Dictionnaire en ligne: ESCALADE, substantif féminin. A.— Domaine concret. 1. [L'agent est une personne] a) [En cherchant à pénétrer dans un lieu enclos] — Vieux. Action de monter à l'assaut (d'une position) à l'aide d'échelles. Ils emportèrent la place par escalade (Dictionnaire de l'Académie française. ). Ils s'emparèrent par escalade d'une des maîtresses tours et à l'aube la ville elle-même fut prise (RENÉ GROUSSET, L'Épopée des Croisades, 1939, page 299 ). — Par extension. DROIT. usuel. Action de pénétrer dans un lieu enclos en passant par-dessus un obstacle, de s'introduire par une ouverture élevée, non prévue à cet effet. Elle était très émue de notre escalade par la fenêtre (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 70 ). Le vol à main armée, avec escalade (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, page 153) : Ø 1.... il aperçut par sa fenêtre une femme inconnue et très belle qui lui envoyait des baisers. Il laisse là le noeud coulant, refait sa cravate, se met en campagne, et, d'escalade en effraction, parvient jusqu'à son inconnue. ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1907, page 11. · Par métaphore : Ø 2. Pour arrêter le Président, il fallait un ordre de l'Assemblée; nous remplacions l'ordre de l'Assemblée par une voie de fait de la gauche. Escalade et effraction; escalade du pouvoir, effraction de la loi. VICTOR HUGO, Histoire d'un crime, 1877, page 160. b) [En cherchant à atteindre un sommet] — ALPINISME. Action de grimper le long de parois rocheuses en s'aidant des quatre membres et en utilisant au mieux les points d'appui. Une rude escalade; tenter une escalade. Elle n'avait jamais fait d'escalade, pas un sommet d'une valeur de référence (JOSEPH PEYRÉ, Matterhorn, 1939, page 67 ). Nous décidons de franchir la vallée de sable, et de faire l'escalade du dôme le plus élevé afin d'observer l'horizon (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, page 221 ). — Action de monter, de grimper le long de (pentes escarpées). J'écris ceci, assis au bord d'une route, au-dessus de Vence, au retour d'une escalade hasardeuse, fatigante parce que en dehors de tout sentier (ANDRÉ GIDE, Journal, 1940, page 23 ). · Par métaphore. Demain c'est à quatre membres l'escalade dans l'effort et dans l'extase (PAUL CLAUDEL, Visages radieux, 1947, page 799 ). 2. [En parlant de choses] Disposition d'éléments plus ou moins superposés en forme d'échelle. Un fouillis de toits, de maisons en escalade (ALPHONSE DAUDET, Les Rois en exil, 1879, page 50 ). C'étaient deux beaux bras nus (...) tout entourés sous la peau d'une escalade de muscles (JEAN GIONO, Le Chant du monde, 1934, page 29 ). Une fille du nord, toujours en cheveux, triple chignon en escalade et les longues épingles « papillon » (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 470 ). B.— Au figuré. Augmentation progressive, comme par paliers successifs, des moyens utilisés dans un conflit, une compétition, ou une action donnée. Risque, menace d'escalade. « La mécanique de l'escalade », c'est-à-dire l'engrenage qui oblige chacune des deux parties à renchérir sur les initiatives de l'autre (Le Figaro. 28 septembre 1966 dans le Dictionnaire des mots nouveaux (PIERRE GILBERT), 1971 ). Le seul moyen d'arrêter l'escalade des taux d'intérêt est de mettre un terme à l'inflation (Le Monde. 27 mars 1969, dans le Dictionnaire des mots nouveaux (PIERRE GILBERT), 1971 ). Remarque : Dans cet emploi, escalade a été récemment repris, pour traduire l'anglais escalation, comme terme de stratégie militaire et s'est introduit ensuite dans le domaine social (escalade commerciale; escalade des prix, de la violence, de la répression; son antonyme est alors désescalade). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 186. Forme dérivée du verbe "escalader" escalader ESCALADER, verbe transitif. A.— [Le but est de s'introduire dans un lieu enclos] 1. Prendre d'assaut par escalade. Fous de rage, ils escaladent la barricade pour se jeter au combat, mais ils sont cueillis au sommet (ALBERT CAMUS, Révolte dans les Asturies, 1936, page 429 ). J'ai rêvé d'escalader le ciel et me voici, dans la boue, vieillard écrasé (ALBERT CAMUS, Les Possédés, 1959, 3e. partie, 17e. tableau, page 1094 ). — Au figuré. On peut s'en servir [d'une tradition] pour escalader le pouvoir, elle est inutile pour l'exercer (PIERRE-JOSEPH PROUDHON, La Révolution sociale démontrée par le coup d'État du 2 décembre, 1852, page 63 ). Le déluge des journaux n'a pas encore escaladé leur solitude [des Chartreux] (LÉON BLOY, Le Désespéré, 1886, page 124 ). Dans l'année 1648 s'ouvrit la tranchée dans laquelle sauta la France, pour escalader la liberté (JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux. 1945, page 134 ). 2. Par extension. Pénétrer dans un lieu enclos par-dessus un obstacle, s'introduire par une ouverture élevée, non prévue à cet effet. S'il s'agit d'un cambrioleur, au lieu de passer par la porte, il escaladera peut-être le mur (RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure, 1930, page 216 ). Après avoir escaladé le mur du potager voisin, il a été poursuivi par les chiens et contraint de se réfugier ici de nouveau (GEORGES BERNANOS, Dialogues des carmélites, 1948, 4e. tableau, 2, page 1682) : Ø 1. Pour communiquer plus facilement, comme je ne peux tout de même pas escalader ta fenêtre toutes les nuits, je vais percer un trou dans la cloison qui sépare les deux chambres. HERVÉ BAZIN, Vipère au poing, 1948, page 170. B.— [Le but est d'atteindre un sommet] 1. Grimper, monter sur, le long de (quelque chose). Escalader un arbre, une colline. Sans un mot, l'homme fonce droit devant lui, escalade un tas de pierres, traverse le fossé (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 740 ). Pour mieux voir, à quatre pattes, il escalada le talus (GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, page 1411 ). J'escaladais la nuit les escaliers du Sacré-Coeur (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 262 ). — Par hypallage. [Le sujet désigne ce qui permet de monter] Être disposé de bas en haut, en pente abrupte, comme en forme d'échelle. La ville s'abrite à ses pieds et le faubourg escalade, de maisons en grappes, sa pente la plus rude (HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?, 1934, page 549 ). Ses longs bâtiments de pierre escaladant la pente comme de grosses marches grises (JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, page 204 ). On grimpe au château par un sentier qui escalade les roches (ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1963, page 92 ). 2. Spécialement. ALPINISME. Grimper le long de parois rocheuses en s'aidant de quatre membres et en utilisant au mieux tous les points d'appui possibles. Escalader des rochers. Plus d'une heure durant, nous escaladons des roches et parvenons assez péniblement à un col très étroit (ANDRÉ GIDE, Journal, 1923, page 768 ). Marchant, sans piolet, sans cordes, sans vivres, escaladant des cols de quatre mille cinq cents mètres, ou progressant le long des parois verticales (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, page 163) : Ø 2. Pendant cinq heures, il monta, escaladant des rochers au moyen de ses crampons, taillant la glace, avançant toujours et parfois halant, au bout de sa corde, le chien resté au bas d'un escarpement trop rapide. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, L'Auberge, 1886, page 1080. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 501. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 536, b) 1 205; XXe. siècle : a) 733, b) 581. DÉRIVÉS : Escaladeur, -euse, substantif. Personne qui escalade. a) [Correspond à escalader A] Fatigué d'être un coureur de champs et un escaladeur de murailles (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 1, 1846, page 738 ). Au figuré. Que la môme Odette soit une escaladeuse de braguettes, on pouvait pas en rendre l'univers responsable (ALBERT SIMONIN, Le Cave se rebiffe, 1954, page 227 ). b) [Correspond à escalader B] Des escaladeurs d'occasion crispés sur les saillies des prises (JOSEPH PEYRÉ, Matterhorn, 1939, page 112 ).
