciat, les patriciens étant les descendants des patres.

 

Mais c'est véritablement grâce à la royauté étrusque que Rome prend son essor. C’est avec la domination étrusque que Rome devient vraiment une ville, l’urbs. Cette domination dure d’environ 620 à 509 av JC. Avec elle, la monarchie unitaire est importée d’Etrurie et le pouvoir de l’aristocratie décline. Le roi a un pouvoir autoritaire et lui donne une orientation populaire. Roi populaire face à l’aristocratie terrienne. Voilà qui nous rappelle la tyrannie des cités grecques qui se place à la même époque. Ces rois furent Tarquin l’Ancien, Servius Tullius, Tarquin le Superbe. Avec la monarchie étrusque, le pouvoir est devenu absolu. L’autorité royale s’exerce sur tous, sans que le cadre gentilice vienne s’interposer ou que la noblesse patricienne y participe. C’est la notion d’imperium. Ce pouvoir d’origine étrusque se retrouve jusqu’à la fin de Rome. C’est donc une notion appelée à durer pendant des siècles. L’imperium est une puissance laïque, à la fois civile et militaire. Ce pouvoir est total. C’est un pouvoir de décision non partagé et sans appel. C’est donc un pouvoir souverain. Il est symbolisé et révélé par les douze licteurs et s’exprime par les faisceaux qu’ils portent.  La source du pouvoir a évolué par rapport à l’époque primitive. Les patres ne choisissent plus le roi et ne le font plus consacrer par les dieux. Le roi peut être désigné par son prédécesseur.

 

De fait, à la fin du 6e siècle, Rome est devenue une cité puissante, riche d’environ 100 000 habitants dont pense-t-on 30 000 citoyens. La cité est née. Elle s’est construite contre la noblesse qui a perdu des privilèges politiques en raison de la fin de l’interrègne et de l’augmentation du nombre de sénateurs. Et la nouvelle forme de richesse constituée par le commerce diminue l’importance de sa fortune terrienne. Pour ces raisons, le pouvoir royal lui est odieux et c’est l’oligarchie qui provoque la fin de la monarchie. Alors que le peuple lui est favorable et tentera sa restauration. C’est donc l’oligarchie qui instaure la République et qui reconstruit l’histoire en présentant les rois comme des despotes et rendit odieux le nom des rois. Mais la fin du pouvoir d’un seul aller donner naissance à un régime où le peuple jouera un rôle. La royauté tombe en 509.  En fait, c’est la prise de pouvoir par l’aristocratie, et la naissance d’une république oligarchique.

 

Il aura fallu atteindre cet épisode pour mettre bas à la royauté de Rome, comme nous l'avons constaté les rois de l'époque hénellistique et romaine, beaucoup tirés leur légitimité des Dieux, ce n'est qu'à la fin du VI ème à Rome, que cette légitimité va disparaître et avec elle la royauté.

 

13. La loi à Athènes

 

La loi

 

A Athènes, la loi est un véritable souverain. Le peuple et les magistrats sont soumis à ses règles. Et cette loi est la même pour tous les citoyens. Les philosophes et les poètes affirment la primauté de la loi.

La loi est faite par le peuple dans les assemblées. C’est donc ensuite volontairement qu’il se soumet à ses prescriptions. Mais la loi de la cité est une loi humaine. Elle peut entrer en contradiction avec des principes supérieurs, inspirés par la religion ou la coutume ancestrale. C’est le domaine des lois non écrites .On constate une évolution par rapport à l’époque antérieure. A l’époque homérique, on ne trouve pas la notion de loi. C’est la Thémis, ce qui est posé par le roi au moyen d’un jugement et qui doit être conforme à la notion supérieure de « Diké », voulue par les Dieux. Le roi ne crée pas le droit. Il le dit (cf. Rome et mtnt : juge= jus dicit). Il en va de même pour les réformateurs comme Dracon et Solon qui ont déclaré le droit sans le créer. C’est avec la démocratie qu’apparaît le concept de loi, nomos. Ce droit, nomos est une création humaine quand la themis est seulement la projection de l’ordre voulu par les Dieux. Œuvre des hommes, la loi est donc mouvante et non plus immortelle.Mais, même imparfaite, cette loi est le rempart contre la force. Les Grecs ont une réflexion sur la loi qui existe toujours dans le droit occidentale. Par contre l’organisation des corpus législatifs n’est pas la même que la notre. Si nous distinguons selon la matière (droit pénal, civil…), les Athéniens distinguent les corpus par l’organe et la procédure qui les ont institués (lois du Conseil, des Archontes…). Question de vocabulaire. On trouve plusieurs mots pour désigner ce que nous, nous appelons la loi,

thesmos, nomos et psèphisma. Thesmos désigne la règle établie et est le plus ancien des trois mots. Nomos recouvre à peu près la même chose et semble avoir été introduit par Clisthène. Habituellement, on fait entre les deux mots une distinction chronologique uniquement. Au sens technique, le psèphisma est obtenu par un vote au moyen de galets, les psèphoi. Pour le Ve

siècle, on traduit nomos et psèphisma par « loi », et certains auteurs, comme Xénophon emploient l’un pour l’autre. Au IVe siècle, nomos prend le sens de réglementation générale sans limite temporelle quand psèphisma désigne une réglementation d’espèce caduque une fois que son objet a été rempli. Pour cette période, on traduit le premier par le mot loi et le second par le mot décret. Déjà, à cette époque, la loi l’emporte sur le décret.

 

La loi et la liberté :

 

Avant de commencer, un rappel rapide de notions simples. Il ne faut pas confondre différentes formes de liberté, la liberté naturelle, consistant dans le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, la liberté civile consistant à n’obéir qu’à des lois et la liberté politique qui consiste à n’obéir qu’aux lois auxquelles le citoyen a donné sa sanction, soit directement soit par ses représentants. Le respect de ces différentes formes de la liberté constitue le but ultime et finalement le seul but de la

démocratie.Tout commence avec l’idée de liberté. Liberté d’obéir à la loi et comme le notent les historiens grecs qui rapportent la conquête de Xerxès, les Grecs se battent pour être libres d’obéir aux lois, loi égale pour tous et qui garantit par conséquent l’égalité.Qu’est-ce que cette liberté ? Au vu de ce que nous venons de dire sur la loi, la liberté est pouvoir agir à sa guise en observant les lois. Belle leçon de politique : la loi est supérieure à tout homme. C’est bien en obéissant aux lois

qu’on est libre, ce que rappelle Cicéron.Et cette loi qui est la même garantit l’égalité et donc la démocratie.

La liberté politique est la faculté laissée aux citoyens de choisir en toute indépendance le régime politique qu’ils souhaitent et d’assurer par eux mêmes leur gouvernement. La liberté est bien, relativement aux citations qui précèdent l’obéissance aux lois. La liberté individuelle permet à chacun de mener la vie qu’il souhaite. Les philosophes grecs connaissaient ces deux notions. Pour eux seule la liberté politique est la vraie liberté. La liberté est civique : c’est la liberté de vivre dans une cité libre, c’est à dire dans une cité où le citoyen obéit volontairement à la loi. Et il y obéit volontairement parce qu’il a contribué à la faire adopter. C'est un grand message du Criton : l’obéissance aux lois, seule, donne la liberté politique. La Cité antique exige le dévouement aux lois qui donnent la liberté. Le citoyen athénien obéit à la loi parce qu’il a participé à son élaboration, le citoyen moderne revendique contre la loi alors qu’il a participé à son élaboration. Finalement

le citoyen antique conçoit son existence comme des devoirs envers la Cité, le citoyen moderne conçoit la sienne en termes de droits à revendiquer de la Cité. En d’autres termes, le citoyen antique vit pour le bien commun de la Cité quand le citoyen moderne vit pour son intérêt égoïste.

 

Il faut savoir que Aristote a stigmatisé la trop grande richesse qui engendre mépris de la loi et ambition.

 

La loi écrite et non écrite :

 

On a vu que le nomos, création humaine, ne saurait être parfaite. C’est pourquoi les Grecs ont rapidement opposé la loi politique ou loi écrite aux « lois non écrites ». C’est ce qui

deviendra plus tard le droit naturel, un droit qui n’est pas d’inspiration humaine et qui préexiste au droit humain et lui est supérieur.Ces lois sont universelles et pérennes par leur origine non humaine et semblent avoir pour fonction d’opposer à la relativité de la loi humaine une loi inébranlable, qui a pour origine les dieux.

 

 

14. Les auteurs au chevet d’Athènes

 

 

 

Quand on demandait au philosophe Xénocrate en quoi son enseignement était utile, il répondait « à faire volontairement ce que la loi exige ». Il était donc évident que les philosophes, penseurs politiques, auteurs allaient méditer la décadence politique d’Athènes et tenter d’y proposer des remèdes. En vain. Leur rôle est primordial. Les Anciens pensent que la décadence d’un régime fait partie du cycle naturel comme le vieillissement fait partie naturellement de la vie. Après la décadence viendra la renaissance, c’est l’anacyclosis, si bien analysée par Polybe.Cependant le vieillissement des institutions, s’il est inéluctable n’est pas certain. Les hommes peuvent agir, à la différence de nos sociétés contemporaines où les hommes politiques se réfugient derrière les mécanismes mondiaux ou les forces intrinsèques à la société pour justifier leur inaction et leur manque d’anticipation. Evolution ou incompétence contemporaines ? Quoi qu’il en soit, les Athéniens pensent que la force morale peut enrayer le déclin, sinon « la faute en est au législateur qui n’a pas rendu les citoyens aptes à la vie de loisir », comme l’écrit Aristote. Les auteurs ont donc toute légitimité à présenter des solutions, réforme sociale ou des institutions pour retrouver l’état antérieur corrompu par des législateurs incompétents.

En fait, la démocratie fut souvent critiquée. Vers 431, juste avant le déclenchement de la guerre du

Péloponnèse, un pamphlet dénonce le régime comme favorable aux « méchants » et à leurs intérêts et terrible envers les gens de bien. La période est raillée de manière amère par un auteur comme Aristophane. Pour lui, les ambitions démesurées du demos ont conduit Athènes à la guerre et par là à la ruine.L’assemblée ne vaut pas mieux qu’un marais ou une basse-cour, ce qu’expriment les titres explicites de ses pièces de théâtre, Les Grenouilles ou les Oiseaux. Et pour lui, le peuple qui se croit tout puissant parce qu’il décide la guerre n’est finalement qu’un jouet entre les mains des démagogues. Dans Les Cavaliers, il montre une compétition entre ignorants et malhonnêtes pour diriger les affaires publiques. Par ses pièces, il a tenté de faire régir les citoyens. D’autres auteurs dénoncent la démagogie comme Euripide dans Oreste : il montre une assemblée du peuple argien qui se laisse entraîner par un homme arrogant « confiant dans l’éclat de son verbe et la grossièreté de son franc parler». Même, Euripide utilise le terme «liberté» de parole» pour désigner la manière dont parle le démagogue, ce qui montre que les valeurs changent. Liberté de parole qui n’existe plus pour Démosthène : « la vraie liberté de parole, vous l’avez entièrement bannie de vos délibérations », dit-il dans la 4ème Philippique. Pour un auteur comme Aristophane, les responsables du mépris de la loi, ce sont les sophistes. On le voit dans Les Nuées et une scène célèbre (1399-

1400) : le jeune Pheidippidès va à une leçon de Socrate. Après quoi, il a une querelle avec son père et il le roue de coups. Ensuite, il entreprend de prouver qu’il est juste de battre son père et s’écrie : « qu’il est doux de vivre dans le commerce de choses nouvelles et ingénieuses, et de pouvoir mépriser les lois établies ». Le père rétorque « mais nulle part, la loi ne permet de traiter ainsi son père ». Le fils répond que la loi est une décision humaine et comme toute décision humaine, peut être changée par un autre homme et montre qu’il pourrait faire établir une loi qui à l’inverse de l’ancienne permettrait de battre son père. Tout le relativisme de la loi est contenu dans cette scène au comique grinçant. Ils doivent donc vivre en société. Or sans les lois, la vie en société est impossible. Donc, pour vivre en société, l’homme doit obéir à la loi, c’est de la nature de l’homme. C’est un principe supérieur sur lequel l’homme ne peut revenir. Donc l’état de nature qui conduit à Mélos, n’est pas naturel. C’est l’obéissance aux lois qui est naturelle. C’est l’état de droit qui s’oppose à l’état de nature. C’est la raison pour laquelle il faut obéir à la loi, même injuste. L’historien Thucydide a lui aussi réfléchi sur la guerre et ses causes dans sa Guerre du Péloponnèse. Un tel comportement est une nouveauté chez les historiens. Avant ils sont contentaient de raconter les événements,de tenir une chronique. Après les guerres médiques, Athènes a selon lui recherché la puissance, grâce à l’impérialisme (parler de la ligue de Délos). De là, il fallait justifier la ligue et donc accroître la puissance maritime. Soit un engrenage infernal. La cité ne pouvait que s’effondrer.

 

 

15. les leçons constitutionnelles d’Aristote

 

 

 

Aristote lui préfère rechercher l’équilibre dans les institutions. Né en 384, il vient à Athènes en 367. Il enseigne dans l’école fondée par Platon. Puis, à la demande de Philippe de Macédoine, il devient le précepteur de son fils Alexandre entre 343 et 340. Puis, il retourne à Athènes, où il fonde son école, le Lycée peuplé des péripatéticiens, ceux qui se promènent pour discuter. Il compose La Politique, qui est fondé sur l’observation et la comparaison, d’où un ouvrage beaucoup plus en prise avec la réalité que ceux de Platon.

Ces deux fondements, observation et comparaison vont lui permettre de dégager des principes. Ces

principes vont permettre de définir la meilleure constitution possible : « On doit, en effet, examiner non seulement le régime politique le meilleur, mais encore celui qui est simplement possible » (ibid.). L’ouvrage décrivait 158 régimes différents, qui furent hélas perdus et que l’on connait quatre rouleaux qui étaient le traité sur la constitution d’Athènes.

Pour Aristote, en effet, la cité est une communauté formée pour permettre à l’homme de vivre et existe dans ce but. Seule organisation qui lui permet d’accomplir les fins de la nature humaine qui sont morales. Réalité humaine, la cité se développe comme l’être humain, mais comme lui peut mourir.

Il rejette l’égalité arithmétique de constitution athénienne. Pour lui, ceux qui exercent des responsabilités dans la cité et œuvrent pour le bien commun en raison de capacités supérieures doivent avoir des droits politiques supérieures. Comment alors déterminer ces capacités supérieures. Réaliste, il ne fonde pas le pouvoir sur des critères moraux comme Platon.

Pour lui, le critère mesurable est la richesse. Mais elle ne doit pas se fonder sur ce critère. En effet, ce n’est pas parce qu’ils sont riches que les riches doivent gouverner. La richesse est pour Aristote un moyen. En effet, elle est une source de liberté, donc il rejette les pauvres et tous ceux qui travaillent et dépendent de leur salaire ou leur travail.

La richesse est une source de loisir, donc de disponibilité pour la cité. Cette idée fonde les sociétés antiques. Ainsi, à Rome, le citoyen doit avoir le loisir, qui lui permet de se consacrer à la cité. C’est l’otium. C’est l’idéal et toutes les activités de travail sont définies par opposition à l’otium, c’est le negotium, qui a donné le négoce en français. Enfin, la richesse est une garantie de moralité. Le magistrat n’aura pas besoin d’être corrompu pour vivre puisqu’il a déjà la richesse et il servira sa cité par honneur et non pour s’enrichir. D’où une société censitaire dans l’esprit d’Aristote, mais une société où une richesse raisonnable permet le loisir car la richesse est source de désobéissance aux lois . Il est ici d’accord avec Platon pour qui « la recherche insatiable de richesses est une absence de loisir ». Cependant, il faut un contrepoids aux riches. Ce sera le peuple et la masse, qu’il estime à la différence de Platon.

Surtout, pour Aristote, il est difficile de corrompre un groupe nombreux, car dit-il, il est toujours plus difficile de corrompre une grande quantité d’eau qu’une petite. C’est ce contrepoids qui évitera que l’oligarchie devienne ploutocratie. Il concilie donc richesse et nombre. En outre, le corps social sera censitaire, un cens qui ne soit pas trop faible (éviter que les pauvres prennent tout le pouvoir), ni trop élevé (éviter que les riches ne ferment le pouvoir).

Il faut aussi contrôler l’ensemble du corps social pour empêcher sa corruption morale, et par là celle des lois : « l’amour des innovations a pour cause des habitudes de la vie privée ; il est bon de créer une magistrature qui aura l’œil sur ceux dont la façon de vivre peut causer un péril pour la constitution »

En fonction de ces critères qui forment selon lui les critères d’excellence d’une constitution. Il distingue trois régimes, la monarchie, l’aristocratie et son régime idéal la Politeia ou constitution. Il ne croit pas à la monarchie qui peut dégénérer en tyrannie ni dans l’aristocratie qui est fondée sur un critère moral et doit donc rester une hypothèse d’école. Il faut aussi rejeter l’oligarchie qui devient trop rapidement le gouvernement des riches et la démocratie qui devient le pouvoir de la seule foule et qui ne connaît que la loi du nombre. Cela a été le cas d’Athènes. Le meilleur régime est celui de la Politeia. Dans l’ordre concret, la masse civique est composée des petits propriétaires terriens, qui répondent à l’exigence d’un cens modeste. Laboureurs, ils juste assez de loisirs pour bien s’occuper de la cité et sont assez indépendants. Ils éliront les magistrats, contrôleront les comptes et traduiront en jugement les magistrats indélicats. Mais la masse urbaine, artisans et non propriétaires est exclue des affaires. Les magistrats seront choisis parmi les citoyens les plus riches, donc les moins accessibles à la corruption. Malheureusement Athènes n’écoutera pas les sages conseils d’Aristote.

 

Elle est vaincue par Philippe de Macédoine à la bataille de Chéronée. Pendant 14 ans, les rois macédoniens laissèrent subsister la constitution athénienne, puis elle fut remplacée par une constitution censitaire sur le modèle aristotélicien. Mais Athènes ne recouvra jamais sa splendeur institutionnelle passée. Elle conservait seulement l’illusion de l’indépendance et

devint un centre de culture, un centre universitaire où la culture philosophique brilla jusqu’à la fermeture des écoles païennes.

Pourtant, la pensée d’Aristote a eu une influence considérable sur l’Occident. Traduit du grec par

Guillaume de Moerbeke dans les années 1260, Aristote sert de base aux enseignements de la faculté des Arts de Paris dès les années 1340 et Saint Thomas entreprend de commenter la Politique. Et les théologiens du XIIIe siècle en tireront et proclameront l’origine naturelle de la société politique. Et de là l’existence de différents régna, existant de droit naturel, différents selon les climats, les communautés humaines… De là, à partir d’Aristote, il n’y a plus de place pour un empire universel qui en apparaît contraire au droit naturel. Finalement, le Moyen Âge a davantage réfléchi sur Aristote que la Grèce antique et en a tiré plus de conséquences qui ont bouleversé notre approche de l’existence des nations à la fin du Moyen Âge (voir donc importance le Philosophe chez Aquin ou le Nom de la Rose). En conclusion, il faut mettre en parallèle la définition de la démocratie athénienne selon Périclès dans le fameux discours rapporté par Thucydide et l’Aréopagitique d’Isocrate.

Périclès : « Pour le nom, comme les choses dépendent, non pas du petit ait par des citations. Heureusement, vers 1880, on découvrit dans les sables égyptiens.

 

 

16. La Grèce ou Rome comme modèle de nos institutions.

 

 

La démocratie est, selon la formule de Périclès, reprise 19 novembre 1863 par Abraham Lincoln, « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

Mais si l’on se penche sur la réalité démocratique, on s’aperçoit très vite, qu’à côté de l’idéal politique assez facile à identifier, cette réalité est justement beaucoup plus complexe, changeante, et finalement éloignée de cet idéal.

 

 

Aristocratie est l'un des principaux modes à Rome, aujourd'hui, nous pratiquons l'élection, or l'élection égale aristocratie, on élit quelqu'un désormais pour son charisme, son éloquence mais rarement sur ces capacités diplomatiques.

 

Crise identitaire romaine= Crise de l'UE.

Une des raisons principales de la crise romaine est la disparition de la classe moyenne, or, actuellement avec la crise économique et le ralentissement continu de la croissance, la classe moyenne est en train de se fissurer, à un tel point qu'elle a mis en péril tout une économie basé sur eux-mêmes. En effet, La fin de la république romaine présente de nombreuses similitudes avec l’époque contemporaine : forte immigration – de par la colonisation croissante de l’espace méditerranéen, remise en question  de la citoyenneté romaine  – comment définir le nous par rapport aux autres, baisse de la croissance démographique, déclin des valeurs traditionnelles, importance des loisirs…La constitution de Polybe reflète notre époque actuelle, en effet, il distingue d’abord trois organes dans la cité romaine : les magistrats coiffés par les deux consuls, le Sénat et le peuple qui chacun assume leur part dans les institutions. Ce n'est pas sans rappelé la séparation des pouvoirs que nous connaissons actuellement. Cependant, à Rome les pouvoirs ont en fait besoin les uns des autres et peuvent se heurter en fonction des réalités institutionnelles ou simplement sociales. Il en résulte des contre-pouvoirs et des compromis qui finissent par donner à la constitution romaine un certain équilibre de fait.

 

Division du corps judiciaire : à Rome :les magistratures inférieures, les magistratures supérieures et les magistratures extraordinaires.

17.L'enjeu des sources du droit dans l'Antiquité

 

 

A Athènes, la loi est un véritable souverain. Le peuple et les magistrats sont soumis à ses règles. Et cette loi est la même pour tous les citoyens. Les philosophes et les poètes affirment la primauté de la loi. La loi est faite par le peuple dans les assemblées. C’est donc ensuite volontairement qu’il se soumet à ses prescriptions. Mais la loi de la cité est une loi humaine. Elle peut entrer en contradiction avec des principes supérieurs, inspirés par la religion ou la coutume ancestrale. C’est le domaine des lois non écrites (voir infra). On constate une évolution par rapport à l’époque antérieure. A l’époque homérique, on ne trouve pas la notion de loi. C’est la Thémis, ce qui est posé par le roi au moyen d’un jugement et qui doit être conforme à la notion supérieure de « Diké », voulue par les Dieux. Le roi ne crée pas le droit. Il le dit (cf. Rome et mtnt : juge = jus dicit). Il en va de même pour les réformateurs comme Dracon et Solon qui ont déclaré le droit sans le créer. C’est avec la démocratie qu’apparaît le concept de loi, nomos. Ce droit, nomos est une création humaine quand la themis est seulement la projection de l’ordre voulu par les Dieux. D’où le conflit entre la justice et le droit vécu par Antigone et Créon. Finalement, les hommes constatent que le droit de la cité n’est pas forcément conforme à la justice supérieure. Œuvre des hommes, la loi est donc mouvante et non plus immortelle. Mais, même imparfaite, cette loi est le rempart contre la force. Il ne faut pas confondre différentes formes de liberté, la liberté naturelle, consistant dans le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, la liberté civile consistant à n’obéir qu’à des lois et la liberté politique qui consiste à n’obéir qu’aux lois auxquelles le citoyen a donné sa sanction, soit directement soit par ses représentants. Le respect de ces différentes formes de la liberté constitue le but ultime et finalement le seul but de la démocratie. Et c’est la démocratie qui apparaît comme le régime pouvant le mieux assurer la liberté du citoyen. Or seuls les Grecs connaissent la démocratie, donc, en bonne logique, « les barbares sont tous esclaves sauf un seul », exprime Hélène dans la pièce éponyme. Le Grec s’oppose donc au barbare par la civilisation mais aussi par la liberté. Liberté d’obéir à la loi et comme le notent les historiens grecs qui rapportent la conquête de Xerxès, les Grecs se battent pour être libres d’obéir aux lois, loi égale pour tous et qui garantit par conséquent l’égalité. Et cette loi qui est la même garantit l’égalité et donc la démocratie.

 

Les Grecs ont rapidement opposé la loi politique ou loi écrite aux « lois non écrites ». C’est ce qui deviendra plus tard le droit naturel, un droit qui n’est pas d’inspiration humaine et qui préexiste au droit humain et lui est supérieur.

 

Quand à Rome, son influence est immense dans la communauté européenne, le droit romain s'est transmis de génération en génération jusqu'à atteindre le XXI è siècle, c'est une immense mine d'or pour nous.

 

 

Au-delà de leur dimension épique ou mythologique, ces œuvres sont de véritables analyses sur la société, ses valeurs et ses modes de fonctionnement ; plus largement, elles nous renseignent sur les enjeux de l’époque à laquelle elles ont été rédigées, à travers le filtre de la trame narrative en elle-même. Enfin, elles évoquent aussi, pour la toute première fois, les concepts-clefs qui permettent de « penser » l’ordre social : le droit et la justice.

 

1 - Les poèmes homériques

 

Ils datent de la fin de l’époque archaïque, vers le milieu du 8ème siècle. L’Iliade et L’Odyssée sont peut-être l’œuvre de deux poètes successifs qui témoignent des problèmes politiques de leur temps qui s’analyse comme une phase de transition délicate entre le « féodalisme » des âges obscurs et le civisme en émergence. La société « homérique » apparaît très complexe, empruntant certains caractères à la vieille civilisation mycénienne et anticipant certains traits de la cité classique. Les communautés politiques décrites dans les poèmes homériques portent en elles cette dualité. Les royaumes de Troie ou d’Ithaque, entre autres, sont un mélange d’éléments « archaïques » et « modernes ». Il est évident que, sous couvert de récit épique, Homère ne fait que parler du présent qu’il connaît.

 

a) Les éléments « archaïques » sont les plus nombreux, les plus évidents.

 

D’abord, le caractère « féodal » de la société. Partout, il est question de rois ou « basileus », de nobles ou « aristées », de guerres incessantes pour des questions d’honneur ou de territoire.

 

Ensuite, l’ensemble du récit est sous-tendu par une morale héroïque qui est celle d’une aristocratie de guerriers, qui met en scène des héros pour lesquels le comportement idéal est le courage et la force au combat.

 

Enfin, l’omniprésence des dieux achève de « dater » le récit : les divinités interviennent sans cesse dans le déroulement des événements et prennent parti pour l’un ou l’autre camp, modifiant l’équilibre des forces. La société homérique emprunte beaucoup à la royauté sacrée mésopotamienne ou égyptienne. Non seulement, le roi a une dimension spirituelle, notamment il préside au sacrifice, mais de surcroît la dévolution du pouvoir politique est arbitraire*.

 

* (On saisit bien ce « flou institutionnel » dans le passage décrivant le royaume d’Ulysse à Ithaque : son héritier, Télémaque, bien que légitime, ne peut pas s’appuyer sur une constitution écrite et est en butte aux pressions des prétendants qui veulent épouser Pénélope et prendre la place d’Ulysse sur le trône d’Ithaque).

 

b) Les éléments « modernes » sont essentiellement au nombre de trois.

 

On découvre dans ces poèmes les prémices d’une économie marchande fondée sur la navigation et qui permet la circulation des biens entre les différentes entités politiques évoquées par Homère.

 

On trouve, aux côtés des figures emblématiques de l’épopée que sont les héros, la présence de « conseillers » dont les qualités sont « politiques » et non pas « héroïques ». C’est la figure intellectuelle du philosophe et du juriste qui fait son apparition et annonce l’ère des législateurs.

 

Enfin, il est souvent fait mention d’assemblées, tantôt aristocratiques, tantôt démocratiques, qui interviennent pour conseiller le roi. Homère évoque des réunions sur l’agora, cette place qui deviendra le principal lieu de la vie politique à l’âge classique.

 

c) La poésie d’Homère atteste  d’une réflexion juridique très ancienne.

 

Le droit est évoqué à plusieurs reprises, tant dans L’Iliade que dans L’Odyssée, par l’évocation concurrente de deux divinités tutélaires : Thémis et Diké.

 

Thémis est une divinité symbolisant la Justice. Précisément, elle est la fille de la Terre et du Ciel étoilé, et elle est l’épouse de Zeus, le roi des dieux. En théorie, elle reçoit son inspiration, mais elle semble également être là pour garantir la justesse de ses décisions divines. Thémis garantit l’ordre universel, et assure au Monde, selon la définition homérique, discipline, justice et paix.

 

Diké, qui se présente comme la fille de Thémis, symbolise le Droit. Elle est associée à l’idée de « jugement », puisque le poète associe le verbe « dikazein » à une scène judiciaire représentée sur le bouclier d’Achille, dans laquelle les Anciens « disent leur jugement ». Par conséquent Diké est, pour Homère, le droit en tant que sentence judiciaire, ce qui pose la question de l’administration de la Justice.

 

 

2 - L’œuvre d’Hésiode

 

Les Travaux et les Jours (et La Théogonie) ont été écrits moins d’un siècle après Homère. L’œuvre d’Hésiode est d’abord, porteuse d’une véritable philosophie politique qui prône la supériorité du travail manuel (celui de la terre), de la paix et de la justice sur la morale aristocratique, le goût de la guerre et la loi du plus fort. C’est l’apologie du travail comme remède à tous les maux de la société. Hésiode associe étroitement le travail à la justice et écrit que de toutes les sociétés qui se sont succédées à la surface de la Terre, celles qui ont cédé à la démesure et à l’héroïsme guerrier ont péri misérablement, alors que celles qui se sont consacrées à la justice et au travail ont été favorisées par les dieux. Faire du travail une valeur fondamentale en l’associant à la justice, c’est une approche extrêmement différente de celle d’Homère et en même temps très « moderne »*.

 

* (d’une certaine façon, au prix d’un gros anachronisme, on pourrait dire qu’Hésiode est peut-être le premier auteur « réformiste » de l’histoire de la pensée politique, par opposition à Homère qui, serait plutôt le « conservateur », qui revendique la liberté de guerroyer et l’honneur de conquérir. Hésiode met en avant les qualités et l’opiniâtreté du peuple, Homère glorifie le courage et la volonté des héros. Il s’agit là de deux approches très différentes de la société.)

 

Toutefois, sur la question de la justice même, Hésiode reste proche d’Homère, se contentant de développer la famille « céleste » de son prédécesseur : Thémis, la Déesse de la Justice, a désormais trois filles qui sont, Diké, représentant le Droit, Economia incarnant l’Ordre, et Eiroéné symbolisant la Paix. La plus importante des trois est Diké, née de l’union de Thémis et de Zeus. Hésiode considère que tous les hommes doivent obéir à Diké, qui tient le compte de leurs forfaits et qui les punira un jour. Elle se rapproche de la notion de « nomos », la norme applicable à tous qui prévaudra dans la cité. Toutefois, la distinction entre le droit, la morale et la religion n’est pas encore d’actualité. Il faudra attendre les législateurs de Sparte et d’Athènes pour se trouver en présence de lois au sens plein du terme.

 

Que doit-on retirer des œuvres d’Homère et d’Hésiode ?

 

Sur le plan juridique, la mise en avant d’une justice humaine, même si celle-ci se rend toujours sous le regard des dieux, et la première définition du droit, qui procède d’une volonté de rendre la justice et de la nécessité d’assurer l’ordre social.

 

Sur un plan politique, Homère et Hésiode incarnent le point de départ d’une création institutionnelle qui a permis aux grecs de quitter l’âge archaïque pour entrer dans l’ère du civisme. Ils ont formalisé les notions de justice et d’ordre social, en les légitimant par le recours aux mythes. Platon et Aristote n’auront eu, finalement, qu’à faire la synthèse de ce qui les avait précédés, puis la critique.

 

 

18.La fondation de Rome : mythe ou réalité ?

 

 

 

La fondation de Rome remonte à légende de Romulus et Rémus.

Le Dieu Mars tombe amoureux de Rhéa Silvia, l’honore dans son cachot et de cette rencontre naissent deux jumeaux Romulus et Remus. L’oncle indigne, se doutant de la paternité divine (Rhéa est au secret depuis des mois !), hésite à le mettre à mort et s’en remet aux éléments. Les jumeaux divins sont mis dans un berceau qui est jeté au Tibre dont on espère qu’il les engloutira sans laisser de traces. Mais le cours de la rivière est capricieux. Le berceau s’échoue, une louve est attirée par les cris des enfants et décide de les allaiter plutôt que de les bouffer. Quelques années plus tard, Romulus et Remus sont découverts par le berger Faustulus qui estime qu’il est grand temps de leur donner une éducation humaine. Les deux frères grandissent, puis décident d’accomplir leur destin. En ce temps-là, cela passe souvent par la fondation d’une cité. Les deux frères se placent sur des collines et observent le vol des oiseaux. Remus voit neuf corneilles, Romulus voit douze vautours. Lui revient le droit de fonder la cité. Il s’y applique aussitôt en traçant les murailles de sa ville grâce à une charrue, opportunément présente sur les lieux. Avec une certaine emphase, Romulus prononce la phrase consacrée défendant l’entrée à quiconque. Remus, un peu jaloux n’en tient pas compte et joue à sauter à pieds joints par-dessus le sillon des murailles. Furieux de cette taquinerie qui s’apparente à un blasphème, Romulus égorge son frère en déclarant « Périsse ainsi quiconque franchira mes murailles ». L’état romain est alors fondé, on constate la naissance d’un ordre politique par cette édiction d’une règle, fût-elle négative et la punition immédiate de ceux qui transgressent la règle. Ayant accompli son destin, Romulus disparaît. En fait, Rome est liée au Palatin. Elle est indissociable de Romulus. C’est au pied du Palatin que le berceau de Romulus et Remus vient s’échouer. C’est encore au Palatin qu’on voyait au Palatin une cabane pieusement entretenue et restaurée qui aurait été celle des bergers ayant recueilli Romulus et Remus. Ensuite, c’est sur le Palatin que se place Romulus pour voir le vol des oiseaux qui signifieront l’approbation des dieux à la fondation de la ville tandis que son frère Remus choisit l’Esquilin. Et c’est sur cette colline survolée par douze vautours que Romulus fonde sa ville. Rome serait née sur le Palatin et apparemment c’est là qu’il faut chercher les traces de la fondation de Rome.

Et qu’ont donné les fouilles? Il faut revenir en arrière. Les fouilles n’avaient rien donné. Et on avait abandonné l’idée d’expliquer la naissance de la Rome de Romulus. Voire on l’avait niée et certains reportaient au VIe siècle et aux temps de la présence étrusque l’existence d’une ville. Ou alors, on tenait pour une réunion de villages distincts et autonomes. Entre les tenants de la fusion et ceux de l’expansion à partir d’un noyau original, le débat a été très violent jusqu’aux années 70. Et la thèse de la fusion avait fini par l’emporter. Et on avait fini par considérer que la tradition de la fondation par Romulus était un mythe qui avait transposé dans la légende une suprématie de fait du Palatin. Cela n’aurait que manifesté les mentalités des époques postérieures qui avaient inventé ce mythe. Donc, soit il fallait sacrifier la légende car les traces d’habitat y sont plus anciennes, soit sacrifier le Palatin. En 1985, le professeur Andrea Carandini fut chargé de l’exploration d’une zone située au pied du palatin, sur le forum entre l’arc de Titus et la maison des Vestales, zone jusqu’à maintenant à l’écart des zones traditionnelles de fouilles. On a d’abord trouvé les restes de maisons républicaines. Dessous, on a trouvé plusieurs grandes demeures datant du VIe av JC avec atrium et jardin, soit déjà les caractéristiques des demeures de l’aristocratie romaine. En continuant, les archéologues se rendirent compte que ces demeures reposaient sur un gigantesque terre-plein d’environ deux mètres de profondeur. Et alors que cela aurait suffi à assureur pour longtemps le bonheur des historiens qui se seraient penchés sur le problème passionnant de l’apparition de la maison romaine ou du réaménagement de la Rome du VIe siècle, et bien, d’autres vestiges plus anciens encore apparurent. Petit à petit un système de fortifications est sorti de l’oubli. Trois murs s’étaient succédé, le premier vers 550, le deuxième vers 600 en grands blocs réguliers de tuf, le troisième vers 675, en éléments moins élaborés. Voilà de quoi révolutionner la Rome royale. Et sous ces murs, on trouva la trace d’un autre mur, encore antérieur et reposant sur la terre vierge. Il semble avoir été fait de bois et d’argile. Et on put le dater des environs de 730 par des fragments . Et quinze mètres en amont de ce mur, on trouva les traces d’une palissade soigneusement entretenue, en fait les traces des trous des piliers de bois, avec un tracé répété et rectiligne, ce qui exclut complètement l’hypothèse de cabanes. Et l’espace entre la palissade et le mur resta vide d’occupation humaine pendant 200 ans. Donc, pour la première fois dans l’histoire des fouilles à Rome, on dispose au cœur de Rome de vestiges matériels pouvant illustrer la fondation de Rome et ce sur le lieu même de la fondation légendaire. En effet, comment ne pas penser à la fondation de Romulus, fondation que la tradition littéraire illustre par l’institution du pomerium, fortification symbolisant la limite sacrée de la ville nouvellement fondée. D’autant que ce mur est en contrebas et qu’il est difficile de lui assigner une fonction purement défensive. La correspondance est « plus que surprenante, étonnante, hallucinante même, et pour dire la vérité presque choquante » écrit Grandazzi qui a visité les fouilles. Vraiment toutes les certitudes vacillent et toute la recherche historique qui avait séparé depuis un siècle les éléments légendaires des événements historiques se trouve désemparée. Car quelques pierres et quelques trous remettent en cause une construction intellectuelle de plus d’un siècle. Et les esprits les plus favorables pensaient que l’institution du pomerium par Romulus était une reconstruction savante des historiens de la fin de la République romaine

 

 

19.Polybe a-t'il raison de parler de constitution mixte ?

 

 

 

Pourquoi s'attarder sur la vision de Polybe ? C’est parce qu’il a donné le plus ancien exposé systématique de la « constitution » romaine qui nous soit parvenu. Son exposé fut sans doute rédigé vers 150-140 av. JC, mais Polybe veut y rendre compte de la réalité des institutions de la Rome de la fin de la deuxième guerre punique et du début du IIe siècle. En effet, c’est pour la Rome institutionnelle un contact très important avec le monde de la pensée grecque dont Polybe est l’héritier par sa culture et par sa formation. Et en tant grec, Polybe a raisonné sur les institutions romaines depuis l’extérieur et en a donné une analyse qui est indépendante des schémas explicatifs que les romains donnaient à leurs institutions politiques en se référant à leur propre droit et à leurs propres fictions. En outre, son influence fut considérable sur la pensée politique européenne, il représente l’archétype de la pensée sur les régimes mixtes. Le régime mixte apparaît comme le modèle absolu d’équilibre. Pour lui c’est le meilleur exemple de ce qu’il appelle les « constitutions composites » car on y trouve les trois types de pouvoir, issus de la monarchie, de l’oligarchie et de la démocratie. Il distingue d’abord trois organes dans la cité romaine : les magistrats coiffés par les deux consuls, le Sénat et le peuple qui chacun assume leur part dans les institutions. Ainsi, il a réussi combiner trois types de régime différents qui correspondait à l'époque à la classification archaïque. En effet, du point de vue des consuls, la constitution apparaît comme monarchique, car les consuls qui ont succédé aux rois dirigent la guerre et président le Sénat. Du point de vue du Sénat et au vu de son influence, elle apparaît aristocratique, car il groupe les anciens magistrats. Et elle semble démocratique si on s’en tient au peuple, car le peuple élit les magistrats au sein des comices, peut voter des lois ou annuler la décision des magistrats (confusion avec la plèbe). Mais, ces trois organes qui ont en théorie leur domaine de compétence officiellement indépendant des autres pouvoirs, ont en fait besoin les uns des autres et peuvent se heurter en fonction des réalités institutionnelles ou simplement sociales. Il en résulte des contrepouvoirs et des compromis qui finissent par donner à la constitution romaine un certain équilibre de fait. Pour lui il ne s’agit pas seulement de voir le pouvoir en droit de chacun des organes de la constitution romaine, il s’agit aussi de voir ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils font réellement. Ce qui, malgré quelques contresens de Polybe dus à un manque de longue familiarité avec les institutions romaines nous livre la réalité de la pratique institutionnelle romaine. Mais Polybe sait que l’examen du droit ou de la pratique ne suffit pas et qu’il faut aussi envisager les rapports à savoir opposition ou dépendance des différents organes entre eux. Il montre alors comment les consuls dépendent du Sénat et du peuple, notamment dans la reddition des comptes à leur sortie de charge. Puis, il montre comment le Sénat dépend aussi du « plus grand nombre » et comment il doit dans ses décisions rechercher « l’approbation du peuple » et dépend de du veto des tribuns. Il conclut sur le Sénat : « Pour toutes ces raisons, le Sénat craint le peuple et reste attentif aux réactions de l’opinion publique ». Mais à l’inverse, il montre que le peuple dépend aussi des consuls et du Sénat. Il y voit une « dépendance analogue » pour tout ce qui est des adjudications publiques qui sont données par le Sénat et c’est aussi parmi les sénateurs que l’on choisit les juges des tribunaux qui jugent les litiges qui ont de l’importance. Et il arrive à la conclusion que Rome a la meilleure constitution possible, faite d’un mélange harmonieux des trois régimes simples.

 

Cependant, l'équilibre trouvé est toujours et inévitablement rompu par l’accroissement des désirs et des passions politiques qui ont tendance à se développer dès que l’équilibre est atteint. Polybe permet donc à Rome de prendre conscience de sa puissance qu’elle doit à sa constitution, mais aussi lui permet de réfléchir sur la possibilité et les raisons d’un déclin prochain de sa constitution, ce qui arrivera bientôt avec la crise de la République.

 

 

 20 - La loi des XII Tables

Depuis 462, la plèbe réclame des lois écrites qui fixent le droit. Et le patriciat refuse. En effet, mettre le droit par écrit, c’est en dévoiler le texte du droit et permettre à tous d’en prendre connaissance. C’est donc le soustraire au monopole exclusif des pontifes patriciens. Et définir le droit, c’est en fixer les bornes, « assurer à tous une égale liberté », selon Tite-Live. Sinon règne « un droit incertain et une coutume quelconque » écrit Pomponius sur cette période. L’enjeu est immense et la plèbe se décide une nouvelle fois à faire sécession. Le patriciat cède et permet la connaissance du droit, ce qui permet la liberté. Tite Live ne s’y est pas trompé, commentant ces événements de 451, il écrit : il fut décidé de « faire des lois, afin de rendre pour tous, des plus grands aux plus petits la liberté plus égale ». Cette égalité juridique parut aux romains aussi importante et aussi révolutionnaire que le changement de 509. C’est la naissance de la loi des XII tables, le plus important monument législatif romain jusqu’à Justinien mille ans plus tard, et dont Justinien recueillera des fragments dans sa propre œuvre de codification. Comme l’a bien écrit Tite Live, c’est la source, la

fontaine, « fons », de tout le droit public et privé romain. Pourtant on n’a pas retrouvé d’un seul tenant le texte de la loi des XII tables, dont on sait pourtant qu’il était affiché dans les temples, gravé sur des plaques dans de nombreuses villes et en plusieurs lieux à Rome. Pourtant dès la fin de la République, il n’y a plus aucun texte d’un seul tenant… On en connaît l’essentiel par des fragments cités par les différents auteurs de l’Antiquité, lesquels ont permis de reconstituer la plus grande partie du texte. La tâche de codification a été confiée à une commission de dix magistrats extraordinaires, choisis pour un an et munis de l’imperium consulaire. Ce sont les decemviri legibus scribundis. Les deux consuls en ont certainement fait partie et l’intercessio tribunicienne fut de son côté mise en sommeil dans un souci d’apaisement. Une mission fut préalablement envoyée en Grèce pour étudier les lois de Solon et les copier. Et ceci n’est pas une légende car on trouve de nombreuses influences de la Grèce dans le droit inscrit dans les XII Tables. Et « le style lui même des XII Tables, éclatant de clarté, de sobriété, de concision, atteint un si haut niveau de culture que l’hypothèse du modèle grec en devient presque une nécessité » écrit M. Humbert. Et de fait la rupture est totale avec le style des premières lois de la République, style lourd et répétitif. En fait, cette œuvre ne reprend pas tout le droit. Ainsi, on y trouve très peu de droit privé. Elle reprend tout ce qui était mal connu, était resté occulte ou était litigieux entre le patriciat et la plèbe. Dès 450, 10 tables sont rédigées, en 449, deux autres viennent les compléter. Mais, les décemvirs voulurent rester au pouvoir et l’un d’eux Appius Claudius, abusant de son autorité voulut se faire livrer une jeune fille comme esclave, Virginie. Son père préféra la tuer. L’émotion fut énorme à Rome, un soulèvement populaire eut lieu et les pouvoirs normaux furent rétablis. L’affaire est intéressante juridiquement à plus d’un titre. Virginie est sur le chemin de l’école quand Marcus Claudius met la main sur elle, « manum injecit » nous dit Tite-Live. L’acte est juridique, c’est une manus injectio, par laquelle on revendique la propriété. Donc Marcus Claudius revendique la propriété de Virginie, comme étant son esclave. Il essaie de l’enlever, mais devant les protestations des témoins, il l’assigne devant le juge, Appius Claudius, dont il est le client et pour lequel il agit. Au tribunal, sans écouter qui que ce soit, donc sans aucun respect d’une procédure contradictoire, ce qui est déjà un scandale

judiciaire pour les Romains du Ve siècle, Appius attribue la possession de Virginie à Marcus. Comme l’écrit Tite-Live, il était prêt à se jeter sur elle « comme une bête sauvage ». Pour sauver sa fille, Verginius poignarde sa fille en lui déclarant, « c’est le seul moyen de te conserver libre ». Le scandale est énorme parce qu’Appius a jugé contre le droit et contre le droit qu’il a lui-même édicté comme Décemvir. Arrêté, Appius Claudius se suicide en prison. Les deux nouveaux consuls firent ratifier les XII Tables. Gravées sur pierre, elles furent affichées au forum. Quelles en sont les principales dispositions ? Elles fixent tout d’abord la procédure. Elles permettent que le débiteur ne soit plus livré au créancier qu’après une décision judiciaire (même si les droits du créancier restent aussi rigoureux). Mais la formule des actions en justice, nécessaires pour agir en justice ne sont pas encore divulguées. Ensuite, la propriété et la famille sont reconnues comme les fondements de l’ordre social. Ainsi, les moyens d’accéder à la propriété (usucapion), et de la défendre (définition du vol, atteintes aux récoltes…) sont publiés. Dans l’ordre du droit de la famille, la tutelle, l’ordre des héritiers, les limites à la puissance paternelle sont déterminées. La loi des XII Tables fixe les divers types de châtiment et pose le principe que « seule l’assemblée souveraine du peuple pourra prononcer la mort contre un citoyen ». Or cette juridiction était auparavant celle des consuls. Ceux-ci conservent seulement le droit de châtier immédiatement, même par la mort, les refus d’obéissance, ce qui est exprimé par le fait qu’ils conservent l’usage de leurs licteurs. Malgré ces concessions, le pouvoir du patriciat reste intact. Son monopole d’accès aux fonctions consulaires n’a pas été remis en cause par la loi des XII Tables. Et même, il a obtenu l’interdiction des mariages entre patriciens et plébéiens, rapportée sous la pression de la plèbe dès 449. L’œuvre des decemviri a donc été de rédiger un code qui a déterminé toute l’histoire du droit romain. Il semble que la notion de jus, droit  apparaisse vraiment à cette époque, remplaçant la vieille notion de fas. Et de fait, leur œuvre juridique et sociale est très importante. Polybe considère qu’à la date de la loi des XII Tables, la constitution romaine est formée et qu’elle n’a plus qu’à se perfectionner. Cicéron fait de même dans sa République. Dans le De Oratore, il indique que par son autorité, ses implications pratiques, la loi des XII tables surpasse des bibliothèques entières de philosophie. Pour Tite-Live, la loi des XII Tables est la « source de tout droit public et privé », « fons omnis publici privatique iuris », permettant selon Pomponius au droit privé de commencer à couler. Le droit est fondé, ius conditum, comme la Cité avait été fondée par Romulus. Et c’est bien un ius, non Fas, car les Dieux, si présents dans toute la vie politique romaine, sont étrangement absents de la procédure de rédaction de ce droit, à la différence de l’Athènes de Solon. Il est cependant difficile d’apprécier les véritables buts des decemviri, tant l’œuvre reste disparate avec des éléments très en faveur de la plèbe et d’autres qui lui sont totalement contraires comme l’interdiction des mariages mixtes. Mais ce droit parfait a vite dégénéré par les 2 tables supplémentaires dues à l’hybris des decemviri, tables contenant des textes injustes comme l’interdiction de mariage entre plébéiens et patriciens. Là la leçon solonienne n’est pas retenue, car Solon a quitté Athènes pour dix ans après avoir posé ses lois, pour ne pas être tenté d’ajouter ou de retrancher du droit. De même tous les législateurs pythagoriciens ont une phobie de modifier un texte de loi établi. Donc le texte fondateur du droit de la cité, établi par l’homme seul est victime aussitôt de leur hybris. Grande leçon que celle de l’établissement des XII Tables. Finalement, la volonté d’être exhaustif, travers de chaque codificateur, conduit au chaos du droit alors que son œuvre devait être celle d’un démiurge organisant le chaos du droit antérieur. Codifier, œuvre de Sisyphe serait-elle la leçon que nous donne les XII Tables. On comprend mieux alors que Justinien ait avec humilité rendu hommage aux XII tables dans sa propre œuvre codificatrice. Comme le premier grand procès qui suit le texte de loi, celui de Virginie, montre le triomphe de l’iniquité sur le droit. Mais autre leçon, le législateur qui viole la loi qu’il a édictée est puni sévèrement et traité comme le plus ordinaire des criminels. Mais le nombre XII est aussi le nombre préféré des dieux, 12 dieux de l’Olympe, 12 travaux d’Héraclès, 12 voix à l’amphictionie de Delphes, mais aussi et surtout les 12 tables de la loi de la cité grecque de Gortyne, rédigées vers 500 av. J.C. Finalement Pythagore avait peut-être raison quand il déclarait que « tout est nombre » en ce monde.

 

 

 

Sujet n°21 – Pourquoi dit on que la république romaine est une oligarchie ?

 

 

 

509 a marqué une ère nouvelle. Tacite rapporte que « L. Brutus établit la liberté et le consulat ». Le consul est le magistrat de la cité. Par là, le gouvernement devient public. Mais, ce n’est pas celui du peuple. C’est la noblesse qui chasse le roi et qui prend le pouvoir en donnant au nouveau régime la forme d’une République. Mais une République oligarchique où la noblesse contrôle le pouvoir et réserve la nouvelle charge consulaire à ses propres membres. Mais, aussitôt, le peuple en prend conscience et c’est la Révolution de 493. En face des patriciens qui contrôlent la cité se dresse la plèbe organisée. Les premiers siècles sont dominés par la lutte entre ces deux éléments, jusqu’en 367 où un compromis partage désormais le pouvoir entre l’oligarchie aristocratique et l’oligarchie issue de la plèbe.

 

 

 

La révolution de 509 est celle de la noblesse qui reconquiert le pouvoir qui lui avait été confisqué par les rois, phénomène que l’on trouve dans l’ensemble du Latium et de l’Etrurie. Ces événements sont concomitants à Rome de ceux qui chassent les tyrans à Athènes. Seulement, à Athènes, c’est le demos qui prend le pouvoir grâce à Clisthène. Denys d’Halicarnasse place dans la bouche de Brutus un discours intéressant sur les possibilités ouvertes par la vacance du pouvoir due à la révolution : nouvelle monarchie, monarchie duale comme à Sparte, oligarchie par le sénat ou démocratie comme à Athènes. Brutus refuse l’expérimentation, il met aussi en garde contre la vacance du pouvoir. Il s’agit pour lui de « modifier » la monarchie, ce qui passe par un changement de nom.

 

Les rois doivent devenir des consuls, ceux qui « conseillent », de les dédoubler et de limiter le pouvoir dans le temps. Pour la forme, « rien que pour la forme » dit Denys, on conserve un rex sacrorum (roi aux choses sacrés). Les antiques présentent non une révolution mais une transition, légale, en ce sens que Brutus aurait même eu le droit de convoquer l’assemblée. A Rome, on voit alors apparaître le consulat confié et partagé entre deux magistrats pour une durée annuelle. Les consuls sont magistrats, i.e. ceux qui incarnent le pouvoir suprême dans la cité, créés sur la racine magis qui signifie « ce qui est plus ».

 

Disposant de l’autorité, ils exercent un pouvoir de décision. Mais, attention, ils sont indépendants car les héritiers du pouvoir royal. Ils ne sont pas et seront jamais les exécutants de la volonté du peuple ou du sénat. Ceci parce que leur pouvoir est d’essence royale. Ainsi, ils disposent de l’ancien imperium royal. C’est un pouvoir à la fois civil et militaire, souverain et sans partage. Il se distingue seulement en imperium domi ou civil dans l’enceinte du pomerium et en imperium militiae ou militaire en dehors des limites de ce même pomerium. Ce pouvoir reste originaire comme dans la monarchie et n’est pas un pouvoir délégué par une instance, peuple ou Sénat. C’est l’oligarchie qui reste maîtresse du choix des magistrats que sont les consuls. Et il est à noter que cet imperium est entier pour chacun des consuls.

 

Comme le pouvoir du roi, ils exercent un pouvoir souverain qui est qualifié de maximus. Et les pouvoirs civils et militaires alternent entre les deux consulsComme le roi, il a le pouvoir de juger et de châtier, double pouvoir dont la double hache avec ses deux tranchants est le symbole et l’expression. Les consuls sont choisis et nommés par les consuls en exercice, après accord du sénat.

 

L’oligarchie a confisqué le pouvoir à son profit. Et la noblesse se donne une légitimité par l’exercice du pouvoir, c’est l’affirmation du patriciat. Ceci nous est indiqué par les fameux fastes consulaires. de 433 à 367, on ne trouve plus aucun nom nouveau. Tous les nouveaux consuls sont à partir de cette date les descendants d’anciens consuls. Ceci montre bien que le patriciat exerce le pouvoir suprême.

 

Le passage de la royauté à la République s’est fait comme si le peuple n’avait jamais existé à Rome, sauf par la participation uniquement formelle de la lex curiata pour investir en charge les consuls. le peuple est à la merci de l’imperium consulaire. Il ignore même le droit qui doit lui être applicable, comme dans l’Athènes d’avant Solon. Rome est alors une oligarchie. Ceci est mal ressenti et conduit à une révolution populaire et à la naissance de la plèbe.

 

 

22 - Rome démocratie ou oligarchie ?

Rome était une oligarchie qui grâce à Polybe est devenue une démocratie. C’est aussi parce que Rome repose sur d’autres fondements que le droit. Elle repose sur

sa société, acquise à l’oligarchie par le biais des clientèles, par les liens de la bonne foi, la fides, qui est une déesse romaine. Et Polybe s’en rend compte quand il réfléchit sur les fondements de l’impérialisme victorieux de Rome. Il décrit l’armée romaine en montrant implicitement qu’elle répond aux critères définis par Platon dans les Lois, tant par l’organisation de son commandement que par ses vertus dominantes qui sont l’amour désintéressé de la gloire, ce que sanctionne la plus haute décoration militaire, la couronne d’herbes (simple couronne tressée avec l’herbe ensanglantée du champ de bataille où s’est illustré le soldat), et le respect patriotique des dieux que les romains appellent pietas. Mais, ayant vu l’apogée de Rome et de la constitution de la République, Polybe en, pressent le déclin et il décrit à la suite l’évolution cyclique des constitutions, l’anacyclosis des grecs, pour lesquels qui tombent en décadence et se renouvellent de la monarchie à l’oligarchie et à la démocratie.

 

En effet, l’équilibre trouvé est toujours et inévitablement rompu par l’accroissement des désirs et des passions politiques qui ont tendance à se développer dès que l’équilibre est atteint. Polybe permet donc à Rome de prendre conscience de sa puissance qu’elle doit à sa constitution, mais aussi lui permet de réfléchir sur la possibilité et les raisons d’un déclin prochain de sa constitution, ce qui arrivera bientôt avec la crise de la République.

 

23.Eloge de la République romaine avant les Gracques

 

Développement harmonieux des institutions :

 

Afin d'éviter la restauration du pouvoir personnel, les législateurs ont pris de nombreuses précautions lors de la constitution de la République romaine, en 509 av. J.-C.

L'obsession de ceux qui posèrent les bases du nouveau régime était de rendre impossible l'accession au pouvoir d'un tyran.

Dans ce but, deux principes ont prévalu :

 

La collégialité veut que le pouvoir ne soit jamais exercé par un seul individu, mais par deux hommes (les consuls) ou par un groupe (les magistrats, le sénat).

L'annualité a pour but d'empêcher des hommes puissants de s'installer au pouvoir : aussi, à part les sénateurs, nommés à vie, les magistrats ne sont élus que pour un an.

 

Les institutions :

Les magistratures du peuple :On parle ici de magistratures du peuple pour ne pas faire de confusion avec celles qui sont spécifiquement celles de la plèbe. Ce sont les magistratures dont la compétence s’étend à l’ensemble de la population romaine et aux pays conquis.

Les magistrats ont en charge la gestion des affaires, un peu comme nos actuels ministres. Ils sont élus pour un an par les comices. Le candidat se présente au peuple revêtu d'une toge blanche (candida).

Le Cursus honorum, qui représente une « carrière » de magistrat, comprend quatre magistratures qui doivent être briguées dans l'ordre et en respectant un âge minimal :

a.La dictature :

C'est une magistrature extraordinaire. La nomination d'un dictateur, par les consuls, pour 6 mois à lieu en cas de périls intérieurs ou extérieurs grave dans l'intérêt de la cité. Tous les magistrats (sauf les tribuns de la plèbe) lui sont alors subordonnés. Il dispose d'un imperium militiae même dans l'enceint du pomerium ; la répression pénale effectuée sous le gouvernement d'un dictateur est sans appel.

 

b.La questure :

En 133, il y en a déjà huit. Deux à Rome, les autres en Italie pour la perception des impôts. Ils sont élus par les comices tributes et jouissent de la potestas. Ce sont des spécialistes des questions financières et ils ont la garde du trésor (dans le temple de Saturne), ils ont aussi le contrôle de l'administration financière locale en Italie, et ils accompagnent les consuls en campagne (ravitaillement, solde).

 

c. L'édilité

Ils sont autre : deux édiles plébéiens et deux édiles curules. Ils sont élus par les comices tributes et disposent de la potestas. Leur fonctions sont nombreuses et leur coûtent cher.

Ils sont chargés de la police des rues, des tavernes, des marchés, des mœurs, de la surveillance des bains, des alimentations en eau etc.. ils jugent les petites infractions. Et ils doivent organiser les jeux pour lesquels ils puisent dans leurs propres ressources ; pour certains édiles, des jeux fastueux dans l'espoir d'être élus gouverneurs.

 

d. La préture

Il a aussi des pouvoirs judiciaires. Il possède un imperium. Il est chargé de l'organisation des procès. En 242, devant la multiplication des affaires et l'affluence des étrangers à Rome, on nomme un deuxième préteur dit pérégrins. Il est chargé de régler les affaires mettant en cause des étrangers.

Ils ont aussi des fonctions de commandement militaire, ils peuvent convoquer l'assemblée du peuple et du sénat, réunir les comices tributes et proposer des lois.

A partir du IIe siècle, et avec la création des provinces, de nouveaux prêteurs sont nommés par tirage au sort pour administrer les provinces.

 

e. Le consulat

Ils apparaissent en 509 avec la chute de la royauté. Elle est ouverte aux plébéiens à partir de 367. Ils ont l'imperium le plus important. Même soumis au contrôle du sénat, ils conduisent la guerre, nomment les officiers, imposent les contributions aux peuples vaincus et exercent le droit de répression sur leurs troupes (décimation : tuer un soldat sur dix).

Ils proposent des lois, les rogatio. Les consuls, au nombre de deux, sont les gardiens de l'ordre public.

 

f. La censure

   Selon la tradition, en 443, sont créés les deux censeurs qui sont élus tous les cinq ans pour 18 mois. Ils jouent un rôle politique et moral.

   Rôle politique : ils sont chargés du recensement quinquennal des citoyens, de les répartir dans les tribus et les centuries. De même, ils sont chargés d'établir l'album sénatorial.

   Rôle moral : les censeurs disposent de la note censeurielle : droit d'infliger des blâmes en cas de faute : discipline militaire, abus de pouvoir, excès de luxe, divorce etc.

   La censure a été irrégulièrement assuré au Ier siècle ; un des aspects de la crise des institutions.

   Enfin, ils ont entre leur main l'adjudication des travaux publics, l'affermage des travaux des mines, la gestion des domaines de l'Etat et la surveillance de la bonne rentrée des impôts.

 

g. Le tribunat de la plèbe :

Cette magistrature est à traiter à part. A l'origine, elle est conçu comme un organe de défense des plébéiens contre les patriciens (descendant des familles originelles de Rome). Un tribun de la plèbe doit donc porter secours, le devoir d'auxilium, à tout plébéien menacé par un patricien. A notre époque, ils sont au nombre de dix ; ils ont des pouvoirs considérables mais de nature particulière.

Un tribun de la plèbe a le droit de réunir l'assemblée plébéienne, plus tard ils pourront même convoquer les séances du sénat. Ne peuvent exercer le tribunat de la plèbe que des plébéiens ; pour un patricien, il doit d'abord passer le translatio ad plebem (Publius Claudius qui devient publius clodius).

Un tribun de la plèbe n'est pas un magistrat ; il n'a pas de potestas ni d'imperium. C'est que son pouvoir est supérieur à celui d'un magistrat à imperium. En effet, un tribun de la plèbe peut s'opposer à toute action d'un magistrat de deux façons :

Soit préventivement à un acte, une loi, une décision (la prohibitio).

Soit une fois la loi votée, en la cassant (l'intercessio).

Le seul moyen de s'opposer à un tribun de la plèbe, c'est de lui opposer un autre tribun de la plèbe

 

 

Assemblée de citoyens :Appelées comices, elles regroupent tout le peuple (patriciens et plébéiens) et chaque individu, théoriquement, vote.

Il existe trois types de comices, qui sont convoqués différemment et dont les votes ont des objets différents.

 

Les votes se déroulent au Champ de Mars du lever au coucher du soleil ; ils commencent par une cérémonie religieuse et peuvent être annulés si les auspices sont défavorables !

La principale limite de ce pouvoir théoriquement populaire est liée au déroulement du vote. À l'intérieur des comices, en effet, les citoyens sont répartis en centuries selon l'importance de leur fortune. Or, ce sont les centuries des plus fortunés qui sont appelées au vote en premier, et celui-ci est arrêté quand la majorité est atteinte. En pratique, donc, les citoyens pauvres ne votent quasiment jamais.

 

Le Sénat : Héritier des rois, il comporte 300 membres et bénéficie d’un prestige considérable. Ce prestige fait de lui le contre-pouvoir idéal des institutions romaines. Et, au sein de la constitution, il assure la permanence du pouvoir, la continuité de l’Etat Le sénat est véritablement le centre du pouvoir et présente sur les magistrats l'avantage de s'inscrire dans la durée puisque ses membres sont nommés à vie. Au début de la République, les sénateurs sont au nombre de 300 et leur nombre ira croissant (900 sous César !) à mesure qu'on leur confisquera la réalité du pouvoir...

Ils sont nommés (et non élus) par les censeurs et sont souvent d'anciens consuls appartenant à des familles prestigieuses. Le Sénat est fréquemment consulté, mais ses compétences s'exercent surtout dans le domaine des finances, de la religion et de la politique extérieure.

 

 

24.Réquisitoire contre la République romaine avant les Gracques

 

 

 

Selon les écrits, en 509 avant notre ère, les Romains auraient chassé les rois étrusques qui gouvernaient Rome et fondé leur république. Pendant plus de deux siècles, des luttes très dures vont avoir lieu dans Rome. C’est dans ces conditions que la république va s’installer et dynamiser Rome pour la transformer en phare du monde méditerranéen. Le passage de la royauté à la République s’est fait comme si le peuple n’avait jamais existé à Rome, sauf par la participation uniquement formelle de la lex curiata pour investir en charge les consuls. Par contre il est un élément très important dans la naissance de cette République. Tite Live indique 2.1.1 qu’alors « imperia legum potentiora quam hominum », i.e. que maintenant c’est la « domination de la loi, qui est plus puissante que les hommes », encore un parallèle avec la fin de la tyrannie en Grèce. La République nait en se soumettant au nomos.

 

1 La naissance de la République

 

a)Patriciens et Plébéiens

 

A Rome deux groupes sociaux animaient la politique, mais un groupe détenait une supériorité de l’autre. En effet, les patriciens sont les descendants des plus anciennes et des plus riches famille de Rome, et seuls les patriciens ont accès à la magistrature. Les magistrats sont ceux qui gouvernent la cité. Quant aux plébéiens, ceux qui ne sont pas patriciens comme les commerçants, les artisans qui s’installent et travaillent à Rome. Or, la définition de la république est « res publica », ce qui veut dire : la chose publique. Par conséquent, c’est le système politique dans lequel le gouvernement appartient aux citoyens. En somme Rome a installé un régime politique qui loin d’englober l’ensemble des citoyens en exclut. D’où une révolte qui gronde au sein de Rome. En d'autre mots, on est ainsi placé sous le signe de l'aristocratie, seul les « meilleurs » ont accès au plus haut grade de l'état.

 

b) La révolte de la plèbe

 

Par les écrits d’un historien romain : Tite-Live, on a connaissance de ce que l’on appelle la révolte de la plèbe en –494 avant notre ère. Les plébéiens s’opposent aux patriciens, en refusant de se battre pour Rome. En effet, les plébéiens souhaitent être considérés comme les égaux des patriciens. Dès son retour à Rome, la plèbe exige davantage de justice. Pour ce faire, une nouvelle institution naît, celle des tribuns de la plèbe. Ils sont à la fois les chefs et les défenseurs de la plèbe. Conçus pour être un contrepoids au pouvoir des consuls, ils sont d’abord deux, puis 4 (471) et dix (457), ce dernier chiffre restant définitif. Ils sont d’abord élus par l’assemblée du peuple, les comices curiates, seule assemblée populaire qui existât à Rome. Mais le patriciat pouvait contrôler cette assemblée grâce à ses clients. Donc, dès 471, la plèbe crée sa propre assemblée, les concilia plebis où le peuple est réuni par tribus.

 

Tite-Live décrit le soutien de la population envers la plèbe qui dit « qu’on ne se moquera pas plus longtemps de la plèbe ; on ne trouvera plus un seul soldat si l’Etat ne tient pas ses engagements ; il faudra rendre la liberté à chaque individu avant de lui donner des armes ; ils veulent combattre pour leur patrie, pour leurs concitoyens, et non pour leurs maîtres. » . Les plébéiens accèdent à cette égalité des rôles.

 

Les débuts de la république sont marqués par une guerre civile qui oppose patriciens et plébéiens. L’égalité entre plébéiens et patriciens est déclaré.

 

 

 

En 462, la plèbe réclame des lois écrites qui fixent le droit. Et le patriciat refuse. En effet, mettre le droit par écrit, c’est en dévoiler le texte du droit et permettre à tous d’en prendre connaissance. C’est donc le soustraire au monopole exclusif des pontifes patriciens. Et définir le droit, c’est en fixer les bornes, « assurer à tous une égale liberté », selon Tite-Live. L’enjeu est immense et la plèbe se décide une nouvelle fois à faire sécession. Le patriciat cède et permet la connaissance du droit, ce qui permet la liberté.

 

L’enjeu est immense et la plèbe se décide une nouvelle fois à faire sécession. Le patriciat cède et permet la connaissance du droit, ce qui permet la liberté.

 

2 La république en action

 

a)Les institutions

 

Au IIIème siècle avant notre ère, les institutions de la république sont fondées.

 

Les citoyens (patriciens et plébéiens) élisent les Comices qui sont les assemblés du peuple. Les comices se divisent en deux :

 

les comices centuriates (les plus riches)

les comices tributes (les plus pauvres)

Les comices votent les lois et la guerre. Ils élisent les magistrats qui administrent la république et proposent des lois. Chaque poste est occupé par deux magistrats :

 

les deux consuls sont assistés de prêteurs (justice), d’édiles (police et administration) et de questeurs (finances).

les deux censeurs, également des magistrats s’occupent du recensement.

les tribuns défendent les intérêts des Plébéiens les plus pauvres.

 

 

Si les plébéiens obtiennent l’égalité des droits avec les patriciens car ils peuvent être élus aux différentes magistratures et entrer au Sénat, il n’en demeure pas moins une profonde inégalité. En effet, les citoyens les plus riches ont la véritable majorité car ils votent en premier lors des Comices et l’on arrête le vote lorsque la majorité est atteinte. Ainsi, la république romaine n’est pas si égalitaire que ce qu’il en paraît. De 433 à 367, on ne trouve plus aucun nom nouveau. Tous les nouveaux consuls sont à partir de cette date les descendants d’anciens consuls. Ceci montre bien que le patriciat exerce le pouvoir suprême.

 

3.L’armée romaine : le ciment de la république

 

a)Une armée de citoyens

 

Seuls ceux qui ne possédaient rien échappaient au service militaire , car on admettait qu’un bon soldat l’était quand il avait lui-même un champ ou une maison à défendre.

 

Mais seuls les plus riches avaient un armement complet pour se défendre.

 

A la fin du IIème siècle, le consul Marius en 107 avant notre ère modifie le recrutement des soldats. En effet, le Sénat s’étant opposé à une levée de troupes, Marius décide d’appeler tous les volontaires, et notamment les plus pauvres qui ne pouvaient servir l’armée, du fait d’un défaut d’argent.

 

b) L’armée sur le terrain

 

L’armée romaine en campagne demeure très organisé. Lors des combats elle est en ordre de bataille. Au combat les soldats de la légion sont rangés sur trois rangs :

 

le premier rang est constitué des plus jeunes

le deuxième des hommes d’âge mûr

le troisième des légionnaires les plus expérimentés.

 

 

La république romaine connaît des débuts difficiles, puisqu’elle nait lors d’une guerre civile. Ses institutions se veulent équilibrés mais les citoyens riches demeurent privilégiés car ils ont la primauté de passage lors de vote dans les Comices. Seuls, les riches accèdent à la carrière des honneurs et au Sénat par l’exercice de la magistrature. Rome est donc dirigé par une aristocratie sénatoriale : la fondation de la république ne garantit donc pas l’égalité entre les citoyens. Mais l’armée romaine avec la réforme de Marius est un outil pour accéder à l’égalité, même si les plus riches sont aux commandes.

 

 

En conclusion, la république romaine est véritablement une oligarchie, en effet, le gouvernement est détenu par une minorité de personnes. Seulement, cette situation ne va pas perduré et les plébiens vont se révolter aboutissant à la loi des XII tables qui vont permettre d'éclaircir les inégalités entre les patriciens et plébiens.

 

25 – La crise des institutions romaines est elle inévitable ?

 

 

Il arrive parfois qu’une période réformatrice soit seulement le prélude de la mort des institutions ou des civilisations que les réformateurs voulaient sauvegarder. C’est le cas avec les Gracques, qui annoncent la crise des institutions romaines. Ainsi, en 133, Tiberius Gracchus annonce qu’il n’agit que pour la protection du peuple romain. Un siècle plus tard, en 31, Octave remporte la bataille d’Actium sur Antoine et Cléopâtre, devient le maître du monde romain et inaugure une monarchie de cinq siècles. C’est donc un siècle décisif pour l’histoire de Rome, siècle qui trouve son point culminant avec l’assassinat de César en 44. Et c’est ce siècle de crise qui a donné à Rome ses hommes politiques les plus remarquables : les Gracques, Marius, Sylla, Pompée, César, Cicéron, et aussi les principales œuvres de la pensée politique romaine après le bouillonnement intellectuel qui a entouré la branche émilienne des Scipion. C’est peut-être aussi cet excès de personnalités exceptionnelles que ne peut supporter l’époque.

 

La défense de la République, sa réforme, entraînent une des pires guerres civiles. Mais pour réformer utilement, il faut un gouvernement modéré et non des individualités plus soucieuses de gloire personnelles que de respect des institutions.

 

On a d'abord une crise économique et social.  Une des raisons principales de la disparition de la classe moyenne est la crise agraire qui affecte l’Italie au moment des Gracques.Une autre cause tient aux sociétés de publicains, qui sont des hommes d’affaires qui gèrent les entreprises publiques qui sont affermées. Elles provoquent un afflux de richesses qui résulte du pillage des provinces. Les sénateurs, qui n’ont pas le droit d’y participer, y interviennent par le biais d’hommes de paille, ce qui lie les gouverneurs de province avec les publicains. Cette masse d’argent permet la corruption électorale sur une grande échelle ainsi que les achats de clientèle, aspect qui empoisonnera la vie électorale jusqu’à la fin de la République malgré les nombreuses lois anti-corruption électorale. Minée par la crise agraire, la paysannerie vient à Rome et y vit de la corruption. Devant cet afflux, il faut nourrir cette population et le blé est importé à grands frais de régions lointaines par l’Etat qui le redistribue gratuitement, ce qui satisfait la populace urbaine mais ruine la paysannerie indépendante. D’où le programme des hommes politique du parti des populares comme César ou Catilina proposant la remise des dettes. Or à côté de cela, on voit un luxe effréné.

 

La classe moyenne a aussi souffert des guerres. On a vu en effet que l’effort militaire repose surtout sur la classe moyenne, car les prolétaires n’y participent pas et que les riches servent comme cavaliers ou officiers. Tout ceci a des effets sur la démographie et de lustre en lustre, les censeurs constatent avec effroi que le nombre des citoyens est en constante diminution.

 

A la même époque, le jeu institutionnel et politique admiré par Polybe se dérègle. Devant le vide laissé par la classe moyenne, la nobilitas perd de sa cohésion et se sépare en deux factions rivales, les Optimates et les Populares

 

Donc, entre ces deux conceptions, celle des Populares et celle des Optimates, il ne faut pas seulement voir une lutte de classe. En effet, les Gracques appartiennent à la plus haute aristocratie. Ils sont les petits-fils de Scipion l’Africain. Il en va de même de l’immense patricien Jules César, dont la famille est l’une des plus anciennes de Rome, descendant d’Enée. Chez les optimates, on trouve aussi des Scipiones et autres grands aristocrates, mais aussi les hommes nouveaux comme Cicéron ou Pompée.

 

D’une part, les sénateurs traditionnels conçoivent leur rôle comme celui d’une aristocratie protégeant par sa vertu et sa modération le peuple contre le retour de la monarchie. C’est pourquoi ils sont les optimates,Leurs adversaires populares se tournent vers la tradition des cités démocratiques comme Athènes et leur conception du peuple. Pour eux, la Res publica se confond avec la Res populi. Elle garantit par la loi la libertas à tous les citoyens.

 

On a par la suite un dérèglement des institutions :  l’équilibre de constitution mixte ne peut fonctionner que si tous les citoyens respectent l’équilibre entre leurs devoirs et leurs droits dans la Cité, car la protection des Dieux exige cet équilibre. Mais l’équilibre a commencé à se rompre, la religion civique a décliné, surtout sous l’influence de sectes philosophiques orientales. c’est le dérèglement dans les magistratures : réitération, dictature syllanienne non limitée dans le temps, âge non respecté pour les magistratures depuis les Gracques. Le dernier siècle de la République voit la multiplication de pouvoirs exceptionnels confiés à des particuliers, en violation ou en dérogation des lois. On voit des coups de force comme les consulats successifs de Marius. En 52, on verra même Pompée exercer seul le consulat ; Et César ne pouvant exercer de pouvoirs exceptionnels comme Pompée est contraint à la guerre civile, obtient la dictature pour dix ans, puis à vie. En 43, Octave obtient pour 20 ans le droit de commander sans avoir l’âge ou avoir jamais exercé les fonctions requises pour ce faire. L'atmosphère politique est tout aussi délétère : propagande, corruption, manipulations électorale. Les lois réagissent en vain : entre 81 et 18, 12 lois furent prises contre la brigue électorale. En vain.

 

 

 

26.Les buts des réformateurs des Gracques à César

 

Un des grands philosophes du premier siècle av. JC et lui-même magistrat de sa cité d’adoption Rhodes, à savoir Posidonius d’Apamée est convaincu de la décadence de son temps. Les hommes se sont détournés des sages qui les gouvernaient, la cupidité et le luxe ayant corrompu les mœurs institutionnelles. Il eut une grande influence sur les hommes politiques de son époque, étant consulté par Cicéron, visité par Pompée…

Apparemment, ils n’ont pu appliquer ou n’ont pas voulu suivre son enseignement. Rome sombre dans la guerre civile, au gré des réformes et des coups d’état. Posidonius n’est pas isolé. Lucrèce professe pour sa part que la cupidité et l’ambition sont la source de la discorde dans une société.

 

Les Gracques : De 132 à 122, la vie politique romaine est dominée par l’action de Tiberius et Caius Gracchus. Tiberius est attaché à l’idéal de la grandeur romaine. Il appartient à un cercle convaincu que les réformes sont nécessaires. D’inspiration stoïcienne, ce cercle défend l’idée d’égalité. Il se fait élire tribun de la plèbe en 134. Il propose une réforme agraire proposant une limite pour la détention de l’ager publicus. Sa réforme vise à reconstituer la classe paysanne et donc renforcer la constitution ancienne. Mais elle fut vécue comme une spoliation pour ceux qui détenaient l’ager publicus. Le jour du vote, un des tribuns, gagné à la cause des Optimates oppose son veto. Tiberius commet alors la faute constitutionnelle en refusant de s’incliner. Il fit alors voter une loi donnant au peuple le droit de déposer un tribun. Le vote acquis, il fit destituer le tribun qui s’opposait à lui et dans la foulée présenta à nouveau sa réforme. Elle passa sans qu’aucun autre tribun intervienne. Par sa loi, il a mis en cause l’inviolabilité du tribun pour le soumettre au peuple dont il ne doit que respecter les intérêts. Quant à sa réforme agraire, il a du mal à la faire appliquer. Et, pour dominer l’opposition, il brigue un deuxième mandat de tribun dans la foulée. Or la tradition interdit la réitération. Ce fut la goutte d’eau de trop pour l’opposition sénatoriale. Le jour du vote, le grand pontife Scipion Nasica déclare au Sénat l’état en péril et demande au consul d’arrêter Tiberius. Comme un consul ne peut arrêter un tribun, le consul refuse cette arrestation illégale. Scipion Nasica et ses partisans s’élancent dans la réunion de vote. Malgré ces événements, la commission agraire mise en place par Tiberius continue à fonctionner et Nasica doit quitter Rome car le Sénat voulut éviter de nouveaux troubles. Surtout, l’œuvre de Tiberius est continuée par son frère Caius, élu de la plèbe en 124. Il propose une loi frumentaire pour vendre au peuple le blé à bas prix ainsi qu’une nouvelle loi agraire, entre autres projets. Il va au-delà et fait voter une loi judiciaire qui bouleverse la composition des tribunaux. En gros, il fait remplacer les juges qui étaient des sénateurs par des chevaliers. Par-là, il crée un rival au Sénat et lui fait perdre son influence. Il avance de nouveaux projets.

 

Des Gracques à Sylla : Après l’échec des Gracques, la volonté de réformes s’assoupit. Les optimates vident la réforme agraire et la réforme frumentaire de leur contenu. L’enjeu se porte sur la composition des tribunaux. Et, en 107, un homme nouveau est élu consul, Marius. Puis il est réélu cinq fois de suite au mépris de toutes les lois constitutionnelles entre 104 et 100. Le peuple suit Marius et lui permet d’opérer ses réformes.

La situation juridique de Rome est en piteux état. Les tribunaux sont corrompus, moralement et matériellement. Mais, en 90, éclate la guerre sociale qui va durer deux ans. Ce sont les anciens alliés de Rome qui en ont assez de ne pas voir leur statut reconnu et qui veulent la citoyenneté que des tribuns leur avaient promise. La guerre est impitoyable et Rome joue sa survie. En effet, les Alliés tuent les Romains sans distinction d’âge ou de

sexe. Sylla, contrairement à Marius, est un aristocrate de veille souche en plus d'être un grand militaire et un homme cultivé et intelligent. En 88, il commande la province d'Asie au moment de la guerre contre le grec Mithridate VI, qui tente de s'emparer des provinces romaines d'Orient. La faction des populares s'oppose alors à Sylla et propose d'attribuer le grand commandement contre Mithridate à Marius, ce qui va être très mal accepté par Sylla qui convoite alors cette charge. Celui-ci y voit une provocation, marche sur Rome et obtient le renvoi de Marius. Il élimine ses adversaires politiques (Marius s'enfuit de justesse), se fait élire consul puis part pour l'Asie. Durant la longue absence de Sylla (87-83), les populares reprennent Rome et se livrent à une terrible répression politique en 87. Marius contraint le Sénat à révoquer sa décision d'exil et déclare Sylla ennemi public. Marius est renommé consul en 86 mais meurt la même année de vieillesse. Sylla devient dictateur « pour rédiger les lois », ce qui le met dans la position des decemviri qui ont rédigé la loi des XII tables. Il est donc au-dessus de la constitution pour la mieux réformer. Pendant trois ans, jusqu’à son abdication en 79, il gouverne souverainement et rétablit les pouvoirs de l’oligarchie sénatoriale et la tradition républicaine romaine.Il renforce aussi le pouvoir du Sénat et affaiblit les magistratures, notamment en ôtant aux consuls l’imperium militaire. Ils deviennent alors de simples magistrats civils. Il réforme aussi l’ensemble de la procédure criminelle et agit là en organisateur génial, son œuvre constituant un véritable code pénal, le premier que Rome connaisse depuis la loi des XII Tables. Après ses réformes, il engage une réforme monétaire où il est présenté sur les pièces comme le nouveau fondateur de Rome et favori des dieux.

 

Pompée et César.

César : Il fait aussi une œuvre universelle de réformes : sociales (sur les dettes, blé gratuit,

législation agraire), administratives, calendaires (mois de juillet nommé d’après son propre nom).

 

 

27 .Plaidoirie pour l'œuvre de Sylla et de César.

 

 

Qui était Sylla ? Sylla appartient à la gens Cornelia une des plus grandes familles de Rome. Dans sa vie de Sylla, Plutarque nous déclare qu’il amené une jeunesse dissolue, entouré de « farceurs, bouffons, bateleurs, enclin à l’ivrognerie » et qu’il continuait à rechercher les plaisirs des sens jusque dans sa vieillesse. Sylla apparaît dès l’Antiquité comme un homme paradoxal. Lorsqu’il prend Athènes, après un siège éprouvant, une grande partie de la population est massacrée. Il faut dire que le tyran Aristion avait encouragé les Athéniens à railler de manière grivoise et vulgaire Sylla et son épouse. Il mit fin aux massacres en déclarant : « je pardonne à un petit nombre par amour du plus grand nombre, aux vivants par amour pour les morts ». Grande sagesse et humour très caustiques à la fois. Malgré toutes ces qualités, il avait commencé sa carrière politique assez tard car il appartenait à une branche ruinée de la gens Cornelia. Après avoir marché sur Rome, il prend Rome après un siège très court. Tous les opposants qui ont quitté Rome sont déclarés ennemis publics. Sylla annonce une série de lois destinée à arrêter les troubles, puis il part pour l’Orient faire campagne. Sylla annonce qu’il rentre victorieux d’Asie à Rome. Il débarque en 83 et affronte les armées du Sénat. Après un an de combats acharnés, il prend Rome à l’automne 82 après une victoire à la porte colline. Il essaie alors d’obtenir le pouvoir légal de pratiquer une épuration. Après avoir mené les proscriptions, Sylla se fait donner la dictature sans limite de temps. Là encore, il agit dans la légalité, puisque les deux consuls sont morts et qu’on a pu élire de consuls pour l’année suivante. Pendant trois ans, jusqu’à son abdication en 79, il gouverne souverainement et rétablit les pouvoirs de l’oligarchie sénatoriale et la tradition républicaine romaine. Son œuvre est une œuvre de restauration et non de révolution. Il renforce aussi le pouvoir du Sénat et affaiblit les magistratures, notamment en ôtant aux consuls l’imperium militaire. Ils deviennent alors de simples magistrats civils. Il réforme aussi l’ensemble de la procédure criminelle et agit là en organisateur génial, son œuvre constituant un véritable code pénal, le premier que Rome connaisse depuis la loi des XII Tables. Après ses réformes, il engage une réforme monétaire où il est présenté sur les pièces comme le nouveau fondateur de Rome et favori des dieux. il augmenta le pomerium, pour la première fois depuis Servius Tullius et procéda à de grands chantiers monumentaux comme la construction du Temple de la fortune à Préneste.

 

Après la mort de Sylla, les deux consuls se déchirent, tandis que Sertorius, second de Marius soulève l’Espagne. La guerre civile reprend et un jeune imperator, déjà célèbre, Pompée, que ses soldats avaient à 23 ans surnommé Magnus. Il sauve l’état et va rester jusqu’à sa mort au premier plan de la politique romaine. Avec un pouvoir extraordinaire, reçu légalement mais en marge de la légalité constitutionnelle pour son contenu, il vainc Sertorius. Revenu à Rome, il conclut un accord avec Crassus qui vient d’écraser Spartacus et ils imposent au sénat leur candidature au consulat, magistrature à laquelle ils n’ont pas légalement droit, par exemple Pompée n’a exercé aucune magistrature.Il se ligue alors avec César et Crassus et leur association leur permit de gouverner Rome pendant presque dix ans, permettant à César de gouverner la Gaule, à Crassus d’aller combattre les parthes et de mourir dans la bataille de Carrhae en 53. Et en 53-52, Rome sombre à nouveau dans l’anarchie. Au moment où Crassus meurt, il n’y a même pas de consuls en exercice. La plèbe s’enflamme et le Sénat confie les pleins pouvoirs à Pompée qui est nommé consul sans collègue et cumule plusieurs pouvoirs obtenus illégalement et dont le cumul est lui-même illégal. C’est un coup grave à la constitution républicaine puisqu’on ne peut plus sauver l’état et le République qu’en recourant au pouvoir personnel. En face de lui se dresse un personnage formidable César génie politique et militaire, remarquable orateur.

 

 

Et au point de vue politique, il s’engage de suite du côté des populares. Et jusqu’en 49, il a eu le souci d’éviter la guerre civile. Et pendant qu’il laissait à Pompée la primauté à Rome, il conquérait les Gaules où il acquérait gloire et indépendance financière grâce au butin. Et tant qu’il put agir dans la légalité de son proconsulat, il le fit. Ce n’est que lorsque l’opposition de Pompée et du Sénat l’obligent à franchir le Rubicond avec son armée pour sauver son rang, sa « dignitas », qu’il se résout à l’illégalité. Il organise le ravitaillement de Rome, donne la citoyenneté romaine à toute l’Italie, l’unifiant des Alpes au détroit de Messine dans la citoyenneté romaine, réforme que les populares réclamaient depuis plus de 20 ans. Puis, laissant Rome, il part écraser les pompéiens en Espagne. En son absence le peuple de Rome lui avait accordé la dictature. Revenu vainqueur à Rome, il abandonne la dictature et se fait élire consul en 48. Ainsi, il est devenu un magistrat légal. Il a compris que l’édifice républicain classique ne pouvait plus être restauré et que le pouvoir personnel devenait une fatalité pour Rome, mais à laquelle l’oligarchie ne cesserait de s’opposer. C’est pourquoi il fut toujours du côté des populares et non des optimates. En 46, ses pouvoirs de dictateur ont été prorogés pour 10 ans. En février 44, un sénatus consulte le proclame dictateur à vie, ce qui n’a plus rien à voir avec la vieille institution républicaine.

 

29 - Y a-t-il eu crise des institutions romaines ?

 

 

La défense de la République, sa réforme, entraînent une des pires guerres civiles. Mais pour réformer utilement, il faut un gouvernement modéré et non des individualités plus soucieuses de gloire personnelles que de respect des institutions. Il arrive parfois qu’une période réformatrice soit seulement le prélude de la mort des institutions ou des civilisations que les réformateurs voulaient sauvegarder. C’est le cas avec les Gracques, qui annoncent la crise des institutions romaines. Ainsi, en 133, Tiberius Gracchus annonce qu’il n’agit que pour la protection du peuple romain. Un siècle plus tard, en 31, Octave remporte la bataille d’Actium sur Antoine et Cléopâtre, devient le maître du monde romain et inaugure une monarchie de cinq siècles. C’est donc un siècle décisif pour l’histoire de Rome, siècle qui trouve son point culminant avec l’assassinat de César en 44. Mais faut-il parler pour autant de décadence ? Oui, si on se place comme certains Romains au niveau des anciennes institutions qui incarnaient pour eux l’ancienne libertas. Non, si on insiste sur les acquis culturels, sociaux, voire politiques. Il vaut donc mieux parler de crise, pour un siècle qui signe le passage d’un monde ancien à un monde nouveau. Une des raisons principales de la disparition de la classe moyenne est la crise agraire qui affecte l’Italie au moment des Gracques. En fait, la question agraire date de la conquête de l’Italie et de la constitution d’un ager publicus qui entraîne une crise dans les années 140. Et finalement, alors que l’ager publicus avait pour vocation d’augmenter le nombre des citoyens et de recrues, on se retrouvait avec l’inverse, à tel point que les généraux commencèrent à recruter des soldats, voire des légions entières dans leur propre clientèle. Une autre cause tient aux sociétés de publicains, qui sont des hommes d’affaires qui gèrent les entreprises publiques qui sont affermées. Elles provoquent un afflux de richesses qui résulte du pillage des provinces. Les sénateurs, qui n’ont pas le droit d’y participer, y interviennent par le biais d’hommes de paille, ce qui lie les gouverneurs de province avec les publicains.

Cette masse d’argent permet la corruption électorale sur une grande échelle ainsi que les achats de clientèle, aspect qui empoisonnera la vie électorale jusqu’à la fin de la République malgré les nombreuses lois anti-corruption électorale. Minée par la crise agraire, la paysannerie vient à Rome et y vit de la corruption.

 

 

 

 

30.Du principat au dominat

 

Cette période s’étend traditionnellement d’Auguste à Sévère Alexandre, du 1er siècle av. JC à 235 après J.C. Pendant cette période le pouvoir évolue. De premier citoyen, le princeps, l’empereur devient le maître, le dominus. Cela est dû à l’évolution de la société, aux pressions extérieures et aux dynasties qui deviennent non italiennes. D’Actium à Constantin : 339 ans, 58 princes, dont seulement 14 meurent dans leur lit.

Ce régime commence discrètement comme une restauration. Cet empire comprend deux périodes : le principat et le dominat. Le principat est le régime dont la figure principale est le princeps. Ce n’est que graduellement qu’il obtiendra des pouvoirs.

Le dominat est le régime du maître. Le tournant entre ces deux régimes est en 280, ce qui correspond à une période de troubles et d’effondrement du pouvoir romain dans les régions conquises.

Le princeps porte le titre d’Imperator César Auguste (suivi du nom du prince.) Le titre d’Empereur était un titre honorifique donné par les soldats à leur général. Sous l’Empire ce titre devient simplement dénominatif, ne sert qu’à désigner le princeps.

Son deuxième titre est celui de César, qui était le surnom (cognomen) de Julius Caesar, et est devenu par la suite celui d’Octave lorsqu’il est entré dans le gens des Jules. Ce titre rentre ensuite comme un simple élément de désignation.

Enfin, le troisième titre, Auguste, est un titre honorifique conféré par le sénat en -27 à Octave, et qui signifie d’abord « consacré par les augures », « reconnu par les dieux et protégé par eux. » Il est donc respectable, vénérable, ce qui renvoie à un sens de « porteur d’autorité. » Ainsi, le sénat reconnaissait qu’Octave était porteur d’une puissance particulière, d’un pouvoir juridique et moral : l’auctoritas (comme le sénat).

Le princeps, est le premier d’entre les citoyens. Graduellement sera ajouté le terme de « dominus noster », de « notre maître ».

 

Fondements de ce pouvoir : ce régime a une origine en partie militaire. Ce pouvoir est soutenu par les légions, ce n’est donc pas seulement un pouvoir légal.

Fondements juridiques et attributions civiles, ces fondements juridiques sont au nombre de trois:

L’Empereur n’est pas un magistrat. On peut donc dire que le régime n’est plus une République. Il dispose de pouvoirs particuliers tirés de la constitution républicaine, mais leur sens et leur portée sont différents. Les trois pouvoirs de l’Empereur sont l’imperium, l’auctoritas et la puissance tribunitienne. L’Empereur cumule donc des fonctions normalement distinctes.

L’imperium, à l’époque impériale, est le « grand imperium » qui n’est plus limité comme à l’époque de la République par les règles de l’annualité, de la collégialité, par les règles du non cumul des magistratures et fonctions, ni par le veto des tribuns. Cet imperium se rapproche de celui des proconsuls dans les provinces ainsi que de celui du magistrat aux armées. Il est illimité dans le temps et dans l’espace. Dès Tibère, ce pouvoir est viager (conféré à vie.) Cet imperium peut être délégué, c'est-à-dire remis à des envoyés. L’Empereur peut donc désigner un certain nombre de légats relevant directement hiérarchiquement de lui.

L’auctoritas, à l’époque impériale, a donné à Octave la faculté de supplanter le sénat comme gardien de la république, ainsi que de supplanter les autres magistrats dans leurs fonctions. Il pouvait exercer une magistrature, mais avait à travers cette auctoritas, une puissance supérieure aux autres magistrats.

La puissance tribunitienne est une invention de César. Il s’était conféré cette puissance détachée de la fonction de tribun. César était patricien et ne voulait pas être élu tribun car il aurait alors été sur le même rang que les autres tribuns, et donc soumis à leur veto. Il avait donc à travers cela les avantages du statut : il était sacro-saint, il disposait du pouvoir d’auxilium, donc d’être accessible à tout citoyen lui demandant de l’aide.

 

-> Attributions et manifestations du pouvoir impérial:

 

Parmi ces attributions on compte l’administration de la République, les fonctions de juge et de source du droit. L’Empereur crée une administration qui lui est dévouée, attachée par des liens personnels. Octave a constitué un vivier de collaborateurs parmi des affranchis et leur a confié des fonctions d’administration et notamment de légats pour administrer les provinces.

Les empereurs reprennent les fonctions des préteurs et les élargissent et les renforcent. Ils créent une nouvelle procédure, dite « cognitoire », une compétence extérieure à l’ordre des procès privés du temps de la République. Il établit cette nouvelle procédure dans le cadre d’une organisation judiciaire rénovée et unifiée. Grâce à la délégation d’imperium il peut même organiser un système de recours en justice par la voie de l’appel. C’est la création d’une administration impériale hiérarchisée avec des provinces etc. Ce qui a permis l’organisation de la justice hiérarchisée et le système du recours. L’Empereur est le juge suprême et possède la jurisdictio, c'est-à-dire la faculté d’indiquer les règles de droit qui ont vocation à régler tel ou tel différend. Il s’appuie sur l’auxilium pour recevoir les appels émanant des citoyens jugés par la juridiction inférieure. C’est son auctoritas qui va donner à ses jugements une autorité supérieure qui va en faire des précédents auxquels seront tenus de se soumettre les légats quand ils exercent en première instance ces fonctions judiciaires.

Le prince est également législateur. Graduellement les juristes reconnaissent que le prince a un pouvoir normatif qu’il peut exercer, y compris pour amender des lois antérieures. Il est donc petit à petit, non pas dispensé de l’application d’une loi de manière arbitraire, autorisé à prendre des décisions de portée générale qui vont s’imposer, y compris contre des lois. L’empereur tire ce droit de son imperium et du droit d’édicter.

Toutefois cela n’est pas une tyrannie, car si l’Empereur est délié des lois, il reste soumis au droit. C’est de sa dignité que de se déclarer soumis au droit. Son pouvoir « dépend de l’autorité du droit » (Constitution vers 450).

Les autres fondements et attributions du pouvoir impérial:

Il s'agit tout d’abord du fondement militaire. L’Empereur est avant tout Imperator, commandant en chef des légions. Afin d’entrer en fonction il est d’abord acclamé par ses légions.

Ce pouvoir a des caractères dynastiques, les empereurs cherchant à donner un fondement, une légitimité familiale à leur pouvoir. Ce système sera en réalité combattu par la légitimité militaire des empereurs. Cela était favorisé par une politique d’adoption du meilleur homme pouvant prétendre à ce pouvoir. L’Empereur a une fonction sociologique, il est le « père de la patrie », c’est pourquoi il est chef de l’approvisionnement à Rome. Il a des fonctions répressives et un fondement religieux. L’Empereur a toujours exercé les fonctions de grand Pontife en suscitant un culte à leur personne.

 

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