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Erdogan, Recep Tayyip

Publié le 08/04/2013

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1 PRÉSENTATION

Erdogan, Recep Tayyip (1954- ), homme politique turc, fondateur du Parti de la justice et du développement, issu de la mouvance islamiste, nommé Premier ministre de Turquie en 2003.

2 UNE JEUNESSE PAUVRE ENTRE FOOTBALL ET MILITANTISME ISLAMISTE

Né à Istanbul, Recep Tayyip Erdogan grandit dans le quartier pauvre et religieux de Kasimpasa, sur la rive européenne du Bosphore, au sein d’une famille modeste et pratiquante. Il fait ses études secondaires dans un lycée religieux, et s’y distingue par ses talents d’orateur et son intérêt pour le ballon rond. Alors qu’il veut devenir footballeur, son père l’oblige à continuer ses études. Il s’inscrit à la faculté d’économie et de commerce d’Istanbul tout en poursuivant une carrière de footballeur au sein d’un club municipal.

Recep Tayyip Erdogan entre dans la mouvance islamiste dès le début des années 1970, notamment dans le sillage du leader de l’islam politique turc, Necmettin Erbakan. Ce dernier prône une pratique religieuse fondée sur la morale personnelle, qui s’enracine dans le soufisme, courant très développé en Turquie. Le jeune Erdogan le suit au sein des partis qu’il fonde successivement et qui sont régulièrement interdits dans un pays musulman où la laïcité est érigée en valeur fondamentale et son respect garanti par l’armée.

3 DE LA MAIRIE D’ISTANBUL À LA PRISON

C’est au sein du Parti de la prospérité (Refah), fondé en 1983 par Necmettin Erbakan, que se dessine la carrière politique de Recep Tayyip Erdogan. Candidat malheureux aux élections législatives de 1991, il émerge véritablement sur la scène politique nationale en 1994 lorsqu’il est élu maire d’Istanbul. À la tête de la plus grande ville de Turquie, il réorganise la vie municipale et apporte de réelles améliorations dans les domaines du logement, du transport et de l’assainissement. Lors des élections législatives de 1995, le Refah devient la première force politique du pays et Necmettin Erbakan est appelé à prendre la tête d’un gouvernement de coalition en 1996. Il est toutefois contraint de démissionner dès l’année suivante sur l’intervention du Conseil national de sécurité, gardien sourcilleux de la laïcité turque, tandis que le Refah est dissous.

Les foudres de l’armée et de la justice ne manquent pas de tomber également sur Recep Tayyip Erdogan et d’interrompre son ascension politique : sa lecture publique d’un poème — « Nos mosquées sont nos casernes, nos dômes nos casques, les minarets nos baïonnettes et les croyants nos soldats « —, lors d’une tournée électorale dans la ville de Siirt (région kurde de Turquie), lui vaut une condamnation à plusieurs mois de prison pour « incitation à la haine religieuse «, ainsi qu’une interdiction d’activité politique à vie.

4 LE PARTISAN D’UN ISLAM POLITIQUE MODERNE ET MODÉRÉ

En 2001, à la suite de l’interdiction du Parti de la vertu (Fazilet), né sur les cendres du Refah, Recep Tayyip Erdogan — qui se voit restituer ses droits politiques — s’impose comme le leader d’un mouvement de jeunes modernistes opposés aux visions traditionalistes de Necmettin Erbakan. Il crée le Parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkinma Partisi, AKP) et, ayant tiré les leçons des expériences passées, il élabore une stratégie politique qui privilégie les problèmes concrets (économie, vie quotidienne, lutte contre la corruption, droits de l’homme), remettant à plus tard les questions religieuses. Il gomme toute référence à l’islam dans ses discours, récuse l’étiquette d’islamiste pour son parti, qu’il qualifie de « démocrate conservateur «, s’affirme respectueux de la démocratie et de la laïcité, reléguant la foi à la sphère privée, et affiche de nettes orientations pro-européennes.

À l’approche des élections législatives de novembre 2002, pour lesquelles son parti est donné favori, il doit faire face à l’invalidation de sa candidature par le Haut Conseil électoral turc en raison de son casier judiciaire. Fort d’un programme rassemblant aussi bien les petites gens et les classes moyennes qui se sentent méprisées par la bourgeoisie et une élite inamovible et corrompue, que les petits capitalistes exclus d’un milieu économique réputé pour son affairisme, il parvient à mener l’AKP à une victoire écrasante avec plus de 34 p. 100 des suffrages. C’est son bras droit, Abdullah Gül, qui prend provisoirement la tête du gouvernement — la loi électorale turque exige en effet que le Premier ministre soit également député.

À la faveur d’amendements constitutionnels adoptés par la nouvelle majorité parlementaire, Recep Tayyip Erdogan est en mesure de se présenter à la députation dès le mois de mars 2003, à l’occasion d’un scrutin partiel dans la circonscription de Siirt, ancien théâtre de son bannissement politique. Élu triomphalement avec près de 85 p. 100 des voix, il est nommé Premier ministre en remplacement d’Abdullah Gül.

5 UN PREMIER MINISTRE CONVERTI AU PRINCIPE DE LA LAÏCITÉ ?

Dans un pays miné par la corruption, Recep Tayyip Erdogan entend incarner l’honnêteté, la modernité et le changement. Son accession au pouvoir met en évidence l’évolution de la société turque et du personnel politique, qui s’est jusque-là cantonné à la gestion de l’héritage laïque de Mustafa Kemal Atatürk. Elle s’explique en partie par le marasme économique dans lequel est plongée la Turquie. En particulier, la vague de privatisations entreprise à partir des années 1980 a provoqué un vide dans les systèmes de solidarité collectifs, qu’ont comblé de nombreuses associations islamiques créées pour venir en aide aux plus démunis, favorisant de ce fait un retour à la pratique religieuse. Cette tendance n’en reste pas moins modérée en raison des particularités mêmes de l’islam politique turc, fort éloigné de l’idéologie fondamentaliste qui traverse les États arabes voisins.

Bénéficiant du soutien des États-Unis, Recep Tayyip Erdogan voit son élection saluée par le président George W. Bush. Il accède au pouvoir dans un contexte géopolitique tendu, marqué par l’imminence d’une intervention américaine en Irak. Si la Turquie demeure l’alliée des États-Unis, la guerre en Irak n’est pas sans fragiliser le pouvoir turc : l’autonomie accordée aux Kurdes irakiens est susceptible de réveiller les sentiments indépendantistes au sein de la communauté des Kurdes de Turquie et l’occupation d’un pays musulman est mal ressentie par le courant islamiste.

Recep Tayyip Erdogan s’engage cependant à maintenir les engagements de la Turquie au sein de l’OTAN tout en favorisant son adhésion à l’Union européenne (UE). Il s’emploie notamment à résoudre la question de la partition de Chypre ; son soutien au plan de réunification proposé en 2004 par le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan (accepté par la partie turque de l’île mais rejeté par la partie grecque) augmente son crédit international et, en décembre 2004, les autorités de l’UE fixent au mois d’octobre 2005 le début des négociations d’adhésion de la Turquie. Ce volet diplomatique s’accompagne d’une amorce de réformes économiques et politiques visant à lever les obstacles compromettant l’entrée dans l’UE, notamment dans le domaine des libertés publiques et individuelles (élargissement des droits linguistiques de la population kurde, réduction du pouvoir de l’armée, lutte contre la corruption).

Au printemps 2007, il est confronté à une crise politique majeure à la suite de sa candidature à la magistrature suprême, considérée comme une menace pour les fondements laïcs de l’État turc. Face à l’opposition du président sortant Ahmet Necdet Sezer, de hauts représentants de l’armée et de centaines de milliers de personnes manifestant leur soutien à la laïcité, il se désiste en faveur de son allié Abdullah Gül. Alors que le pays est dans une impasse politique à la suite du rejet par le Parlement de cette nouvelle candidature, il convoque des élections législatives anticipées au mois de juillet 2007 et en sort renforcé après la large victoire de l’AKP.

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