JOUVE: PAULINA 1880 (Fiche de lecture)

« de rédemption. UNE ÉCRITURE NOVATRICE Le roman comporte cent dix-neuf courts chapitres, dont certains se réduisent à une demi-page et ressemblentà des versets de textes sacrés.

Il est organisé en six parties, en une structure discontinue, et les fragmentsdu texte conjuguent diverses techniques romanesques d'un ton très moderne. Le roman débute par un inventaire de «la chambre bleue» où a eu lieu le crime.

L'ombre de Paulina est toujoursprésente en ce lieu.

C'est un retour dans le passé que nous propose la deuxième partie, «Torano», évoquant lanaissance de Paulina à Milan, le 14 juin 1849, ses séjours d'été à Torano, la maison de campagne des Pandolfini; c'est là qu'ont lieu les trois rencontres avec le comte Michele ; cette partie se termine par la nuit de laséduction, un soir de juillet 1869. e, L'importance accordée aux dates est très grande, dans ce compte rendu de la passion : la troisième partiedu roman est ainsi dominée par les dates fatales de 1873 et 1876, de la mort des victimes innocentes, le pèrede Paulina et l'épouse du comte Michele.

La quatrième partie, «Visitation», fait alterner des passages dujournal intime de Paulina avec le récit, confrontant ainsi les faits et la conscience profonde du personnage.Concluant les événements dramatiques de la cinquième partie, une fiche signalétique de l'héroïne résume sacondamnation et ses années de peine.

C'est l'effacement de l'intériorité du personnage ; seuls demeurentl'acte criminel et ses conséquences.

L'absence totale de dates dans l'épilogue contraste avec l'ensemble durécit, mais prend une signification : désormais Paulina est hors du temps humain, l'éternité a commencé pourelle. 2. LA FAUTE ET LA RÉDEMPTION 3. Paulina est une héroïne romanesque qui suit une trajectoire fulgurante : la jeunesse radieuse, la maturité tragique etl'effacement ascétique dans l'oubli et la prière.

C'est la dualité qui la caractérise, la lutte entre la passion et lesentiment de la faute : «Paulina s'abandonnait ; et dans sa pensée deux voix égales, alternantes, qui jamais ne se rencontraient, sefaisaient entendre.

[...] L'une reprenait quelques fragments de prière et s'humiliait, avec l'espoir d'être entendue deDieu.

L'autre, glissant de souvenir en souvenir, racontait une histoire voluptueuse ; et Paulina soupirait de sentirqu'elle avait, malgré tout, le bonheur.» Paulina, par l'intensité de la passion et du remords qui s'y mêle, est la figure dominante d'un couple qui s'inscrit dansla tradition de l'amour sortilège ; la passion de Paulina et Michele se situe au-delà de la vie et de la mort, commecelle de Tristan et Yseult, dans un récit à l'esthétique italienne et baroque. Ce roman peut enfin se lire sous un éclairage autobiographique plus précis.

Le personnage de Michele, rationnel,mondain, aimant la vie, représente Jouve avant sa prise de conscience de 1924, personnage dont il veut effacer lesouvenir, fût-ce grâce à un meurtre romanesque.

Paulina, tout entière tendue vers Dieu et l'expiation de sa faute àla fin du livre, symbolise le poète.

Comme elle, il aspire à l'absolu ; la poésie est son moyen de rédemption.

Dansl'isolement, le renoncement inspiré des mystiques, le poète atteint l'harmonie et peut exprimer le sens de la création.Par des images, une intrigue et deux personnages, il traduit l'expérience d'une âme qui accède à l'amour divin.. »