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Marivaux: Le jeu de l'amour et du hasard - Acte I, scènes 8 et 9 / I, 7 et 8

Publié le 05/05/2011

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Introduction

Pour mieux juger Dorante qu'elle s'apprête à rencontrer, et décider si elle l'accepte de l'épouser, Silvia, fille de M. Orgon, se déguise: elle sera Lisette, sa suivante, et celle-ci prendra sa place. M. Orgon accepte le «jeu« imaginé par sa fille. Ce qu'il ne lui dit pas, c'est qu'il vient d'apprendre par une lettre du père de Dorante que celui-ci viendrait déguisé en valet. Dorante, sous le nom de Bourguignon, arrive et surprend Silvia par ses manières distinguées. Il précède son « maître«, Arlequin.  L'arrivée d'Arlequin, dans la scène 8 de l’acte I du Jeu de l’amour et du hasard, déguisé en maître correspond au stratagème imaginé par Dorante, mais Arlequin se comporte grossièrement, ce qui, chez le spectateur, suscite le rire: c'est la première scène franchement comique de la pièce. Chez les deux maîtres, l'attitude d'Arlequin a des allures de catastrophe : Silvia découvre avec agacement et désappointement la vulgarité de celui qu'elle prend pour son fiancé; et Dorante constate, troublé, furieux, comme le montre la scène 9, que rien ne se passe comme il l'avait prévu.

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« sont obligés d'avoir une certaine retenue, conforme à leur rôle de serviteurs. 2) Ironie et premier degré.

Habile à manier les mots, Silvia se moque d'Arlequin, qui lui ne comprend pas les finesses du langage.

La jeune fille imite ironiquement l'usage maladroit que fait Arlequin de l'adjectif possessif («je cours informer votre beau-père de votre arrivée»).

Elle emploie l 'adjectif «...

plaisant» à double sens (les points de suspension soulignant son intention moqueuse) : elle veut dire qu'elle trouve Arlequin «risible, ridicule» ; maisArlequin prend le mot au premier degré, croyant que Silvia le trouve à son goût, «séduisant».

De même, Silvia se moque ouvertement de la suffisance et de la naïveté d'Arlequin quand elle lui dit, par antiphrase, qu'il est «bien modeste» de «se contenter» des bons sentiments qu'elle éprouve à son égard. b) Des manières d'être opposées.

Arlequin manque de tact, il se com porte en envahisseur, plein d'assurance et de vanité (« je viens pour épouser», « me voilà pour le faire») . 1) Inconscience et aveuglement .

Arlequin n'a pas conscience des gaffes qu'il commet ni des moqueries qu'il suscite chez Silvia.

Dès que Silvia est partie il commente lui-même son «entrée en scène» avec fierté et la certitude d'être bon comédien («Eh bien, mon commencement va bien») ; il cherche l'approbation de Dorante, mais au lieu de recueillir des félicitations, il est malmené par son maître...

Cette autosatisfaction correspond à la personnalité traditionnelle de l'Arlequin bouffon, vaniteux et insouciant, hérité de la commedia dell 'arte.

Marivaux pousse assez loin l'inconscience comique de son personnage: même après avoir été grondé, il s'obstine et prouve qu'il ne comprend pas ce qu'on lui reproche (« je ferai encore mieux dans les suites» – alors que Dorante craint sans doute qu'Arlequin ne puisse faire que pire encore) ; il se méprend totalement sur sa prestation : il croit avoir été «sérieux» alors qu'il a été bouffon. 2) Sérieux et désinvolture. Face à la bouffonnerie d'Arlequin, les maîtres sont «sérieux».

Le sérieux est ce qui, aux yeux de Dorante, définit le mieux le rôle de «maître» tel qu'il l'avait confié à Arlequin : « je ne t'avais recommandé que d'être sérieux».

C'est principalement autour du thème du mariage que la différence entre Arlequin et les deux maîtres est profonde : Arlequin traite cette question à la légère (« bagatelle»), Dorante et Silvia ont une autre phi losophie de l'existence, ils partagent les mêmes scrupules sur le sujet du mariage («Elle a raison [...] le mariage n'est pas fait»; «Attendez donc qu 'il soit fait») ; d'ailleurs sur ce projet, ils se sont impliqués tous les deux avec exac tement la même prudence (leur déguisement).

Silvia est ironique, sans doute un peu amère, quand elle conforte Arlequin dans sa désinvolture («En effet, quelle si grande différence y a-t-il entre être marié ou ne l'être pas ?») alors qu'elle est pense tout le contraire. II Les piégeurs piégés La maîtrise et le compréhension du jeu échappent à leurs organisateurs. a) Un organisateur pris au dépourvu.

Dorante est la première victime du stratagème qu'il a mis en place. 1) Prisonnier de son rôle.

Dorante-valet est dépassé par le comportement d'Arlequin, mais en présence de Silvia, il peut difficilement agir, prison-nier du rôle qu'il s'est lui même donné.

Dans ses brèves répliques (scène 8), ils'efforce de contenir les débordements d'Arlequin, mais s'il se montre solidaire de Silvia («Elle a raison, Monsieur»), il ne peut désavouer son maître.

Il doit conserver à son rôle de valet une certaine crédibilité.

Il finit donc par se taire. 2) Un homme hors de lui, furieux.

Dès que Silvia est partie, Dorante sort de son rôle (scène 9), reprend l'attitude et le ton du maître.

Il est brutal: «Butor que tu es!» (injure «animale», le butor étant un oiseau).

Il y a dans sa fureur une part d'amour-propre blessé.

L'imitation caricaturale que vient de proposer Arlequin révèle les limites de son action pédagogique (« je t'avais donné de si bonnes instructions» – Arlequin est le mauvais élève d'un maître qui n'a pas su le former).

Et surtout elle est une vraie trahi-son et risque d'empêcher le bon déroulementdu stratagème prévu. 3) Désarroi. Dorante sent qu'il perd le contrôle de la situation, il est désorienté, avoue son trouble («Je ne sais plus où j'en suis»).

Doit-il arrêter le jeu? le continuer? Rester ou partir? La question qu'il s'adresse (« que faut- il que je fasse ?») est comique car on a l'impression qu'elle pourrait s'adresser à Arlequin, qui n'est pas le mieux placé pour répondre. b) Une observatrice partagée entre certitude et perplexité. Silvia, dégui sée en servante attendait de voir son futur époux.

Elle pouvait espérer ren contrer un homme distingué, d'autant qu'elle venait de parler longuement (scènes 6 et 7) avec le «valet» Bourguignon (Dorante) etqu'elle avait été frappée par ses manières...

Mais si, dans cette scène, elle est fixée sur celui qu'elle pense être son fiancé, elle est perplexe sur le duo maître-valet qu'elle découvre. 1) Certitude au sujet d'Arlequin.

D'abord agacée, elle cherche à lutter avec lui, puis elle renonce et affecte de lui obéir (« Oui, Monsieur, nous avons tort»).

Cette soumission feinte, l'ironie qui l'accompagne signalent que Silvia a prononcé sur Arlequin un jugement sans appel : celui qu'elle voit comme son prétendant rejoint définitivement,dans son esprit, la cohorte des mauvais maris dont elle s'est moquée au début de la pièce (scène 1).. »

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