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Marcel Arland, Terre natale

Publié le 27/04/2011

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Un coin de sable, un arbre, un mur, oui, c'était là sans doute mon décor et la source de ma joie. Mais ce coin de sable avait une ampleur de citadelle, où les plus belles aventures pouvaient naître, et cet arbre, dont le tronc, dès la base, se partage en deux branches, c'est son déchirement, sa figure intime, son être propre qui m'émouvait comme un visage et plus qu'un visage. Car tout prenait une âme ; il n'était que de rester silencieux, immobile, pour la sentir ; et le monde se peuplait ainsi de compagnies amicales et stables, d'autant plus précieuses que nul que moi ne semblait les reconnaître.    Chers refuges. Il m'arrivait, après une journée d'école, de courir jusqu'à une lande, derrière le village, ou à une baraque de cantonnier, au bas de la côte, ou simplement au jardin. Et souvent, maussade, énervé, je ne voyais rien survenir, tout me semblait fermé. J'attendais vainement une heure ; je me sentais au comble de la misère. Soudain, je ne sais pourquoi, je ne sais comment, tout est changé ; le monde s'est ouvert ; je perçois un chant de grillon : comment ne l'avais-je pas entendu, si régulier et strident ? Un poirier tremble ; une odeur de menthe me serre la gorge. Cet air vif, cette rumeur des peupliers sur la route, ces nuages agiles dans un ciel pensif : voilà ma vie. J'ouvre, je ferme les mains, je respire à peine ; mais tout cela respire pour moi. C'est un peu de moi-même et je suis un peu de l'arbre déchiré, de la terre humide, du vent tiède, un peu de l'heure aussi qui a son visage, mon visage.    Marcel Arland, Terre natale, 1938.    Vous étudierez ce texte sous forme de commentaire composé. Vous pourrez vous interroger, par exemple, sur la manière dont l'auteur fait revivre l'enfant qu'il a été, sur la nature des rapports que ce dernier créait et entretenait avec le monde, et sur les rythmes qui caractérisent cette page.   

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