Le « Théâtre d'agriculture » d'Olivier de Serres

« piqués de solides chevilles en fer pour casser les mottes : « Un instrument de si bon ser­ vice qu'un seul homme avec une ou deux bêtes brise plus de mottes que ne feraient dix hommes.» Olivier de Serres se lance aussi dans l'irrigation .

Pour amener l'eau, en captant le ruisseau qui limite sa proprié­ té à l'ouest, il fait creuser un canal au parcours compliqué, qui se divise en plusieurs conduites alimentant la mare aux canards, les abreuvoirs , le jardin et les prairies .

Les agri­ culteurs voisins se montrent d'abord sceptiques, et, quans les ouvriers du Pradel com­ mencent les travaux, les com­ mentaires ironiques vont bon train.

Mais les plaisanteries cessent l'été suivant quand, alors que le pays n'est plus qu'un désert brûlé par un so­ leil torride, le domaine d'Oli­ vier de Serres reste une oasis de fraîcheur ...

En 1564, déjà, le seigneur du Pradel fait venir de la marne des carrières des environs pour améliorer le sol.

Par la suite, il essaie toutes sortes de fumiers, invente des amen- dements composés de chaux et de marne, de cendre de bois .

li améliore le système de la jachère en la mettant en place dès la moisson : on peut ainsi enfouir les chaumes pour que la terre d'hiver profite de leur décomposition .

Le livre de chevet du roi Olivier de Serres est le pre­ mier à faire la distinction entre plantes épuisantes et plantes enrichissantes pour le sol.

li met en valeur le rôle de la luzerne et du sainfoin , expéri­ mente de nombreuses combi­ naisons et rotations de végé­ taux, trèfle, blé, seigle.

En cul­ tivant son jardin, il invente les « prairies artificielles », ce qui lui permet de décupler très vite le rendement de son do­ maine .

li a une vision d'en­ semble de l'interdépendance des parcelles, où une succes­ sion très précise de cultures permet de supprimer les fri­ ches et de multiplier les sur­ faces cultivées tout en enri­ chissant la terre.

Dans le Lan­ guedoc, les champs sont lais­ sés en friche un an sur deux .

Olivier de Serres substitue à ce ruineux assolement biennal l'assolement de longue durée .

Au lieu de semer tout le four­ rage à la fois, il répartit les di­ verses cultures dans le temps et dans l'espace .

« Et afin que vous soyez toujours fournis d'un aussi bon fourrage et de beaux blés avec, vous aurez toujours des esparcetières nouvelles et des vieilles pour en faire servir certaines en foin et les autres en blé , ainsi de l'un et de l'autre, vous pourrez avoir défaut moyen­ nant la fortune d'en haut », explique-t-il.

Lors d'une visite à Paris , en 1598, il signe un contrat avec l ' imprimeur du roi pour faire éditer son Théâtr e d'agriculture et mesnage des champs, qui corn- flBlhE DITI ONS llo\l;lll ATLAS UN ÉVÉNEMENT SCIENTIFIQUE Comme l'indique le terme « théâtre », le Théâtre d'agriculture et mesnage des champs d'Olivier de Serres est divisé en « lieux » : choix de l'emplacement, labourage des terres à grains ; culture de la vigne ; bétail à quatre pieds, conduite de la poulaille , de la garenne, parc à grosses bêtes sauvages ; conduite du poisson, des abeilles, des vers à soie ; jardinages et jardins potager, bouquetier et médicinal ; verger.

Le septième lieu est consacré aux eaux, aux bois et aux arbres ; le huitième, enfin, s'attache au ménage de la maison : provisions, confitures, meubles, remèdes pour gens et bêtes.

Olivier de Serres est le premier à aborder l'agriculture comme une science globale.

li décrit par ailleurs des plantes peu connues, comme le maïs, le houblon, la canne à sucre, le safran.

Ses innovations techniques font de son traité un événement scientifique, alors que dans ce domaine quasiment rien de nouveau n'a été apporté depuis !'Antiquité .

Le Théâtre d'agriculture sera réédité seize fois entre 1600 et 1641 .

porte déjà plus de mille pa­ ges.

Le livre est publié en 1600 et dédié à Henri IV, qui, chaque soir, s'en fait lire des passages.

Par ses qualités lit­ téraires, ce traité d'agronomie original est très attrayant .

li constitue un hymne à la terre qui , au sortir des guerres de Religion , participe à la politi­ que de réconciliation voulue par Je roi, laquelle passe par une pacification et un retour dans leurs domaines ruraux des nobles batailleurs .

Olivier de Serres abonde en ce sens : « De leurs épées , ils forgeront des socs et de leurs lances des faucilles .

». »