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Je conçois deux manières d'arriver à la félicité (1).

Publié le 03/11/2013

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Je conçois deux manières d'arriver à la félicité (1). L'une en satisfaisant ses passions et l'autre en les modérant : par la première on jouit, par la seconde on ne désire point, et l'on serait heureux par toutes deux s'il ne manquait à l'une cette durée et à l'autre cette vivacité qui constituent le vrai bonheur. Les routes pour arriver à ces deux états sont entièrement opposées, il faut donc opter, et le choix est aisé si l'on compare les effets de l'un et de l'autre. On ne saurait nier qu'un homme qui savoure à longs traits le plaisir et la volupté ne soit actuellement plus heureux et ne jouisse mieux des charmes de la vie que celui qui ne désire ni ne possède point. Deux choses me semblent pourtant rendre l'état du dernier préférable. En premier lieu : plus l'action du plaisir est vive, et moins elle a de durée ; c'est un fait incontesté. On perd donc sur le temps ce qu'on gagne sur le sentiment ; jusqu'ici tout serait compensé. Mais voici en quoi la chose n'est pas égale : c'est que le goût ardent des plaisirs agit d'une telle manière sur l'imagination qu'elle reste émue, même après l'effet du sentiment, et prolonge ainsi le désir plus loin que la possibilité de le satisfaire. D'où je conclus que la jouissance immodérée du plaisir est pour l'avenir un principe d'inquiétude. Au contraire : les peines d'un homme qui, sans avoir joui, n'a que quelques désirs à combattre, diminuent à mesure qu'il gagne du temps, et la longue tranquillité de l'âme lui donne plus de force pour la conserver toujours. Son bonheur augmente à mesure que celui de l'autre diminue. ROUSSEAU, Mémoire à M. De Mably (1) « félicité « : état de celui qui est pleinement heureux.

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