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L’existentialisme est-il un humanisme ? (jean Paul Sartre)

Publié le 30/10/2011

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L’existentialisme est-il un humanisme ? (jean Paul Sartre)

L’existentialisme est-il un humanisme est texte philosophique écrit par Jean Paul Sartre (philosophe et écrivain français du 20 ème siècle) publié en 1946 et considéré comme l'exposé de sa conception philosophique, l'existentialisme. Ce texte polémique a entraîné tant de malentendus que Sartre a finis par le désavouer plus ou moins. Au point de départ, c'est le texte d'une conférence donnée le 29 octobre 1945 à Paris. Le but en est de défendre l'existentialisme contre les critiques d'une part des communistes, pour qui Sartres constitue une philosophie subjectiviste et \"bourgeoise\", d'autre part des chrétiens, qui, outre son athéisme, reprochent à Sartre sa vision pessimiste de l'existence. Contre ses adversaires, Sartre soutient que l'existentialisme est un humanisme \"puisque le destin de l'homme est en lui-même». Selon Sartre, la liberté de l'Homme est telle dans son propre devenir que nul ne peut prédire même très grossièrement quel tour l'Histoire prendra demain s’opposant ainsi à La notion de « sens de l’histoire » chère à Hegel. Cela le conduit à rejeter par ailleurs l'optimisme des marxistes sur les « lendemains qui chantent ».

La morale kantienne est également critiquée pour son formalisme (.l'adoption de formes abstraites dans le réel) Sartre prend l'exemple d'un jeune homme ayant le choix entre s'occuper de sa mère ou rejoindre les résistants à Londres. Dans les deux cas, la maxime de son action n'est pas morale puisqu'il sacrifie nécessairement une \"fin en soi\" en la réduisant au rang de « moyen » : abandonner sa mère étant le moyen de rallier Londres, abandonner les combattants étant en revanche le moyen de s'occuper de sa mère… La morale de Kant ne donne pas de réponse dans un conflit de devoirs (devoir filial ou devoir civique). En définitive, on choisit toujours seul.

Mais L'existentialisme est avant tout  une doctrine profondément optimiste et qui repose sur l'action, il ne s'agit pas d'une doctrine désespérée car elle recherche l'espoir dans les actions entreprises par l'homme et un sens à sa vie. Il s'agit d'une vision compatible en tout point avec la vie communautaire.

 

Nous allons donc tenter de montrer les différents aspects du texte de Sartre en répondant dans un premier temps à la problématique : Qu'est-ce que l'homme et comment se réalise-t-il selon Sartre? Puis dans un second temps à la problématique suivante : En quoi le concept de nature humaine s'oppose-t-il au concept de condition humaine ?

 

1) Qu'est-ce que l'homme et comment se réalise-t-il selon Sartres?

 

Dans L’existentialisme est un humanisme, Sartre déclare que pour la pensée existentialiste toute vérité et toute action impliquent un milieu humain et une subjectivité humaine. Cela veut dire que tous les aspects de cette doctrine se rapportent à l’être humain et à sa faculté de prendre conscience de sa situation. L’existentialisme est donc avant tout une réflexion sur l'existence humaine. Il nous dit qu'il y a deux façons de voir les choses : soit l’homme est déterminé, soit il ne l’est pas et il est donc libre. Le premier fondement original de l’existentialisme sartrien se trouve donc dans la distinction entre l’être en-soi et l’être pour-soi.

L’existence humaine pour Sartre est avant tout une liberté: en effet, l'existence humaine diffère radicalement de celle des objets fabriqués. Il prend l'exemple d'un coupe-papier et nous fait remarquer qu'évidemment celui-ci est construit pour un usage déterminé, selon des techniques données. En effet, avant d'exister ce coupe papier a été pensée, dessinée: il a été conçue pour couper du papier, il a été construit selon un modèle et pour un usage particulier, il a d'abord été une idée, autrement dit il a été une essence avant d'être une existence. Mais ajoute Sartre, pour lui l’homme existe d'abord avant d'être ceci ou cela et c’est lui même qui décide d'être ceci ou cela. Pour l'homme, \"l'existence précède l'essence\", car une personnalité n'est pas construite sur un modèle dessiné d'avance et pour un but précis car c'est la personne elle même qui choisis de s’engager dans telle entreprise ou dans telle situation. Ce n'est pas que Sartre nie les conditions contraignantes de l'existence humaine, mais il répond à Spinoza qui affirmait que l'homme est déterminé par ce qui l'entoure, par une dialectique ; D'une part, il admet comme Spinoza \" que tout homme est en situation «c’est-à-dire qu’ Il a un corps, un passé, des obstacles devant lui mais D'autre part, c'est l'homme qui librement confère à la situation son sens. Par exemple une situation paraît intolérable pour des gens qui se sentent opprimés et qui se révoltent: cette situation n'est peut-être pas intolérable en soi d’après Sartre mais elle le devient parce que l'homme lui a conféré ce sens par son projet de révolte alors que un autre homme pourrait, avec un autre projet, considérer cette même situation comme « sainte », « juste ». En projetant mes intentions sur ma situation actuelle « c'est moi qui librement transforme celle-ci en moyens d'action ». Plus l'homme vit dans une situation tragique et difficile, plus il éprouve le besoin de s'en sortir, et plus il cherche les moyens de le faire. Selon Sartres ce sont donc nos décisions qui donnent un sens aux situations. En effet, partant du principe que Dieu n’existe pas (ce que Sartre conçoit), qu'il n’a donc pas créé l’homme suivant un moule, un concept prédéterminé, celui-ci est donc libre. Tout démarre alors du « Je pense donc je suis » cartésien qui est à la base de toute connaissance. Ce n’est qu'à partir de soi que toute expérience peut se faire. Pour l’homme, l'existence précède l'essence car au départ, selon Sartre, l’homme n’est rien. C’est son existence qui, d'actes en actes, de choix en choix, déterminera ce qu’il est. Nulle pensée ne peut arriver à ce résultat, seuls les actes déterminent une existence. Les rêves ne sont que des rêves, les pensées ne sont que des pensées et seuls nos actes déterminent ce que nous sommes. Ce que nous voudrions être n’a aucune valeur. Pour exister l’homme doit donc agir par des actes ou des choix qui le détermineront par la suite. Lorsque Sartre nous dit que : \"le monde est le miroir de ma liberté\" il signifiait que le monde l'obligeait à réagir, à se dépasser. C'est ce dépassement d'une situation présente, contraignante par un projet à venir que Sartre nomme transcendance. C'est parce que, comme le disait Pascal, nous sommes embarqués que les choix sont inévitables et l'on comprend que Sartre dise: \"nous sommes condamnés à être libres\". Choisir de ne pas choisir c'est encore faire un choix. Il faut ajouter que le choix est de tous les instants c'est à dire que nos libres décisions d'hier n'engagent pas celles de demain: à tous moments, je peux si je veux changer ma vie. Tant que j'existe je conserve la ressource d'orienter mon avenir et par là je \"transfigure et je sauve mon passé\". Ma liberté ne trouve sa limite qu'avec la mort. Dès que j'ai cessé d'exister, ma vie est transformée en destin, selon Sartre \"elle n'est qu'une histoire toute faite pour les regards des vivants, être mort c'est être en proie aux vivants\".

On peut par ailleurs retrouver cet aspect dans l’une des pièces de théâtre de Sartre « huit clos » ou les personnages se retrouvent mort et en enfer. Ils ne peuvent plus rien changer donc au fait qu'ils aient été lâches ou méchants. \"comme nous sommes vivants, nous confie Sartre en 1965, j'ai voulu montrer par l'absurde l'importance chez nous de la liberté, c'est à dire l'importance de changer les actes par d'autres actes. Quel que soit le cercle d'enfer dans lequel nous vivons, je pense que nous sommes libres de le briser. Et si les gens ne le brisent pas c'est encore librement qu'ils y restent. De sorte qu'ils se mettent librement en enfer\"

Mais comment éviter cela ? Si l’on veut devenir un homme il nous faut agir mais que devons nous faire ? Que puis-je savoir? Notre esprit nous pousse à connaître et Sartre dit bien \"connaître c'est s'éclater vers\", c’est à dire s'élancer vers le monde pour lui donner un sens, pour le comprendre: non seulement l'homme n'est que \"projet\", mais au gré de ses découvertes et de sa volonté il change son projet, il se dépasse sans cesse lui même et les choses qui lui sont proposées.

Il n'y a pas d'essence humaine antérieure à l'existence de l'homme. Selon Sartre, il est impossible d’obtenir une définition théorique totalement satisfaisante qui permettrait de savoir précisément ce qu’est l’être humain. Celui-ci existe tout d’abord et se définit ensuite par rapport aux actions qu’il a posées. S’inspirant de Karl Marx, Sartre nous invite donc à définir l’être humain par les actions qu’il produit plutôt que par des idées ou des croyances. On pourrait conclure et traduire la pensée de Sartre en changeant la formule de Descartes du cogito « je pense donc je suis »  par « je fait donc je suis ».

2) Mais en quoi le concept de nature humaine s'oppose-t-il au concept de condition humaine ?

 

L’idée qu’il existerait une nature humaine, c’est-à-dire une essence de l’homme, une définition éternelle de l’homme dont ce dernier ne pourrait pas sortir et qui le contraindrait à vivre d’une seule façon possible s’oppose catégoriquement à la pensée de Sartre en partant du principe qu’« il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine. Cependant il ne remet pas pour autant en cause l’idée qu’il puisse y avoir une universalité humaine, mais selon lui cette universalité réside dans la condition de l’homme et non dans sa nature. Par condition de l’homme il faut entendre nous dit Sartre : « l’ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l’univers. », cela ne signifie pas que la liberté de l’homme est limitée, mais que cette condition définit le contexte dans lequel cette liberté va pouvoir s’exercer.

Pour les existentialistes, l'homme est totalement libre de ses choix et rien ne le conditionnerait. Il n'y a pas de « nature humaine », mais il y a bien une condition humaine, ce qui est différent. La nature humaine suppose une sorte de conditionnement, alors que la condition humaine se limite à la condition de l'homme sur terre, à commencer par le fait qu'il doit mourir un jour. Ce n’est pas du tout la même chose. L’existentialiste se considère comme un optimiste puisque sa philosophie est celle de l’action. Seule l’action contribue à le définir et rien d’autre. Alors que, dit Sartre, le naturalisme de Zola fait de l'homme un être dominé par des gênes, par un milieu social, par une passion etc. C’est à dire un homme sans liberté. Les existentialistes n'admettent pas le pouvoir des passions. Ils se limitent à dire que la passion est un choix comme un autre fait par un être qui a décidé de la vivre. Chez Sartre, tout repose sur le choix, chacun est libre. L'homme est donc aussi responsable de ce qu'il est et il ne peut pas dire que le sort était contre lui, que ceci ou cela l’a empêché de faire ce qu'il voulait vraiment. Mais l’homme n’est pas responsable que de sa propre subjectivité : il est aussi responsable de tous les hommes. Selon Sartre, tout acte accompli par un homme contribue à définir l'homme en général. De là peut naître une certaine angoisse chez l’homme, devant un choix ou un acte. Mais c’est inévitable, car chaque acte est un choix et le fait de ne pas choisir est tout autant un choix. L’homme ne peut donc pas échapper à ce dilemme. Ces actes ont un poids, car ils engagent les autres hommes. En cela l’existentialisme est bien un humanisme. L’homme, à chacun de ses choix, est bien obligé de se demander ce qui se passerait si chaque homme faisait comme lui. Tenter d'échapper à cette question relève totalement de la mauvaise foi. Dans la pensée de Sartre il n’est pas question de se réfugier derrière une quelconque lâcheté naturelle. On n’est pas lâche par nature, comme on n'est pas héros par nature. On n’est lâche que par les choix faits à chaque occasion, comme on n’est héros que suite au choix fait quand il se pose. On n'est pas héros à vie, prédéterminé ! Pour la morale laïque, Dieu n'existe pas, mais il reste une morale nécessaire et qui existerait à priori. Cela revient à dire que Dieu n’existe pas, mais que rien n’est changé. Pour l'existentialiste, cela ne se peut. Si Dieu n'existe pas, avec lui disparaît le bien à priori puisqu’il n'y a pas de conscience infinie et parfaite pour le concevoir. En outre, il n'y a pas de déterminisme et l’homme n’a donc pas d'excuses. Il n'y a pas non plus de valeurs ou un ordre qui légitimeraient nos choix et notre comportement. L'homme est responsable de ses choix. Selon Sartre, c’est cela qui dérange le plus dans l’existentialisme : le fait d’être seuls responsables de ce que nous sommes. L’homme ne peut pas non plus compter sur des générations futures qu’il ne connaît pas. Comme il n’existe pas de nature humaine, il ne sait pas ce que ces hommes feront de leur liberté. Ce n’est cependant pas une raison pour ne pas s'engager. Il faut être capable de s’engager et d'agir parce qu'il n’y a de réalité que dans l’action. Pour Sartre, sa philosophie est optimiste car l'homme a sa vie en mains, il en fait ce qu'il décide d'en faire. Ceux qui veulent se cacher cette liberté au nom d'un quelconque déterminisme sont des lâches pour lui ! C’est une philosophie de l'action, sans déterminisme, et elle est collective parce que la vérité sur soi passe par l'autre. Il y a une universalité de l'homme, mais non déterminée. Elle se construit sur base des actes et des choix de chacun. La vie n’a pas de sens à priori, et il appartient à chacun de lui en donner un. La valeur n'est autre que le sens que nous décidons de donner à notre vie, et à celle des autres, par nos choix. Il n’y a pas d’autre univers que celui de la subjectivité humaine et il n'y a de législateur que l’homme lui-même.

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