ARLAND, Marcel
Publié le 21/04/2012
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Prix Goncourt 1929 avec l’Ordre, il dirige la NRF de 1952 à 1977, d’abord avec Jean Paulhan, puis seul après sa mort. Il publie parallèlement des romans et des essais critiques. Il est élu à l’Académie française en 1968.
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Or, identifier l'existence et la littérature, c'est chercher dans l'écriture une mystique.
Arland
interroge la création littéraire afin de mieux définir cette « grâce » qui atteint tous ceux des
écrivains
qui se sont découverts à eux-mêmes et aux autres : Pascal, Racine, Laclos ...
Le critique
trouve ici sa raison d'être -mais dans une lucidité exacerbée qui ne tolère pas la médiocrité.
Ce visage d'Arland, c'est celui que tout le monde connaît.
Celui qu'il montre à la N.R.F.
qu'il dirige avec Paulhan.
Toutefois, l'œuvre ne se réduit pas à cette exigence, qui se développe
dans les directions différentes et conduit aux grandes nouvelles.
Pourtant, on ne passe pas simplement d'un registre à l'autre.
Il y a des relais qui permettent
de changer de domaine et de modifier les structures mêmes de l'œuvre.
C'est une longue médita
tion sur l'enfance qui sert ici de transition.
L'enfance, elle est en apparence partout, dans cette œuvre.
Mais ce n'est pas simplement
l'enfance.
Déjà, dans Terres étrangères, ce récit des débuts d'Arland qu'aimait Valery Larbaud,
un enfant est le témoin des amours tragiques d'un couple, le regard, en apparence innocent, insi
dieusement appliqué à une tragédie.
Plus profonde est cependant la mémoire : elle retrouve une
mère, devenue veuve trop jeune, la menaçante présence des morts, l'ombre d'un père inconnu,
les étrangers dont les gestes composent un univers impitoyable.
Les Vivants, :{,élie dans le désert,
Terre natale
définissent ainsi une rêverie qui force Arland à sonder plus profondément la terre
du passé.
Nous
parvenons alors à ce que lui-même a nommé« le charnier spirituel de l'ombre», le peuple
des fantômes et des créatures qui habite les récits les plus surprenants de l'écr~vain.
Cela constitue
la part mystérieuse de cette œuvre, non seulement parce que l'écrivain unit dans la même démarche
une analyse critique de la littérature et la création d'un univers dominé par des obsessions irré
pressibles, mais
surtout parce que l'art paraît puiser aux sources mêmes de la vie de l'artiste et
se
nourrir de sa substance.
Il faut de tout pour faire un monde, l'Eau et le feu, la Consolation d'un voyageur, A perdre haleine et
Je vous écris nous jettent au milieu d'un monde farouche qu'inlassable l'écrivain-témoin interroge
et met en doute.
Les figures plus ou moins monstrueuses et fantastiques qui peuplent les cam
pagnes où elles s'enracinent ne sont pas explicables par les rêveries qui commandaient aux premiers
livres.
L'écrivain multiplie les angles de vue, nous découvre une femme malade de son désir par
les quelques vêtements qui subsistent d'elle après sa mort, un malheureux bafoué qui se pend à
la sauvette dans une cabane, ouvre une saisissante méditation, à propos d'un défilé de carnaval
où une jeune paysanne, attachée sur un char, joue les martyres.
Ici, l'art de Marcel Arland est fait de notations imperceptibles qui désignent la vie plus
qu'elles ne l'exposent.
Il convient de faire pressentir sans expliquer, sans enfermer le personnage
dans une image toute faite.
Aucun écrivain n'a moins joué avec ses créatures.
Ce monde est terrifiant, implacable.
Dérisoire aussi.
C'est peut-être une vision de l'enfer.
Qu'importe ...
Les personnages qu'il invente pèsent sur le cerveau de l'écrivain comme des vam
pires.
Il les aime et les hait tout à la fois, parce qu'ils représentent sa vie inquiète et frémissante.
Mais ils le sauvent aussi du malheur d'être.
Tout cela, dans la seconde partie de Je vous écris, s'achève dans une immense caravane,
un « grand pardon >> où le romancier voit ses personnages s'acheminer vers le jugement dernier,
non pour y trouver une morbide satisfaction, mais une « bénédiction », une sorte de réconciliation
de l'homme avec lui-même.
C'est le « grand merci » de Nietzsche.
C'est autre chose encore :
l'épanouissement d'une œuvre en perpétuel inachèvement qui découvre, sinon la paix et la sérénité,
du moins une sorte de bonheur tendu.
JEAN DUVIGNAUD
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