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Reich, IIe

Publié le 13/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Reich, IIe (1871-1918) empire fédéral allemand fondé en janvier 1871 à l’issue de la guerre franco-prussienne.

Aboutissement de l’unification allemande, le IIe Reich s’est substitué à la Confédération de l’Allemagne du Nord et a consacré la domination prussienne sur l’ensemble des États allemands.

Cette période est marquée par la personnalité des Kaisers Guillaume Ier (1871-1888) et Guillaume II (1888-1918), et d’Otto von Bismarck, chancelier jusqu’en 1890. L’influence et le pouvoir de ce dernier sont tels que l’on peut définir l’histoire du IIe Reich selon deux périodes : l’ère bismarckienne, puis le « Reich Wilhémien « (de Wilhem II ou Guillaume II).

2   LE REICH DE BISMARCK, 1871-1890
2.1   Une fondation sous l’égide bismarckienne

De sa longue lutte pour l’unification allemande, le prince Otto von Bismarck retire une grande aura. Le sacrement d’un Reich (« empire «) allemand, dans la galerie des glaces de Versailles le 18 janvier 1871 — célébration à forte charge symbolique de la victoire allemande —, constitue pour lui une étape qui renforce sa volonté d’hégémonie : après avoir humilié la France, il veut dominer l’Europe et l’État allemand.

De son côté, Guillaume Ier, qui aurait préféré rester roi de Prusse, accepte la couronne impériale avec réticence. Mais Bismarck pèse sur sa décision et s’impose comme le maître du nouvel État, taillé à sa mesure et donnant une apparence de démocratie à un régime qui, de fait, attribue au chancelier un pouvoir quasi monarchique.

2.2   Une vie institutionnelle dominée par la Prusse

Les nouvelles institutions maintiennent les dynasties et les assemblées (Landstag) des vingt-cinq États — vingt-six en 1874, lorsque l’Alsace-Lorraine reçoit le droit de créer son assemblée — tout en créant une Assemblée nationale (Reichstag), élue au suffrage universel masculin. Cependant, la Constitution, votée le 16 avril 1871, confère l’essentiel des pouvoirs au roi de Prusse et à son chancelier, libres tous deux devant le Parlement. Et, même si les partis politiques sont autorisés et représentés, pour la bourgeoisie comme pour la classe ouvrière, ni les Hohenzollern ni Bismarck n’envisagent un vrai débat parlementaire. L’institution du suffrage universel offre simplement la respectabilité à un régime qui, en se targuant d’établir un équilibre entre monarchie et libéralisme, privilégie une culture politique monarchique discrétionnaire. Car, selon Bismarck, la paix allemande et le bien-être des citoyens ont pour prix la liberté du gouvernement.

La Prusse n’entre donc pas seulement dans l’État fédéral, elle le domine. Ainsi, l’armée, les postes et la monnaie (le mark) deviennent communes à tous les États — dont les intérêts sont défendus par leurs représentants au conseil fédéral (Bundesrat). Mais au sein du Bundesrat, quatorze voix suffisent à porter un veto ; or la Prusse dispose de dix-sept élus. Avec leurs suffrages, elle peut bloquer tout projet contrariant ses choix et imposer ses vues. La marque de Bismarck, qui a toujours voulu placer la Prusse à la tête de la vie politique nationale, est ici évidente.

2.3   La stratégie intérieure de Bismarck

Sous le règne de Guillaume Ier, le chancelier Bismarck étend son influence au point de chercher à contrôler l’ensemble des affaires allemandes.

En premier lieu, il cherche à asphyxier toute possibilité de contestation politique et / ou sociale. Dans cette quête, il s’appuie sur les Junkers (aristocratie terrienne conservatrice et luthérienne) et sur le Parti national-libéral (constitué par la bourgeoisie industrielle et le haut fonctionnariat). Ces différentes forces, satisfaites de la reprise économique quelques années après le krach de 1873, permettent à Bismarck d’imposer son autoritarisme hégémonique qui se traduit par le refus de toute opposition politique ou risque de sécession culturelle à l’intérieur du Reich.

Ayant pour dessein d’unifier le pays en une entité homogène — quitte à employer des moyens coercitifs —, Bismarck engage donc une politique active de germanisation des minorités de langue polonaise, danoise, française, etc. Marquée par la loi faisant de l’allemand la seule langue administrative (1876), cette politique échoue néanmoins très largement, engendrant un premier mouvement contestataire.

De même, Bismarck impose le Kulturkampf (« combat pour la civilisation «) et fait voter diverses mesures contre les catholiques allemands (un tiers de la population) et leur parti, le Zentrum (« centre catholique «). Les lois laïques de 1873-1874 visent à limiter l’influence d’un catholicisme pro-autrichien avant 1871 et dont le réformisme social est suspect et dangereux. Devant l’opposition que suscite le Kulturkampf et face à la cohésion de la communauté catholique internationale, Bismarck recule et se réconcilie avec le Vatican en 1878. Du reste, sa politique fonctionne partiellement puisque le Zentrum prend une orientation conservatrice.

Face aux révolutionnaires et aux sociaux-démocrates, Bismarck est plus déterminé. L’unification des mouvements socialistes au congrès de Gotha dans le Parti social-démocrate (1875), puis le succès électoral de ce dernier (1877), rendent la gauche menaçante. Au prétexte d’attentats contre l’empereur, Bismarck fait voter des lois d’exception imposant censure et répression politique contre tout mouvement jugé subversif. Puis le chancelier joue la carte d’une coalition gouvernementale conservateurs / centre catholique. Enfin, cherchant à contenir le mécontentement de l’opinion ouvrière, il fait adopter une série de lois sociales et fonde ainsi la première législation sociale européenne : caisse d’assurance maladie, accident, invalidité, vieillesse. Mais cette stratégie échoue également, comme en témoignent les grèves en Ruhr de 1889. Après la levée des lois d’exception en 1890 et la réorganisation du Parti social-démocrate sur la base d’un programme marxiste (1891), les sociaux-démocrates gagnent en influence.

2.4   La politique extérieure

Les plus grandes réussites du Reich bismarckien relèvent de la politique extérieure. La position de force du chancelier en Allemagne est d’ailleurs en grande partie fondée sur cette réussite — marquée, dès 1871, par l’humiliation militaire de la France et la recherche d’une hégémonie prussienne sur la diplomatie européenne.

Les systèmes bismarckiens reposent sur une triple idée : maintien de la France dans une situation d’isolement diplomatique, maintien du rôle pivot de l’Allemagne dans les systèmes d’alliance de l’Europe orientale, politique de renforcement militaire dissuasif pour parer à toute agression. Maniant les susceptibilités russes, italiennes et austro-hongroises, Bismarck réussit à dominer l’Europe jusqu’au congrès de Berlin de 1878.

2.5   La chute de Bismarck

Pourtant, c’est sur une question de politique extérieure que le chancelier chute. Politique aux préoccupations européennes, il se méfie des ambitions outre-mer, terrain où l’Allemagne ne peut concurrencer les puissances coloniales française et britannique. Or, après la mort de Guillaume Ier (mars 1888) et l’intermède de Frédéric II (atteint d’une maladie incurable, il ne règne que trois mois), Guillaume II monte sur le trône. Ambitieux, le nouveau souverain se trouve rapidement en désaccord avec le chancelier vieillissant à propos de la Weltpolitik (« politique mondiale «) qu’il entend mener. Cette discorde détermine l’éviction de Bismarck qui doit démissionner en 1890.

3   LE REICH WILHÉMIEN, 1890-1918

Farouchement expansionniste, convaincu que le pays est menacé (par la Russie, la France et l’Autriche) et viscéralement pangermaniste, Guillaume II affiche un profil belliciste qui se traduit par une active politique d’armement. La rupture avec le Reich bismarckien est nette : Guillaume II et son premier chancelier, le comte von Caprivi (1890-1894), réveillent les méfiances européennes que Bismarck entendait précisément anesthésier pour assurer la stabilité de la puissance allemande.

3.1   Les fruits et conséquences de la croissance

Jusqu’en 1914, le pays bénéficie d’une croissance ininterrompue, emmenée par l’industrie du charbon, le secteur bancaire et le démarrage du commerce (plus 69 p. cent entre 1904 et 1914). Le Reich devient la première puissance industrielle d’Europe. Le sort du prolétariat ouvrier en est très sensiblement amélioré, favorisant une détente dans le débat politique : l’essoufflement du révolutionnarisme permet l’intégration d’une partie de la gauche au jeu institutionnel.

Parallèlement, le pays connaît un élan démographique : de 1870 à 1914, la population passe de 41 à 67,4 millions d’habitants. Cette croissance constitue un atout majeur pour le développement industriel et militaire du pays. Il cause également d’importants bouleversements sociaux qui exacerbent les tendances autoritaires et impérialistes du régime. Ainsi, l’accroissement de la population, conjuguée aux mutations de l’agriculture, provoque un exode rural massif vers les grands centres industriels. Le déclin de la paysannerie engendre la montée en puissance du prolétariat ouvrier, tout en attisant la rivalité entre bourgeois et Junkers.

3.2   Le poids de la weltpolitik

Guillaume II cherche à mettre ce dynamisme au service d’une politique expansionniste. La fermeture du marché continental limite les ambitions allemandes, pourtant riches d’un potentiel industriel concurrençant l’Angleterre (production houillère, métallurgique, chimique et électrique). Guillaume II autorise alors les mouvements pangermanistes (dont la Alldeutscher Verband, Ligue pangermaniste) à mener une propagande revendiquant la domination allemande sur l’Europe, puis sur le monde. Considérant que ses intérêts sont engagés sur tout le globe, l’Allemagne se donne le droit d’intervenir partout où elle le juge nécessaire, au nom de la Weltpolitik et de la Weltwirtschaft (« économie mondiale «).

Avec l’appui de ses chanceliers successifs — von Caprivi (1890-1894), Hohenlohe-Schillingsfürst (1894-1900), von Bülow (1900-1909) et Bethmann-Hollweg (1909-1917) — Guillaume II opte donc pour l’expansion coloniale, afin d’ouvrir des débouchés commerciaux aux excédents de production. En Orient d’abord, l’Allemagne occupe la baie de Kiao-tcheou, puis le nord-est de la Nouvelle-Guinée et plusieurs archipels du Pacifique (Marshall, Palaos, Bismarck, Salomon, Carolines, Mariannes et une partie des Samoas) ; elle prend également pied en Afrique, avec l’acquisition du Togo, du Cameroun, de l’Afrique orientale et du Sud-Ouest africain.

L’Allemagne constitue bientôt le troisième empire colonial de l’Europe. Pour le concrétiser, il a fallu développer une armée puissante (lois de 1892, 1899, 1900 et 1911) et une marine moderne. En 1898, Guillaume II confie à l’amiral Alfred von Tirpitz le soin de développer la flotte : en quelques années, ce dernier fait de l’Allemagne la deuxième puissance navale du monde.

3.3   Le prix de l’expansionnisme et du militarisme

Cet impérialisme ne prend pas seulement appui sur un soutien de l’industrie et la montée en puissance du militarisme. En diplomatie, les grandes orientations du second système bismarckien sont préservées : scellée en 1872, la Triple-Alliance (Allemagne, Autriche, Italie) est maintenue jusqu’à la fin du Reich. Guillaume II déploie également d’importants efforts de propagande en direction des communautés allemandes émigrées, principalement aux États-Unis et en Amérique du Sud (Argentine, Brésil). En 1913, la loi Delbrück permet aux 10 à 12 millions d’exilés des « colonies spontanées « de conserver leur nationalité d’origine : le Reich peut ainsi exercer une influence politique et culturelle loin de ses frontières.

En relations internationales, le revers de la politique wilhémienne est un rapprochement des puissances européennes craignant l’agressivité allemande. Au début du xxe siècle, en dépit de la Triple-Alliance, l’Allemagne finit par être réellement isolée : alliance franco-russe (1893), Entente cordiale franco-anglaise (1904), Triple-Entente réunissant France, Angleterre et Russie en 1907. Jusqu’en 1914, Guillaume II et Bethmann-Hollweg ne peuvent guère compter que sur l’Autriche-Hongrie pour les soutenir au cours des crises diplomatico-militaires qui émaillent les années d’avant-guerre.

En politique intérieure, le revers de l’isolement diplomatique de Guillaume II contrarie toute ouverture vers une authentique monarchie parlementaire. Homme de caractère, le Kaiser dirige des chanceliers dociles et, pas plus que Bismarck, ne cherche à limiter les contestations par la démocratisation. De même, il ne met pas de terme à une politique de germanisation globalement inefficace. Cette situation aboutit à la montée de la contestation intérieure et à l’écrasante victoire des sociaux-démocrates aux élections de 1912 (34,8 p. 100 des suffrages). Avec 1,7 million d’adhérents, le parti menace l’ordre conservateur établi depuis 1871.

3.4   Le Reich dans la guerre

Au début de l’année 1914, l’Allemagne reste au demeurant stable et prospère et s’engage dans la Première Guerre mondiale avec un esprit d’union sacrée comparable à celui de ses ennemis, union qui associe autour de la défense de « l’esprit allemand « l’ensemble du monde politique — seuls les spartakistes refusent de voter les crédits de guerre.

Les deux premières années du conflit sont marquées par des victoires rapides qui galvanisent le moral de la nation. Mais la résistance franco-russe, bientôt conjuguée à l’entrée en guerre des États-Unis, inverse progressivement la situation. L’entrain du peuple, qui souffre de l’économie de guerre, s’étiole.

Dès 1916, une scission s’opère au sein de la sociale-démocratie : malgré la répression, la ligue spartakiste de Karl Liebknecht appelle à la cessation des hostilités, bientôt rejoint par les Indépendants (autre fraction sociale-démocrate). La propagande spartakiste, renforcée par l’espoir que suscite la révolution bolchevique de 1917, rencontre un succès croissant en dépit de l’assurance du maréchal Hindenburg, qui domine alors le pays et juge, après la signature du traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), que rien n’est perdu. Cependant, les grèves, dont l’objectif est la signature d’une paix sans annexions ni indemnités, se multiplient ; les mutineries sévissent dans la marine ; et le 19 juillet 1917, sur l’initiative du parti social-démocrate et du Zentrum, le Reichstag vote une résolution en faveur d’une « paix d’entente, de réconciliation durable entre les peuples «. Cette résolution souligne le divorce de la classe politique avec quarante années d’expansionnisme, d’aventurisme militaire et d’étouffement du débat intérieur.

Les défaites de 1918 et l’imminence de l’invasion contraignent le Kaiser Guillaume II à abdiquer pour fuir aux Pays-Bas (9 novembre), un mois après la demande d’armistice aux États-Unis. Sa fuite entraîne la chute du IIe Reich. Mais dès avant, la République a été proclamée à Berlin (voir république de Weimar) — une République qui hérite d’une Allemagne amputée de l’Alsace et de la Lorraine, d’un empire annihilé et d’une armée croupion limitée à 100 000 hommes. Loin est la grandeur du Reich bismarckien, régnant sans partage sur les destinées de l’Europe.

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