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La Cerisaie

Publié le 05/04/2013

Extrait du document

Tchekhov tenait à ce que ses oeuvres fussent jouées comme des comédies. Ce fut là l'objet de nombreuses querelles avec son metteur en scène attitré, Stanislavski, qui en donnait souvent une interprétation tragique. Tout l'art de Tchekhov est contenu dans cette oeuvre magistrale, pleine de finesse et d'humour, créée en 1904, quelques mois avant sa mort.

« L'intelligentsia remise en cause Chez nous, en Russie, pour l'instant, rares sont ceux qui travaillent.

La plus grande partie de l'intelligentsia que je connais ne cherche rien, ne fait rien et est, pour l'instant, inapte au travail.

Ils disent faire partie de l'intelligentsia ·, mais ils tutoient les domes­ tiques, ils se comportent avec les moujiks comme avec des animaux, ils n'apprennent rien, ils ne lisent pas de manière sérieuse, ils ne font rien du tout, la science, ils se contentent d'en parler, l'art, ils n'y comprennent pas grand-chose.

L'ambiguïté des sentiments Mon Dieu, Mesdames et Messieurs, la Cerisaie est à moi ! Dites-moi que je suis soûl, que j'ai perdu la raison, que tout n'est que dans mon imagination ...

(Il trépigne.) Ne vous moquez pas de moi! Si mon père et mon grand-père pouvaient sortir de leur tombe et s'ils pouvaient voir tout ce quis' est passé, comment leur Ermolaï, cet Ermolaï illettré que l'on battait et qui courait nu­ pieds l'hiver, comment cet Ermolaï a acheté cette propriété, la plus belle au monde.

J'ai acheté la propriété où mon grand-père et mon père étaient esclaves, là où on ne les laissait même pas entrer dans la cuisine.

Je dors ,je rêve ,je ne fais qu'imaginer tout ça ...

C'est le fruit de mon imagination, couvert par le nuage de l'ignorance ...

(Il ramasse les clefs, souriant gentiment.) Elle a jeté les clefs, elle veut montrer qu'elle n'est plus la maîtresse ici ...

(Il fait sonner les clefs.) Bon, peu importe.

(On entend l'orchestre qui accorde les instruments.) Hé! les musiciens, jouez, je veux vous entendre ! Venez tous regarder comment Ermolaï Lopakhine attaque la Cerisaie avec la hache, comment les arbres tombent à terre! Nous construi­ rons les résidences d'été et nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants connaîtront une vie nouvelle, ici ...

Musique, musique! Le « non-dit » chez Tchekhov VARIA examine longuement les affaires.

- c· est étrange.je ne les trouve pas.

LOPAKHINE.

- Qu'est-ce que vous cherchez ? VARIA.

- C'est moi qui l'ai emballé et je ne sais plus où.

Un temps.

LOPAKHINE.

- Où irez-vous maintenant, Varia Mikhai1ovna ? VARIA.

- Moi ? Chez les Ragouline ...

Je me suis mise d'accord avec eux pour m'occuper de leur propriété ...

comme intendant.

LOPAKHINE.

- C'est à Yachevo ? A environ soixante-dix verstes! (Un temps.) Et voilà, la vie est finie dans cette maison.

VARIA, examinant les affaires.

- Où est-ce donc passé ? Je l'ai peut-être mis dans la malle ...

Oui, la vie est finie dans cette maison ...

Elle ne reviendra plus ...

LOPAKHINE.

- Et moi je pars pour Kharkov, avec le même train.

J'ai beau­ coup à faire.

Je laisse Epikho­ dov ici ...

Je l'ai engagé.

VARIA.

- Ah ! bon.

LOPAKHINE.

- L'année dernière, à cette époque, il y avait déjà de la neige.

Et maintenan~c'est calme, ensoleillé.

Mais il fait froid ...

Moins trois de­ grés.

« uoueov.

- Jeter un dernier regard sur les murs, les fenêtres ...

Maman aimait aller et venir dans cette pièce ..• ,.

NOTES DE L'ÉDITEUR il est le dramaturge du mouvement de la vie, simultanément grave et souriante, drôle et amère, il faut oublier « sa petite musique», la nostalgie slave qui n'existe que dans les boîtes de nuit.

Il a dit souvent que ses pièces sont des comédies - c'est le grand thème de ses conflits avec Stanislavski.

Il détestait le ton dramatique, la lenteur imposée par le metteur en scène.

En conclure qu'il faut jouer La Cerisaie en vaudeville, non.

» Peter Brook, « A l'encontre des idées reçues, le théâtre de Tchekhov est d'abord un théâtre de «Je tiens La Cerisaie pour le chef-d'œuvre de Tchekhov.

Parmi les quatre grandes pièces qu'il a écrites pour le théâtre, elle est celle qui se généralise le plus impérativement, celle qui s'universalise le mieux.

» Jean-Louis Barrault, Pourquoi La Cerisaie, Cahiers Renault-Barrault, 1954.

« Tchekhov montre des individus et une société en perpétuel état de changement, A propos de Tchekhov, Comédie-Française, février 1981.

1 Sipa·lcono 2 peinture d'Olga Wisinger-Florian, Akademische Druck, Graz 3 peinture de Neil Kent, Thames and Hudson, Londres, 1987 la distance maintenue, un théâtre du détachement.

C'est notre lot, particulièrement à nous, gens de théâtre, de transiter sans cesse entre " ce que nous sommes en train de cesser d'être, et ce que nous sommes en train de devenir".

Si l'œuvre de Tchekhov continue à nous parler si fort, c'est assurément qu'elle s'enracine dans notre passé parfois le plus immémorial.

» Jacques Lasalle, préface de La Cerisaie, Gallimard, 1988.

TCHEKHOV04. »

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