LE PRÉROMANTISME (1760-1820) - Caractères généraux
Publié le 27/02/2012
Extrait du document
La période littéraire qui s'offre maintenant à nous est celle qui va de la Nouvelle Héloïse de Rousseau aux Premières méditations de Lamartine, du premier chef-d'oeuvre préromantique au premier chef-d'oeuvre incontestablement romantique. Elle fut féconde en bouleversements politiques; mais ceux-ci, contrairement à une opinion répandue, n'ont eu sur l'art littéraire qu'une influence faible et tardive. Sans doute la Révolution a créé deux formes littéraires nouvelles : l'éloquence politique et le journalisme; mais ces modes nouveaux d'expression'ont joué bien peu de rôle dans l'évolution profonde de notre littérature et n'ont été illustrés par aucun chef-d'oeuvre....
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de l'évolution littéraire dans ces événements. La Révolution, l'Empire, la Restauration ont peu agi
sur le mouvement interne qui a conduit du Classicisme
au Romantisme.
En tous cas, s'ils ont agi sur lui, ils
l'ont plutôt retardé. Le Romantisme français eût éclos beaucoup plus tôt si aucun bouleversement politique ne s'était produit.
, La période que nous abordons se caractérise par deux
ordres de faits. D'une part, le raisonnable s'efface au profit du sensible.
Une âme nouvelle se révèle peu à
peu, une conception nouvelle des vraies richesses de l'homme intérieur se fait jour, après avoir germé dans l'ombre pendant de longues années avant 1760.
La sensibilité va devenir l'âme de la littérature; c'est l'ère sensible.
D'autre part, on est de plus en plus
gêné par l'étroi- tesse des formes traditionnelles; on veut briser, ou dû moins élargir, celles qui sont imposées par la tradition
la plus impérieuse, comme celle du théâtre. On s'efforce
aussi de chercher des modèles nouveaux, des thèmes nouveaux chez les écrivains anglais d'abord, puis alle
mands, et on abandonne les Grecs et les Latins. C'est là
proprement le préromantisme.
Ces deux phénomènes sont parallèles, mais ils.
ont
entre eux de nombreuses connexions.
On ne saurait les
séparer : sans doute, ceux qui sont les plus romanti ques d'âme sont parfois singulièrement respectueux
de l'ordre classique dans la forme qu'ils adoptent;
mais dans l'ensemble, la primauté du sentiment et la libération de l'art peuvent être considérées comme deux aspects d'un même phénomène historique : on comprend
que, pour exprimer une âme nouvelle, il faille une forme nouvelle, parce que les formes classiques, merveilleuse
ment adaptées à l'esprit de l'âge classique, ne pouvaient convenir à l'expression de sentiments, de sensations,
d'aspirations, que cet âge ignorait ou refoulait. Néan moins, il est frappant de constater à quel point la forme a mis longtemps à se libérer : quand l'âme qui
cherche à s'exprimer est déjà toute romantique, le style est encore tout classique.
Il a fallu plus de quatre- vingts ans pour que la révolution fût accomplie dans l'expression et pour que l'instrument fût adapté à la chose à exprimer.
Cette incroyable lenteur dans l'affran chissement du style tient à la puissance de la tradition,.
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