Devoir de Philosophie

demanderais pas quelque chose si je n'estimais pas que c'est nécessaire.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

demanderais pas quelque chose si je n'estimais pas que c'est nécessaire. Aidez-moi. Je ne puis supporter la ureté des murs. Ça me donne envie de... de taper ! Il abattit le plat de sa main contre le ciment gris sale, derrière son lit de camp. Darrity, l'air songeur, reprit son canif et l'ouvrit. La lame étincelante apparut. Avec soin, l'inspecteur se ratta l'ongle du pouce : -- Voudriez-vous consulter un médecin ? Mais Ralson ne répondit pas. Ses yeux suivaient le scintillement du métal et ses lèvres s'entrouvrirent, devinrent humides. -- Rangez ça ! dit-il brusquement. Darrity s'immobilisa. -- Que je range quoi ? -- Ce couteau. Ne tenez pas cet objet devant moi. Je ne peux supporter de le regarder ! -- Pourquoi ? demanda Darrity en tendant la main. Qu'est-ce que vous lui reprochez ? C'est un bon couteau. Ralson se rua sur lui. Darrity recula et abattit le tranchant de sa main sur le poignet de l'atomiste. Il leva le couteau au-dessus de sa tête. -- Qu'est-ce qui vous prend, Ralson ? Qu'est-ce que vous voulez ? Grant poussa un cri de protestation mais Darrity l'écarta d'un geste. -- Qu'est-ce que vous voulez, Ralson ? répéta-t-il. Ralson se haussa, essaya d'attraper le canif mais dut plier sous l'étreinte de la force incroyable du policier. Il haletait : -- Donnez-moi ce couteau ! -- Pourquoi, Ralson ? Que voulez-vous en faire ? -- Je vous en supplie. Je dois... Je dois cesser de vivre. -- Vous voulez mourir ? -- Non, mais je le dois. Darrity donna une poussée. Ralson partit à la renverse et tomba sur le lit, qui grinça. Lentement, Darrity replia la lame de son couteau et le rangea dans sa poche. Ralson se tenait la tête dans ses mains. Ses épaules étaient agitées de soubresauts mais, à part cela, il restait immobile. Il y eut des cris, dans le corridor ; les autres prisonniers réagissaient au tapage dans la cellule de Ralson. Le gardien se rua dehors en hurlant : -- Silence ! Darrity se retourna. -- Tout va bien, gardien. L'inspecteur s'essuyait les mains dans un grand mouchoir blanc. -- Je crois que nous allons lui trouver un médecin.   Le Dr Gottftied Blaustein était petit, brun et parlait avec un soupçon d'accent autrichien. Il ne lui manquait que la barbiche pour être la parfaite caricature du psychiatre. Il était néanmoins rasé de près et habillé avec recherche. Il observait attentivement Grant, et l'évaluait, en notant mentalement certaines constatations et déductions. Il en usait ainsi automatiquement avec toutes les personnes qu'il rencontrait. -- Vous me brossez un tableau, dit-il. Vous me décrivez un homme de grand talent, peut-être même un génie. Vous me dites qu'il a toujours été mal à son aise en société, qu'il ne s'est jamais adapté au milieu du laboratoire, alors que c'est là qu'il a connu ses plus grands triomphes. Dans quel autre environnement s'est-il adapté ? -- Je ne comprends pas. -- Il n'est pas donné à tout le monde d'avoir la chance de trouver un milieu sympathique dans le domaine où l'on est obligé de gagner sa vie. Souvent, on compense en jouant d'un instrument, en faisant des randonnées, en appartenant à un club. Autrement dit, on se crée un autre type de société, en dehors du travail, où l'on se sent plus à l'aise. Cela n'a pas forcément un rapport avec la profession. C'est une évasion, et pas nécessairement malsaine. Moi-même, dit en souriant le psychiatre, je collectionne les timbres. Je suis un membre actif de la Société américaine de philatélie. Grant secoua la tête. -- Je ne sais pas ce qu'il faisait, en dehors des heures de travail. Je doute qu'il ait eu une de ces activités que vous citez. -- Hum ! Ma foi, ce serait bien triste. La détente et le plaisir sont là où on les trouve, mais encore faut-il les trouver quelque part, non ? -- Avez-vous déjà vu le docteur Ralson ? -- Au sujet de ses problèmes ? Non. -- Vous n'allez pas lui en parler ? -- Oh si ! Mais il n'est ici que depuis une semaine. Nous devons lui laisser le temps de se remettre. Il est arrivé dans un état de grande surexcitation. Il délirait presque. Laissons-le se reposer et s'habituer à son nouvel environnement. Je l'interrogerai en temps utile. -- Pensez-vous pouvoir le ramener au travail ?  Blaustein sourit. -- Comment le saurais-je ? Je ne sais même pas quelle est sa maladie. -- Ne pourriez-vous au moins le débarrasser du pire - de cette obsession de suicide - et poursuivre le traitement quand il se sera remis au travail ? -- Peut-être. Mais il me sera impossible de hasarder une hypothèse avant plusieurs entrevues. -- Combien de temps pensez-vous que cela demandera ? -- Dans les cas comme celui-ci, docteur Grant, nul ne le sait. Grant rapprocha vivement ses deux mains, qui claquèrent. -- Faites pour le mieux, alors. Mais dites-vous que c'est encore plus important que vous ne le croyez. -- Possible. Mais vous pourriez peut-être m'aider, docteur Grant. -- Comment ? -- Pourriez-vous m'obtenir certains renseignements qui doivent être classés « secrets » ? -- Quel genre de renseignements ? -- J'aimerais connaître le pourcentage de suicides, depuis 1945, parmi les savants nucléaires. Et, aussi, le nombre de ceux qui ont abandonné leur emploi pour se consacrer à d'autres domaines de la science ou qui ont carrément abandonné la science. -- Serait-ce en rapport avec Ralson ? -- Vous ne pensez pas que cette terrible dépression pourrait être une maladie professionnelle ? -- Eh bien... ils sont assez nombreux à avoir quitté leur emploi, naturellement. -- Pourquoi « naturellement » ? -- Vous devez savoir ce que c'est, docteur. Dans la recherche atomique moderne, il se développe une atmosphère de grande tension, et il y a la bureaucratie... On travaille avec le gouvernement, on travaille avec les militaires. On ne peut pas parler de ce qu'on fait, on doit faire attention à ce qu'on dit. Naturellement, s'il vous arrive d'avoir une proposition de chaire dans une université, où vous pouvez fixer votre propre emploi du temps, écrire des communications qui n'ont pas à être soumises à la CEA, assister à des congrès qui ne soient pas à huis clos, vous sautez sur l'occasion ! -- En abandonnant à jamais votre spécialité ? -- Il y a toujours des applications civiles. Bien sûr, il est arrivé qu'un homme parte pour une autre raison. Il ne parvenait pas à dormir la nuit, il entendait cent mille cris montant de Hiroshima, dès qu'il éteignait la lumière. C'est ce qu'il m'avait dit. Aux dernières nouvelles, il était vendeur dans une chemiserie. -- Il ne vous arrive jamais d'entendre des cris, vous-même ? Grant hocha la tête. -- Ce n'est pas une sensation bien agréable de savoir qu'on pourrait avoir ne serait-ce qu'une toute petite part de responsabilité dans la destruction atomique. -- Quels étaient les sentiments de Ralson ? -- Il ne parlait jamais de ça. -- Autrement dit, s'il éprouvait ce sentiment, il n'avait pas de soupape de sécurité, il ne se confiait pas à vous tous, ses collègues ? -- Eh bien, non. -- Pourtant, la recherche nucléaire doit se faire, n'est-ce pas ? -- Bien sûr ! -- Que feriez-vous, docteur Grant, si vous étiez obligé de faire quelque chose que vous ne pouvez pas faire ? -- Je ne sais pas. -- Certaines personnes se tuent. -- Vous voulez dire que c'est ce qui déprime Ralson ? -- Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je parlerai ce soir au Dr Ralson. Je ne peux rien promettre, naturellement, mais je vous tiendrai au courant. -- Merci, docteur. Je vais essayer de vous obtenir ces renseignements, promit Grant.   L'aspect d'Elwood Ralson s'était amélioré, depuis une semaine qu'il était dans la maison de santé du Dr laustein. Ses joues s'étaient remplies et son agitation quelque peu calmée. Il était sans cravate, sans ceinture et ans lacets. -- Comment vous sentez-vous, docteur Ralson ? demanda Blaustein. -- Reposé. -- Avez-vous été bien traité ? -- Je n'ai pas à me plaindre, docteur. La main de Blaustein chercha le coupe-papier avec lequel il avait l'habitude de jouer, quand il était bsorbé, mais il tâtonna en vain. On l'avait rangé, bien entendu, comme tout ce qui possédait des bords coupants. Il n'y avait rien sur le bureau, que des papiers. -- Asseyez-vous, docteur Ralson. Comment progressent vos symptômes ? -- Vous voulez savoir si j'ai encore ce que vous appelez des impulsions suicidaires ? Oui. Ça empire ou ça s'atténue, selon le cours de mes pensées, je crois. Mais cela ne me quitte pas. Vous ne pouvez rien y faire. -- Peut-être avez-vous raison. Il y a bien des choses contre lesquelles je ne peux rien. Mais j'aimerais en savoir plus long sur vous. Vous êtes un homme important... Ralson renifla avec mépris. -- Vous ne vous considérez pas comme quelqu'un d'important ? s'étonna Blaustein. -- Non, pas du tout. Il n'y a pas d'hommes importants, pas plus qu'il n'y a de bactéries individuelles importantes. -- Je ne comprends pas. -- Ça ne m'étonne pas. -- Et cependant, il me semble que, sous votre propos, se cachent de profondes réflexions. Je serais extrêmement intéressé de connaître un peu de ces pensées. Pour la première fois, Ralson sourit. Ce n'était pas un sourire agréable. Ses narines étaient blafardes. Il déclara : -- C'est amusant de vous observer, docteur. Vous faites si consciencieusement vos petites affaires. Vous devez m'écouter, n'est-ce pas, avec cet air précis d'intérêt bidon et de compassion onctueuse. Je peux vous raconter les choses les plus ridicules et être quand même sûr d'être écouté, n'est-ce pas ? -- Vous ne croyez pas que mon intérêt pourrait être sincère, quand bien même il est professionnel ? -- Non, je ne le crois pas. -- Pourquoi ? -- Ça ne m'intéresse pas d'en parler. -- Préférez-vous retourner dans votre chambre ? -- Si ça ne vous fait rien. Non ! cria Ralson en élevant la voix avec fureur alors qu'il se levait et se rasseyait aussitôt. Non, pourquoi est-ce que je ne me servirais pas de vous, après tout ? Je n'aime pas parler aux gens. Ils ont stupides. Ils ne voient pas les choses. Ils regardent l'évidence pendant des heures et ça ne leur dit rien du out. Si je leur parlais, ils ne comprendraient pas, ils perdraient patience, ils se moqueraient. Alors que vous, ous êtes obligé d'écouter. Vous ne pouvez pas m'interrompre ni me dire que je suis fou, même si vous le pensez. -- Je me ferai un plaisir d'écouter tout ce que vous voudrez bien me dire. Ralson respira profondément. -- Je sais quelque chose, depuis un an environ, que bien peu de gens savent. Peut-être est-ce une chose u'aucune personne vivante ne connaît. Savez-vous que les progrès culturels humains avancent par bonds ? En 'espace de deux générations, une ville de trente mille hommes libres a donné le jour à suffisamment de génies littéraires et artistiques pour fournir ce qu'aurait fourni, en des circonstances normales, une nation de plusieurs illions d'habitants pendant un siècle. Je parle, bien entendu, de l'Athènes du siècle de Périclès. Il y a d'autres xemples. Il y a la Florence des Médicis, l'Angleterre d'Elisabeth, l'Espagne des émirs de Cordoue. Il y a eu le pasme des réformes sociales chez les Israélites aux huitième et septième siècles avant Jésus-Christ. Savez-vous e que cela signifie ? Blaustein hocha la tête. -- Je vois que l'histoire est un sujet qui vous passionne. -- Pourquoi pas ? Rien ne dit, je pense, que je doive me limiter au nucléaire et à la mécanique ondulatoire. -- Rien, en effet. Je vous écoute. -- Au début, je pensais pouvoir en apprendre davantage sur l'essence même des cycles historiques en consultant un spécialiste. J'ai eu quelques entretiens avec un historien professionnel. Ce fut une perte de temps. -- Quel était le nom de cet historien professionnel ? -- Est-ce important ? -- Peut-être pas, si vous le jugez confidentiel. Que vous a-t-il dit ? -- Il m'a dit que j'avais tort, que l'histoire semblait seulement progresser par bonds. Il m'a dit qu'après des études approfondies, on constate que les grandes civilisations d'Egypte et de Sumer n'ont pas surgi tout à coup, ni à partir de rien, mais se sont développées sur les bases d'une ancienne sous-civilisation déjà très sophistiquée. Il m'a dit que l'Athènes de Périclès s'était construite sur une Athènes pré-péricléenne moins florissante, mais sans laquelle le siècle de Périclès n'aurait pas existé. Je lui ai demandé pourquoi il n'y avait pas eu une Athènes post-péricléenne encore plus remarquable, et il m'a expliqué qu'Athènes a été détruite par une peste et par une longue guerre avec Sparte. Je l'ai interrogé sur d'autres spasmes culturels et, à chaque fois, une guerre y mettait fin ou, dans certains cas, l'accompagnait même. Il était comme tous les autres. La vérité était là ; il n'avait qu'à se pencher et la ramasser. Mais il ne l'a pas fait. Ralson regarda le plancher et reprit, d'une voix lasse : -- On vient me voir au laboratoire, docteur. On me demande : « Comment diable allons-nous nous débarrasser de tel ou tel effet qui fiche en l'air toutes nos mesures, Ralson ? » Ils me montrent les instruments et les diagrammes de montage et je leur réplique : « Ça saute aux yeux ! Vous n'avez qu'à faire ci ou ça ! Un enfant

« arrivé dansunétat degrande surexcitation.

Ildélirait presque.

Laissons-le sereposer ets’habituer àson nouvel environnement.

Jel’interrogerai entemps utile. — Pensez-vous pouvoirleramener autravail ?  Blaustein sourit. — Comment lesaurais-je ? Jene sais même pasquelle estsamaladie. — Ne pourriez-vous aumoins ledébarrasser dupire – de cetteobsession desuicide – et poursuivrele traitement quandilse sera remis autravail ? — Peut-être.

Maisilme sera impossible dehasarder unehypothèse avantplusieurs entrevues. — Combien detemps pensez-vous quecela demandera ? — Dans lescas comme celui-ci, docteurGrant,nulnelesait. Grant rapprocha vivementsesdeux mains, quiclaquèrent. — Faites pourlemieux, alors.Maisdites-vous quec’est encore plusimportant quevous nelecroyez. — Possible.

Maisvouspourriez peut-être m’aider,docteurGrant. — Comment ? — Pourriez-vous m’obtenircertainsrenseignements quidoivent êtreclassés « secrets » ? — Quel genrederenseignements ? — J’aimerais connaîtrelepourcentage desuicides, depuis1945,parmi lessavants nucléaires.

Et,aussi, le nombre deceux quiont abandonné leuremploi pourseconsacrer àd’autres domaines delascience ouqui ont carrément abandonné lascience. — Serait-ce enrapport avecRalson ? — Vous nepensez pasque cette terrible dépression pourraitêtreunemaladie professionnelle ? — Eh bien...

ilssont assez nombreux àavoir quitté leuremploi, naturellement. — Pourquoi « naturellement » ? — Vous devezsavoir ceque c’est, docteur.

Danslarecherche atomiquemoderne, ilse développe une atmosphère degrande tension, etilya la bureaucratie...

Ontravaille aveclegouvernement, ontravaille avecles militaires.

Onnepeut pasparler decequ’on fait,ondoit faire attention àce qu’on dit.Naturellement, s’ilvous arrive d’avoir uneproposition dechaire dansuneuniversité, oùvous pouvez fixervotre propre emploi dutemps, écrire descommunications quin’ont pasàêtre soumises àla CEA, assister àdes congrès quinesoient pasàhuis clos, vous sautez surl’occasion ! — En abandonnant àjamais votrespécialité ? — Il ya toujours desapplications civiles.Biensûr,ilest arrivé qu’unhomme partepouruneautre raison.

Il ne parvenait pasàdormir lanuit, ilentendait centmille crismontant deHiroshima, dèsqu’il éteignait la lumière.

C’estcequ’il m’avait dit.Aux dernières nouvelles, ilétait vendeur dansunechemiserie. — Il nevous arrive jamais d’entendre descris, vous-même ? Grant hocha latête. — Ce n’estpasune sensation bienagréable desavoir qu’onpourrait avoirneserait-ce qu’unetoutepetite part deresponsabilité dansladestruction atomique. — Quels étaientlessentiments deRalson ? — Il neparlait jamaisdeça. — Autrement dit,s’iléprouvait cesentiment, iln’avait pasdesoupape desécurité, ilne seconfiait pasà vous tous, sescollègues ? — Eh bien,non. — Pourtant, larecherche nucléairedoitsefaire, n’est-ce pas ? — Bien sûr ! — Que feriez-vous, docteurGrant,sivous étiez obligé defaire quelque chosequevous nepouvez pasfaire ? — Je nesais pas. — Certaines personnessetuent. — Vous voulezdirequec’est cequi déprime Ralson ? — Je nesais pas.

Jene sais pas.

Jeparlerai cesoir auDr Ralson.

Jene peux rienpromettre, naturellement, mais jevous tiendrai aucourant. — Merci, docteur.Jevais essayer devous obtenir cesrenseignements, promitGrant.   L’aspect d’Elwood Ralsons’étaitamélioré, depuisunesemaine qu’ilétait dans lamaison desanté duDr Blaustein.

Sesjoues s’étaient remplies etson agitation quelquepeucalmée.

Ilétait sanscravate, sansceinture et sans lacets. — Comment voussentez-vous, docteurRalson ? demanda Blaustein. — Reposé. — Avez-vous étébien traité ? — Je n’aipasàme plaindre, docteur. La main deBlaustein cherchalecoupe-papier aveclequel ilavait l’habitude dejouer, quand ilétait absorbé, maisiltâtonna envain.

Onl’avait rangé, bienentendu, commetoutcequi possédait desbords. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles